« L’emploi indépendant devient la nouvelle norme »
La montée récente de l’auto-entrepreneuriat fait l’objet de tous les fantasmes. Pour les néolibéraux, on assisterait à la généralisation de l’entrepreneur autonome dans un monde concurrentiel et informatisé, tandis que certains idéalistes à gauche y voient l’avènement du travailleur enfin affranchi de l’aliénation et de la subordination à un employeur.
Pourtant, le salariat résiste. La part des non-salarié
e s dans l’emploi total a considérablement reculé entre 1970 et les années 2000, notamment dans l’agriculture. Elle n’a commencé à remonter faiblement que depuis 2009, sous l’impulsion de la loi dite de « modernisation de l’économie » d’août 2008 encourageant l’auto-entrepreneuriat. Aujourd’hui, 11 % des emplois sont non-salarié e s : plus que les 8-9 % des années 2000-2009, mais bien moins que les 20 % de 1970. Il n’y a pas de lame de fond.L’auto-entrepreneuriat a pourtant des effets majeurs sur l’emploi indépendant. Il déstabilise des professions indépendantes « classiques » : par exemple, pour exercer, les artisans taxi doivent réussir un concours et investir dans une licence et un véhicule. Ils font désormais face à des chauffeurs de plateformes, VTC ou Uber, n’ayant ni le certificat de taxi (la formation VTC est bien moins exigeante), ni la licence et contraint à des cadences infernales du fait de leurs faible niveau de rémunération. Si cette concurrence a pu se développer, c’est parce que les pouvoirs publics ont ouvert la profession de taxi à des auto-entrepreneurs non professionnels.
« L’auto-entrepreneuriat, c’est l’emploi d’avenir »
Loin des clichés sur leur autonomie, les auto-entrepreneurs sont souvent poussés vers ce statut par la précarité ou les discriminations des employeurs. Plutôt qualifiés, ils cherchent à compléter les revenus d’une activité salariée précaire ou basculent malgré eux vers ce statut. quand ce ne sont pas d’ancien
ne s chômeurs euses ou inactifs ves qui en obtiennent des revenus insuffisants. Leur subordination de fait à un client ou à un donneur d’ordre est fréquente, ces derniers cherchant à disposer d’une main-d’œuvre flexible sans assumer les obligations d’un employeur, une forme extrême d’exploitation.L’ubérisation n’est pas l’avenir du travail.
La précarité de ces emplois et la course au moins-disant social alimentent les revendications et les luttes de ces précaires. L’avenir, c’est la régulation de l’emploi indépendant, et sa réintégration dans le salariat quand il n’est pas indépendant.