Démondialisation : que faut-il déconstruire ?

mercredi 28 décembre 2011, par Stéphanie Treillet

Deux questions interdépendantes semblent utiles pour ce débat : • Pense-t-on que les attaques contre le salariat et la dégradation du rapport de force que nous avons connues au cours des dernières années proviennent directement de la mondialisation en tant que telle ? • Cette première question nous conduit à tenter de préciser ce qu’on entend par mondialisation et les mécanismes par lesquels elle agit pour transformer les économies.

La mondialisation, en effet, n’apparaît pas comme un rouleau compresseur face auquel les gouvernements des États-nations seraient impuissants, et contre lequel il conviendrait de leur restituer des armes. Ceux-ci constituent au contraire les instruments et les médiations, indispensables au capital, de la mise en concurrence généralisée des travailleurs et de tous les systèmes productifs et sociaux sur toute la planète. Ajoutons qu’il importe de distinguer ce qu’il faut faire à présent, dans le contexte de gouvernements pratiquant des politiques néolibérales et d’austérité, et dont on ne voit pas pourquoi ils y renonceraient à l’abri de barrières protectionnistes, de ce que pourrait ou devrait faire une gouvernement entreprenant une rupture avec ces politiques et une transformation sociale véritable, et décidé à défendre ce processus contre des mesures de rétorsion. Au cœur de la confrontation capital-travail de ces trente dernières années et des mécanismes qui ont conduit à une diminution d’environ 10 points de la part des salaires dans la valeur ajoutée, il y a le chômage de masse, la précarité et le sous-emploi. Cette donnée a constitué l’instrument central pour augmenter le taux d’exploitation des salarié/es et restaurer les conditions de la rentabilité du capital. Il s’agit bien du résultat de politiques menées d’abord par les gouvernements dans un cadre national. En France, ce sont les politiques d’exonération des cotisations sociales patronales mises en place et renforcées par les différents gouvernements qui ont abouti à la montée du temps partiel, quasiment inexistant avant le début des années 1980 et qui représente aujourd’hui 30 % des emplois pour les femmes. Il faut noter que ce temps partiel, souvent imposé et au SMIC, responsable d’une grande partie de la pauvreté au travail, s’est installé d’abord dans des secteurs de l’activité peu exposés à la concurrence internationale, comme le nettoyage ou la grande distribution. Ce n’est pas la mondialisation qui a abouti à ce partage sauvage et inégalitaire du temps de travail, en lieu et place d’une véritable réduction du temps de travail pour toutes et tous. Celle-ci supposerait une loi qui ne prévoirait ni modération salariale, ni annualisation du temps de travail, ni négociation au niveau des entreprises, mais qui au contraire interdirait l’intensification du travail et comporterait l’obligation d’embauches proportionnelles à la réduction des horaires. C’est un choix politique qui n’est pas subordonné à la mondialisation. Ce n’est pas non plus la mondialisation qui supprime des postes dans l’Éducation nationale et organise le démantèlement de tous les services publics. Certes, c’est la mondialisation qui crée les conditions du dumping fiscal, social et environnemental organisé par les gouvernements, qui en retour renforcent les politiques socialement régressives. Mais c’est avant tout la libre circulation des capitaux qui permet le chantage s’exerçant sur les salariés. Libre circulation et déréglementation qui ont été mises en place, là encore, par les gouvernements à partir de la décennie 1980. C’est dans les traités de Maastricht puis de Lisbonne, traités intergouvernementaux, qu’on trouve les articles interdisant la mise en place d’un contrôle des mouvements de capitaux [1]. Ce sont également des négociations interétatiques, dans le cadre de l’AGCS de l’OMC qui organisent la libéralisation des services publics dans tous les pays. Ce sont enfin des mécanismes de convergence discutés entre États dans le cadre de l’Union européenne qui aboutissent au démantèlement des systèmes de retraite par répartition. On peut donc caractériser la mondialisation libérale comme un nouveau régime d’accumulation du capital, qui passe certes par l’action d’acteurs globaux, mais aussi par celle d’un nouvel État dont le rôle, tant à l’intérieur des frontières nationales que dans les négociations internationales, consiste à réformer et à faire fonctionner les marchés pour porter au maximum les conditions de la rentabilité du capital. Loin de se réduire à une simple extension du libre-échange commercial, la mondialisation néolibérale est une réorganisation totale du fonctionnement des économies, imbriquant étroitement États, organisations internationales et firmes multinationales. Une grande partie de la circulation mondiale des marchandises n’existe que parce que les firmes organisent la division internationale des processus de production entre différentes localisations. Ce n’est donc pas un commerce entre nations, mais une circulation interne aux firmes de produits semi-finis. Dans cette optique, on peut douter que des instruments commerciaux passant par le jeu des prix, comme des droits de douane, et intervenant en aval de la décision, puissent être opérants pour dissuader des entreprises de délocaliser leur production. On peut leur opposer la restauration d’un contrôle international des mouvements de capitaux, et des lois prévoyant, en amont, un droit de veto des salariés sur toute décision de délocalisation, s’inscrivant dans une restauration générale du droit du travail tant maltraité ces dernières années. L’action doit se faire en amont et passer par un renforcement des interdictions et des réglementations.

Notes

[1Article 123 du traité de Lisbonne

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