Démantèlement de Calais, un désastre annoncé

lundi 24 octobre 2016, par Attac France

Malgré les mises en garde, le gouvernement bafoue les droits fondamentaux, pour des raisons électoralistes. Depuis plusieurs semaines le démantèlement du bidonville de Calais est annoncé, sans toutefois que soient proposées des solutions à la hauteur des enjeux. À cette annonce, la population est passée de 10 188 personnes en septembre à 8 143 personnes, d’après le recensement effectué en octobre 2016 par « Help Refugees » et l’Auberge des Migrants. Par contre, le nombre de personnes mineures qui étaient évalué à 1 179 a augmenté jusqu’à 1 496 dont 1 291 personnes mineures isolées.

Deux jours avant son déplacement à Calais le 26 septembre 2016, et lors d’une visite dans un centre d’accueil et d’orientation (CAO) à Tours, le Président de la République confirmait la volonté du gouvernement de démanteler Calais entièrement et de répartir des centres d’accueil et d’orientation sur tout le territoire. François Hollande dénonçait les situations comme à Calais «  où s’entassent des êtres humains dans des conditions qui ne sont pas dignes, ni pour eux, ni pour nous  ». C’est pourtant son gouvernement qui a délibérément choisi d’éloigner les migrant·e·s du centre ville de Calais, leur rendant plus difficile encore l’accès aux droits fondamentaux. Bafouant les conventions internationales notamment celles qui protègent les demandeurs et demandeuses d’asile, il a également renoncé aux missions de service public censées apporter protection aux plus démuni·e·s, et entre autre répondre aux besoins de soins, veiller à la scolarisation de tous les enfants à partir de 6 ans, notamment. Si les conditions dans lesquelles vivent les exilé·e·s sont indignes, c’est bien car les réponses ne sont pas adaptées à la mesure de la situation.

Ainsi, plutôt que de s’atteler à répondre aux besoins sociaux, le gouvernement a favorisé une approche sécuritaire qui criminalise les personnes migrantes et celles et ceux qui se mobilisent à leur côté pour défendre leurs droits et palier aux manques. François Hollande ne veut pas que des camps se développent en France. Ainsi, face à la crise humanitaire, il a choisi de poursuivre le nettoyage de « la jungle de Calais », entamé par sa zone sud en février-mars 2016. Rappelons qu’alors si le nombre des exilé·e·s a baissé, il est remonté quelques semaine plus tard. Déjà, les associations de terrain dénonçaient de nombreuses atteintes aux droits, dont la difficulté pour les migrant·e·s de déposer une demande d’asile, la difficulté du suivi de leur dossier en cas de dispersion sur le territoire, ou notamment la séparation des membres d’une même famille.

Recourir aujourd’hui aux bulldozers et aux forces de l’ordre pour évacuer des milliers de personnes et les disperser dans tout le pays n’empêchera pas les personnes de revenir dans le Calaisis, car nombre d’entre elles souhaitent se rendre en Grande Bretagne et y auraient droit, notamment certain·e·s mineur·e·s concerné·e·s par les réunifications familiales dans le cadre du règlement Dublin III.

En amont de l’opération de grande envergure qui a commencé ce lundi 24 octobre à l’aube, visant le déplacement de milliers de personnes en quelques jours, et la destruction du bidonville, François Hollande et son gouvernement ont reçu plusieurs signaux d’alerte. Outre les associations de terrain, le Défenseur des droits interpellait le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve : tout en condamnant les conditions indignes dans lesquelles vivent les exilés à Calais, il rappelait qu’il n’est pas tolérable que le démantèlement du bidonville conduise à fragiliser davantage le sort de ces personnes très vulnérables. Il exigeait en ce sens d’avoir des informations précises sur les dispositifs mis en place en amont du démantèlement de la zone Nord du bidonville de Calais.
Les Défenseures des enfants anglaise et française ont elles aussi alarmé le gouvernement français, rappelant de toute urgence la nécessité d’assurer la protection des mineur.e.s avant d’envisager le démantèlement du camp de Calais. Lorsque la première partie du camp a été détruite en début d’année, 129 enfants ont disparu.

