7 organisations syndicales de fonctionnaires appellent leurs collègues des trois versants de la fonction publique (État, collectivités locales et hospitalière) à se mettre en grève le 5 décembre 2024.
Cette grève, qui s’appuie sur des revendications de moyens alloués aux missions publiques, des conditions de travail et de la rémunération, porte également plus largement sur la reconnaissance des fonctionnaires et de leur rôle dans notre société. Elle fait suite à des années de dégradation savamment entretenue par les gouvernements successifs et dénonce vivement le mépris du pouvoir incarné notamment par le ministre actuel de la fonction publique, Guillaume Kasbarian.
Les 3 jours de carence ; un procès indigne et trompeur des fonctionnaires
Le ministre de la fonction publique veut imposer 3 jours de carence aux fonctionnaires en arguant qu’une telle mesure procurerait 300 millions d’euros d’économies et permettrait un alignement sur les salarié·es du secteur privé. Si, une fois de plus, c’est la même logique libérale du nivellement par le bas, ces arguments sont faux et trompeurs. En effet, pour 80 % dans les entreprises de plus de 250 salarié·es, le jour de carence est pris en charge par l’employeur. Le gouvernement voit donc sciemment aligner le régime des fonctionnaires sur les salarié·es les moins bien loti·es des petites et moyennes entreprises.
Au surplus, aucun rapport ne peut établir que cette mesure se traduira par des économies. Enfin, ces mêmes travaux, issus de l’Inspection générale et de l’Insee notamment, démontrent chiffres à l’appui, que l’absentéisme n’est pas plus élevé dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique hospitalière que dans le secteur privé, qui représentent environ les 2/3 des fonctionnaires. Concernant la fonction publique territoriale, il faut préciser qu’elle emploie un grand nombre d’agents exposés à des missions pénibles (entretien, gardiennage d’infrastructures publiques par exemple).
Au final, les fonctionnaires seraient moins bien traité·es que la grande majorité des salarié·es du secteur privé pour une économie au mieux minime, au pire inexistante. En clair, une telle mesure n’a aucun fondement ni aucune légitimité.
La fonction publique, pourquoi, comment ?
Le droit de la fonction publique repose sur trois principes fondamentaux : le recrutement sur concours, le droit à la retraite et le droit à la mobilité. En effet, pour devenir fonctionnaire, il faut ainsi participer à un concours qui est le principe général destiné à garantir un accès égal à tous·tes et de garantir la qualité des recrutements.
Ces principes découlent d’une construction historique qui donne aux services publics et à la fonction publique une place particulière qui permet d’éviter de dépendre du seul secteur marchand et d’apporter des réponses à des enjeux économiques, sociaux ou environnementaux et ce, en envisageant le long terme. Au reste, les principes du service public de continuité du service, d’adaptabilité (aux besoins de la population, aux techniques…) et d’égalité (afin d’empêcher toute discrimination sur le service rendu notamment) ne peuvent pas être traduits dans le secteur marchand, dont les objectifs sont différents.
En raison de ces principes et de la place particulière donnée aux trois fonctions publiques, la vie administrative d’un·e fonctionnaire ne dépend pas de l’emploi qu’il·elle occupe, mais du statut qui lui est dévolu par la loi et le règlement. Un·e fonctionnaire détient un grade (soit d’entrée après nomination ou d’avancement), il·elle a droit par conséquence à accéder à certains emplois de sa catégorie sur l’un desquels il·elle est affecté·e en fonction des besoins du service. Les missions exercées par les fonctionnaires étant d’intérêt général et pérennes, l’emploi des fonctionnaires est en principe garanti à vie, même si les fonctionnaires sont soumis·es à des obligations particulières en contrepartie.
Comprendre ceci est décisif pour réaliser l’ampleur de l’attaque contre les fonctionnaires, leur statut, leurs conditions de travail, leurs missions et leur rémunération.
Une attaque globale anti-fonctionnaires, anti-fonction publique et anti-service public
Ce gouvernement n’est hélas pas le premier à porter de rudes coups contre la fonction publique. Les précédents l’ont déjà largement fragilisée : ils sont responsables de la perte de pouvoir d’achat (par les mesure de gel du point d’indice notamment), de la dégradation de l’exercice du service public et des conditions de travail des agent·es (du fait des restrictions budgétaires, ce que la crise Covid par exemple a dramatiquement révélé) et de la précarité grandissante puisque les recrutements en CDD se développent depuis la loi d’août 2019 voulue par Emmanuel Macron et son gouvernenement de l’époque.
C’est dans ce contexte que le gouvernement actuel veut porter un coup décisif aux principes de la fonction publique. Ce pouvoir considère en effet que la place de l’action publique (tour comme celle de la protection sociale) est trop importante. Dans la période, l’exemple de la privatisation du fret l’illustre tristement. Niant la spécificité des missions publiques, il estime que le « public » doit s’aligner sur le « privé », sans pour autant favoriser ce dernier. Pour ce faire, il adopte une stratégie connue et très employée par Emmanuel Macron, son maître à penser : cliver et diviser la population, laquelle réclame pourtant des services publics plus accessibles et de meilleure qualité.
Elon Musk érigé en « modèle » : au-delà de la provocation, un vrai danger pour le « modèle social »
Guillaume Kasbarian, qui utilise le thème de la débureaucratie pour populariser son torpillage de la fonction publique, s’est empressé de féliciter Elon Musk, chargé par Donald Trump de l’« efficacité gouvernementale ». Il s’est dit pressé de partager « les meilleures pratiques pour lutter contre l’excès de bureaucratie ». Elon Musk, qui s’est récemment vanté d’avoir licencié 80 des salarié·es du réseau X (anciennement Twitter) a annoncé un plan de privatisations et de licenciements inégalé d’agent·es des services publics fédéraux.
Il est donc le modèle d’un ministre qui stigmatise la fonction publique et ses agent·es et rêve d’en harmoniser les droits vers le bas pour faire de la fonction publique une entité régie par les modes du secteur privé, ce qui ne peut que nuire à ses objectifs fondamentaux : servir l’intérêt général, garantir une égalité d’accès et de traitement entre les usager·es, respect des principes d’adaptabilité et de laïcité. Autant de principes clairement sous la menace du projet du gouvernement.
La grève du 5 décembre est d’intérêt général : il faut défendre la place et le rôle de la fonction publique, partie intégrante du patrimoine commun, notamment de celles et ceux qui n’en n’ont pas.