COP28 : contradictions et possibilités d’un consensus ?

mercredi 31 janvier 2024, par Dorothy Guerrero

Ce texte « COP28 a été rédigé par Dorothy Guerrero, membre de Global Justice Now (Justice mondiale maintenant - GJN). Il est extrait de la lettre Écologie & Société de janvier-février 2024 à retrouver ici.

GJN est la branche britannique du réseau Attac et Dorothy Guerrero a participé aux dernières COP pour GJN, notamment avec la coalition Demand Climate Justice (Demander la justice climatique – DCJ). DCJ est l’une des deux coalitions de mouvements sociaux et d’ONG qui sont reconnues par l’ONU en tant que réseaux d’ONG environnementales ; DCJ en est la coalition qui identifie plus la justice climatique avec la justice sociale et qui est en ce moment plutôt basé en Asie, Afrique et en Amérique de Nord.

La 28e Conférence des Parties (COP28), qui a eu lieu à Dubaï aux Émirats Arabes Unis, fut le plus grand sommet tenu par la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC). Avec la participation d’environ 85 000 personnes, les dirigeant·es mondiaux étaient rejoints par des membres de divers organismes multilatéraux, mouvements sociaux, groupes d’experts scientifiques, peuples autochtones, syndicats, féministes, jeunes, philanthropes, groupes religieux et un nombre record de lobbyistes des entreprises d’énergies fossiles.

Les discussions de cette année ont comporté plusieurs points marquants :

- Le premier « Bilan mondial » - une évaluation des progrès réalisés pour atteindre les principales dispositions de l’accord de Paris de 2015.

- L’approbation de l’opérationnalisation du Fonds pour les pertes et dommages - le point culminant du processus issu de la décision de la dernière COP et élaboré au cours de cinq réunions tout au long de l’année par le comité de transition de l’ONU.

- La décision de s’éloigner des énergies fossiles, bien que beaucoup plus faible que la très attendue et controversée « sortie des énergies fossiles » prônée par les pays vulnérables au climat, les petits États insulaires et les groupes de justice climatique.

- L’ouverture d’une discussion autour de la transition juste qui est liée à tous les dossiers qui sont négociés à une COP.

Les conflits

Les COP sont des négociations entre198 parties (197 pays plus l’Union européenne) où chaque gouvernement cherche à aligner les accords avec son propre agenda. Souvent, l’agenda des pays et des blocs individuels peuvent être en conflit avec ceux d’autres pays et blocs.

En effet, l’histoire humaine repose sur des relations de pouvoir injustes et illégales issues du colonialisme, de la dépossession et du racisme. L’injustice climatique s’accompagne d’inégalités et les injustices sont toujours reproduites et exacerbées, aussi au cours de réunions comme une COP. Il y a des conflits inter- étatiques et inter-classes dans la détermination de politiques climatiques. La réalité fondamentale de l’injustice climatique est que les pays qui sont financièrement riches ont émis 40 % des émissions mondiales, tandis que les pays qui sont financièrement pauvres ont contribué à seulement 0,4 % des émissions, tout en étant affectés par le changement climatique depuis plusieurs décennies maintenant. Le pourcent le plus riche de l’humanité est responsable de plus d’émissions de carbone que les 66 % les plus pauvres.

Dans les négociations sur le bilan mon- dial, la finance, la mise en œuvre de l’accord de Paris et dans le nouveau débat autour de la transition juste, il est évident que les négociateur·ices des pays riches ont tenté de diluer les principes d’équité, de coopération internationale et de responsabilité commune mais différenciée et de capacités respectives (RCMRD), qui sont tous inscrits dans la convention et l’accord de Paris, afin d’éviter leurs obligations climatiques.

Les contradictions

Vu notre situation générale, le consensus final de Dubaï, bien qu’il comporte certains aspects importants, est très faible. Bien que le texte mentionne la nécessité de « réductions profondes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre » pour rester en phase avec 1,5°C, les efforts énumérés n’offrent tout simplement pas la possibilité d’atteindre cet objectif. Cependant, l’accord reconnaît au moins les écarts entre les aspirations et les objectifs depuis 2015 et là où nous nous dirigeons réellement.

Anne Rasmussen, la principale négociatrice samoane, le gouvernement qui préside l’Alliance des petits États insulaires, a répété à maintes reprises que les engagements sont hors de portée et que le résultat n’était pas suffisant pour corriger le cap. Elle a critiqué le document final comme une « litanie d’échappatoires » et « [seulement] une avancée incrémentale par rapport à l’ordinaire, alors que ce dont nous avions réellement besoin était un changement exponentiel dans nos actions et notre soutien ».

Sans même parler d’une élimination complète des énergies fossiles, comme espéré par beaucoup, la décision n’énonce aucune exigence pour les plus grands pollueurs du monde pour qu’ils fassent leur transition plus rapidement que les pays à faible revenu qui ont peu contribué au changement climatique.

Il est important de noter que bien que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’UE, l’Australie et d’autres pays riches aient en effet poussé pour le terme « sortie des énergies fossiles », ils n’ont pas pro- posé de mettre en place un financement pour la réaliser. En fait, les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Norvège et le Royaume-Uni sont responsables d’une majorité (51 %) de l’expansion prévue de nouveaux champs pétroliers et gaziers jusqu’en 2050. Ils ont également augmenté leurs efforts pour l’utilisation de techniques que nous rejetons (telles que la capture et le stockage du carbone) et que l’industrie des énergies fossiles cherche à utiliser pour retarder leur sortie.

Des possibilités

L’ouverture d’un débat concernant la transition juste est la bienvenue. Cependant, nous voulons qu’il finisse par garantir une transition basée sur la coopération internationale, à l’échelle sectorielle, équitable, sensible au genre et prenant en compte les réalités sociales et politiques des différentes régions, nations, ainsi que les impératifs de la justice climatique. Mais alors que l’argent importe pour débloquer des transitions justes dans les pays du Sud global, ce soutien est bloqué par les pays riches (y compris la France). Sans argent ni équité, de nombreuses mesures seront probablement inatteignables pour les pays qui sont financièrement pauvres.

Le fonds pour les pertes et dommages a été approuvé à la COP28. Bien qu’il s’agisse d’un mécanisme imparfait et avec une manière de faire qui est contestée par les pays financièrement pauvres (par exemple que la Banque mondiale soit son hôte intérimaire pendant quatre ans), quelques petites annonces de financement ont commencé à affluer. Bien loin des milliards qui seraient adéquats, mais c’est un début. Il existe maintenant un fonds qui peut aider les pays à se rebâtir suite à une détresse liée au changement climatique. Redoublons d’efforts dans notre mobilisation pour que nos gouvernements fassent payer les pollueurs afin d’augmenter les contributions à la justice climatique !

Il y a eu des débats autour de la question de savoir s’il fallait ou non participer à la COP28 en raison de l’hôte (un gouvernement pétrolier) et du président de la COP (un PDG d’une compagnie pétrolière). Les événements ont montré qu’il était prudent d’assister et de pousser pour un programme progressiste concernant les combustibles fossiles. Le fait qu’elle se soit tenue dans un pays pétrolier important a finalement permis de mettre le problème de la sortie des combustibles fossiles au centre du dé- bat, bien que de manière contradictoire. La société civile a poussé, maintenu le focus et mis une pression immense sur la sortie des combustibles fossiles à la COP28. Le résultat est évidemment plus faible que ce que nous avons voulu, mais il améliore au moins le terrain de lutte pour l’avenir.

Dorothy Guerrero (traduction : Ian Vidal et Zeno Bernhard)

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