Si les femmes ont largement été invisibilisées par la couverture médiatique de l’actualité de Calais, elles sont pourtant présentes sur le bidonville, et pour certaines mises à l’abri au Centre Jules Ferry non loin de là. Depuis fin 2015, l’association Gynécologie sans frontières (GSF) a envoyé des professionnelles qui interviennent dans le cadre d’un dispensaire mobile de gynécologie obstétrique dans les 5 camps du Nord-Pas-de-Calais où se trouvent des femmes : Calais, Grande Synthe, Steenvoorde, Norrent Fontes, Angres. Là encore les initiatives des associations ont permis de répondre à des urgences. Notons que le nombre de femmes augmente dans les camps partout en Europe. En janvier 2016, d’après le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés parmi les 2 000 personnes par jour qui arrivaient en Europe, et malgré l’hiver, les femmes et les enfants atteignaient 55 % des exilé·e·s (27 % en juin 2015). Les femmes sont particulièrement exposées aux violences tout au long de leurs parcours migratoires, et sont rapidement susceptibles d’être repérées par les réseaux de traite. Elles doivent immédiatement pouvoir bénéficier de soins spécifiques, être protégées des violences et prises en charge, qu’elles soient enceintes ou pas, seules ou accompagnées d’enfants. Pourtant la spécificité de la situation des femmes est beaucoup trop négligée.

Globalement, parmi les personnes présentes dans les camps certaines ont vécu des situations d’extrême violence pour lesquelles elles devraient pouvoir bénéficier d’un suivi, ce qui est plus difficile en situation de mobilité accrue. L’état doit pouvoir apporter des réponses pour prendre en charge les violences et en prévenir d’autres, et d’autre part considérer les spécificités de l’exil.

En matière de mesure alternative à « la jungle », les associations dénoncent l’insuffisance du dispositif des CAO. Comment le gouvernement compte-t-il s’y prendre pour mettre en place des moyens humains et financiers suffisant, qu’il n’a pas mis en place dans le Nord-Pas-de-Calais ? Les centres d’accueil sont prévus pour des durées relativement courtes, ce qui rend plus difficiles les suivis juridiques, sanitaires et sociaux. Les associations dont la Cimade mettent en garde contre l’envoi en centre de rétention, et il reste un flou important autour de l’emplacement des 160 CAO. Comment les différentes communes vont-elles répondre ? Si un décalage est à prévoir entre les petites communes et les grandes villes - dont Paris -, ces questions d’accueil et de prise en charge dépassent l’échelle locale.

Par ailleurs, les communes qui vont accueillir des personnes migrantes via les CAO dans un premier temps, se confrontent à des offensives de l’extrême droite, et à des attaques violentes. Il est important que des témoins locaux puissent apporter la plus grande vigilance aux opérations qui vont disperser les personnes exilées dans tout le pays. Il apparait également nécessaire d’agir et de s’associer aux initiatives de solidarité et de rassemblement qui vont s’organiser.

À Calais et ailleurs dans toute la France, le gouvernement doit penser sérieusement l’accueil de ces populations, particulièrement dans le Nord-Pas-de-Calais, et déployer les moyens humains et financiers nécessaires. Cela nécessite après l’évaluation précise des besoins, de former des personnels spécialisés, de créer des emplois qualifiés, de s’équiper de locaux et infrastructures adaptées. Des dispositifs intéressants ont déjà été mis en place en France par le passé, notamment dans les années 1970 lors de l’arrivée de réfugié·e·s de pays d’Amérique du Sud qui ont coup sur coup subi des coups d’état militaires d’une extrême violence. Si le contexte économique était certes différent, c’est surtout la volonté politique qui fait défaut aujourd’hui pour penser l’accueil des populations migrantes. Par ce manque, le gouvernement bafoue les droits humains fondamentaux, dont les droits des femmes, et des mineur.e.s, ne répond pas à la crise humanitaire et instrumentalise Calais à des fins électoralistes.
Plutôt que de laisser l’extrême droite s’engouffrer dans les brèches ouvertes par le manque de réponse humaine et efficace, plutôt que de déployer des moyens pour barrer les routes vers le Royaume-Uni, le gouvernement doit enfin engager un grand plan d’accueil coordonné.
Développer et renforcer les service publics, penser une véritable politique d’accueil, négocier avec le gouvernement britannique, sont des directions vers lesquelles le gouvernement français doit s’engager.

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