M. le ministre des Finances et de l’Economie, Pierre Moscovici M. le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve
Copie : MM. les députés Christian Eckert, Gilles Carrez, Yann Galut, MM. les sénateurs Philippe Marini et François Marc
Messieurs les ministres,
Vous avez annoncé le 19 janvier 2014, le retrait de Jersey et des Bermudes de la liste des États et territoires non coopératifs. [1]
Alors que la lutte contre les paradis fiscaux a été relancée en grande pompe lors du G20 de Londres en avril 2009, il a fallu plus de 4 ans pour que, le 21 août 2013, le gouvernement français se décide à mettre Jersey et les Bermudes à l’index, sanctionnant ainsi leur faible niveau de coopération, qui « ne permettait pas d’échanger tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale française (cf. le 2) a) de Article 238-0 A du code général des impôts) » . [2]
A l’inverse, une fois sous le coup de sanctions financières, grâce à leur inscription sur la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC), 5 mois ont-ils suffi au gouvernement pour apprécier la soudaine et pleine coopération de ces territoires ? Pourquoi en avoir décidé ainsi avant même la réactualisation annuelle de la liste ?
Dans votre courrier adressé aux deux chambres du Parlement le 20 décembre 2013, vous justifiez cette décision en indiquant que « les discussions avec les Bermudes et Jersey ont ainsi notamment permis de trouver des solutions concernant les modalités pratiques de coopération et d’interprétation juridique de l’accord d’échange de renseignement (TIEA). »
Cette phrase mérite d’être détaillée : quelles sont ces solutions et à quelles problématiques ont-elles répondu exactement ? Nous avions compris que de tels éléments auraient dû figurer dans le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances (PLF) 2014. Or, à notre connaissance, ce jaune n’a pas été publié, le dernier en date étant celui annexé au PLF 2013 . [3]
Les organisations membres de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires souhaiteraient que vous leur fassiez part des éléments qui justifient cette décision soudaine. En particulier, quelles garanties avez-vous obtenues que l’engagement de Jersey et des Bermudes soit pérenne ? En cas de détérioration, quelles sanctions prévoyez-vous et sous quel délai ?
Dans la période de tension économique et sociale que nous traversons, les citoyens français sont extrêmement sensibles aux questions de justice fiscale. Tout laxisme à l’égard des territoires non coopératifs serait jugé inacceptable, et plus encore s’il est lié à l’intervention des banques, que chacun sait bien implantées dans ces territoires . [4]
Nous serions heureux de pouvoir vous rencontrer pour échanger sur ces questions ainsi que sur le devenir de la liste ETNC. En effet, la récente mise à l’index du Luxembourg par le Forum Fiscal Mondial animé par l’OCDE [5]... n’appelle-t-elle pas selon vous une réaction de la part de la France ? Enfin, suite au récent refus par le Conseil constitutionnel que l’échange automatique de renseignements fiscaux devienne un critère pour l’établissement de la liste des ETNC, nous craignons que celle-ci ne devienne obsolète par rapport aux évolutions récentes au sein de la communauté internationale.
Nous vous prions, MM. les Ministres, d’agréer nos meilleures salutations,
Pour la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, Harold Heuzé, administrateur d’Anticor et Mathilde Dupré, coordinatrice de la plateforme.