Dans son interview aux Échos, Yaël Braun-Pivet propose de « se pencher sur la taxation des "super héritages" ». Elle pointe notamment une réalité statistique : « 0,1 % des héritiers reçoivent des montants supérieurs à 13 millions d’euros et ne paient en moyenne que 10 % de droits de succession ». Ce constat est factuel et implacable. Il est pourtant peu connu car peu abordé dans les grands médias.
Certes, Attac ne partage ni les autres pistes évoquées par Yaël Braun-Pivet (comme celle de l’année blanche, qui, en matière d’impôt sur le revenu, rendrait imposables de nombreux foyers aujourd’hui exonérés en raison du niveau de leurs revenus), ni la politique qu’elle soutient (comme l’introduction d’une « TVA sociale »).. Mais nous reconnaissons que c’est tout le mérite de la présidente de l’Assemblée nationale de remettre dans le débat public la taxation des super héritages et de pointer une des injustices majeures du système fiscal.
Pour compléter le constat dressé dans cette interview, on rappellera que, selon l’INSEE, la moitié des ménages français ne bénéficie d’aucun héritage et que, pour ceux qui en reçoivent un, l’immense majorité n’est pas imposable (85 à 87 %) en raison de la faiblesse de la valeur du patrimoine transmis. France stratégie a, par ailleurs, calculé que le taux moyen d’imposition effectif sur les successions en France est d’environ 5 %, il s’abaisse même entre 2 % et 3 % pour les transmissions dites « en ligne directe » (entre parents et enfants). Plus largement, le Conseil d’analyse économique a démontré que la part de la richesse héritée dans le patrimoine global des ménages s’accroît considérablement : elle en représente 60 % aujourd’hui, contre 35 % dans les années 1970.
Repenser les droits de donation et de succession pour qu’ils soient non seulement rentables sur le plan budgétaire, mais aussi plus équitables et progressifs est d’autant plus nécessaire qu’en France, d’ici à 2040, 9 000 milliards d’euros de patrimoine seront transmis. Plusieurs chantiers doivent donc être engagés dans le cadre d’une véritable réforme des droits de donation et de succession :
plafonner le Pacte Dutreil (une exonération de 75 % sur la transmission de titres d’une société) afin d’épargner la transmission des PME mais de mettre davantage à contribution les transmissions organisées par les plus riches,
remettre en cause les autres « niches fiscales », comme l’assurance-vie par exemple,
revoir les barèmes d’imposition, aujourd’hui calculés selon le lien de parenté, afin de promouvoir un barème unique,
revoir simultanément les abattements qui se superposent,
rendre transparent et améliorer les données statistiques sur la valeur des patrimoines transmis par voie de donation et de succession.