Carnet de bord d’Attac à la COP30, du 10 au 21 novembre à Belém

vendredi 7 novembre 2025, par Attac France

C’est parti pour la COP30 à Belém : la délégation d’Attac va suivre les négociations et les activités en marge de la COP pour porter la voix des peuples, déconstruire les fausses solutions des gouvernements et des multinationales et proposer des stratégies internationalistes ! Suivez-nous au jour le jour dans ce carnet de bord.

Retrouvez sur cette page notre communiqué de bilan de la COP30.

Retrouvez sur cette page la note d’Attac « COP30 à Belém - Face aux négociations par les riches pour les riches, faisons entendre la voix des peuples ! ».

Vendredi 7 novembre

Témoignages autour de la "Caravane mésoaméricaine pour le climat et la vie"

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À trois jours de l’ouverture officielle de la COP, le mouvement social est déjà mobilisé : nous rejoignons une soirée très chaleureuse, stimulante et combative dans un lieu culturel et commun de luttes à Belém : le « Gueto Hub ». La soirée s’inscrivait dans le cadre de la « COP das Baixadas », un mouvement alternatif né dans les quartiers populaires (baixadas) de Belém, pour que la population amazonienne, et en particulier les habitantes des périphéries de la ville aient accès à l’information, soient entendues dans les décisions publiques, et ne soient pas uniquement spectateurs et spectatrices de cette COP30.

La soirée mettait à l’honneur la « Caravana mesoamericana por el clima y la vida » et fut un moment festif très chaleureux mais aussi une occasion de réflexion politique sur le sens de nos luttes au Sud comme au Nord. Cette caravane a été pensée comme un processus politique et territorial, porté par des peuples, communautés et organisations d’Amérique centrale (Mésoamérique), visant à rendre visibles les résistances, à articuler les luttes, à construire un pouvoir populaire et à défendre la vie face à la crise climatique, à l’extractivisme et aux violations des droits humains qui menacent leurs territoires et leurs communautés. Du 6 octobre au 12 novembre, elle a traversé les territoires aujourd’hui connus sous les noms de Guatemala, Salvador, Honduras, Costa Rica, Panama, Colombie, pour rejoindre Belém le temps de la COP30 et des sommets alternatifs.

Les différents témoignages de la caravane racontent que dans un monde fragmenté entre un supposé Nord développé et riche et un Sud global pauvre et toujours en mal de développement, les organisations internationales gouvernementales ont beau jeu de vouloir réduire les écarts. En créant des fonds alimentés le plus souvent par des prêts, elles contribuent à développer de nouveaux marchés qui ne répondent pas forcément aux besoins des communautés locales, voire même s’y opposent.

Force est de constater, poursuivent les camarades, que les populations du Sud comme du Nord ont le même ennemi : un capitalisme patriarcal, colonialiste, extractiviste porté par des politiques publiques néolibérales. La lutte qu’Attac mène en France pour un autre budget s’inscrit totalement dans ce constat : elle s’oppose à un projet de budget gouvernemental injuste, écocidaire, guerrier, anti-féministe, qui va réduire encore plus les services publics déjà bien attaqués, poursuivre les aides publiques aux plus grandes entreprises, diminuer les revenus des retraitées et des plus précaires et militariser un pays qui est déjà le 2e exportateur mondial d’armes.

Il est incontestable toutefois que le dit Nord global recouvre les pays de l’histoire les plus impérialistes, qui ont conquis des territoires en colonisant, et ont organisé le pillage des terres et des richesses naturelles par les firmes multinationales. Ces pays, au-delà de la mesure des richesses par le PNB, en contribuant à plus de 80% des émissions de gaz à effet de serre (pour le G20) ont une responsabilité historique énorme et continue sur les impacts dramatiques du changement climatique sur les populations les moins favorisées des pays dits du Sud. Comme l’a si justement évoqué Mario Quinteros de l’Assemblée des peuples indigènes en défense de la terre et du territoire (APIIDTT, Mexique) « les caractéristiques inégalitaires du Sud global dans ce monde capitaliste reflètent les inégalités dans les pays du Nord ». La question n’est pas aussi binaire que cela en effet. Il y a du Nord dans le Sud et de plus en plus de Sud dans le Nord. Camarades militant.es de tous les pays, unissons-nous conclut la Caravane !

Patricia Pol

Mardi 11 novembre

À Belém, les peuples autochtones ouvrent la voie et brisent le silence.

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Le 11 novembre la délégation d’Attac s’est rendue à la marche climat et santé, organisée par le Réseau Santé et Climat Brésil (Rede Saúde e Clima Brasil). Cette coalition réunit centres de recherche, institutions de santé publique, organisations de la société civile, mouvements sociaux, peuples autochtones et communautés traditionnelles, autour d’un objectif commun : défendre la vie humaine et non humaine face à l’urgence climatique. Le réseau part du constat que la crise climatique est aussi une crise de santé publique, d’équité et de droits humains, puisque des phénomènes comme les vagues de chaleur provoquent déshydratation, coups de chaleur et aggravation des maladies cardiaques et respiratoires, tandis que les inondations entraînent stress, anxiété, traumatismes psychologiques et infections liées à l’eau contaminée. La pollution de l’air et les fumées de feux de forêt augmentent les crises d’asthme, les bronchites, les AVC et les risques de cancer à long terme. Les sécheresses réduisent l’accès à l’eau potable, favorisent les diarrhées, les maladies de peau et la malnutrition. Enfin, la combinaison chaleur et pluies intenses élargit les zones de prolifération des moustiques, entraînant davantage de dengue, chikungunya, Zika et autres maladies infectieuses touchant à la fois enfants et adultes. Le réseau se présente comme un espace collaboratif et national, reliant savoir scientifique, connaissances traditionnelles et pratiques communautaires pour renforcer l’action collective face aux impacts climatiques sur la santé, avec un message central : il n’y a pas de justice climatique sans justice sanitaire et respect du droit au bien vivre.

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Alors que la marche suivait sagement le parcours officiel, tout a basculé quand le bloc de tête - rassemblant des membres des peuples Tupinambá, Arapiun, Arara Vermelha et Maitapu du Bas Tapajós (État du Pará) - a soudain quitté l’itinéraire pour filer droit vers les bâtiments où se tenait la COP30. Naturellement, mon sens inné du protocole m’a poussé à hésiter une seconde. Une seconde seulement. Car j’étais aussi porteur d’une mission, disons… d’intérêt public pour les adhérentes d’Attac : documenter, témoigner, comprendre ce qui se vivait à Belém. Malgré mon tiraillement évident, j’ai pris donc l’immense responsabilité de suivre l’« indigenous block », suivi par la jeunesse du MES, courant du PSOL situé à la gauche du PT, qui brandissait entre autre les drapeaux palestinien et de l’équipage du pirate Luffy, héro du manga One Piece (comme un écho aux luttes en Indonésie, au Népal, à Madagascar et dans bien d’autres pays). Le rythme était intense mais sûr et enraciné dans 500 ans de lutte. Les barrages, certes assez légers, ont été franchis les uns après les autres sous l’impulsion et l’immense détermination des peuples autochtones. Arrivées devant un premier bâtiment de la COP, nous avons commencé une cérémonie en cercle. Puis, sans transition, les peuples autochtones ont lancé l’assaut. À vive allure, nous avons convergé vers l’entrée principale. Et malgré la sécurité, nous avons franchi les portiques et pénétré dans la zone bleue, théoriquement réservée aux accréditées. Toujours animé par le sens du sacrifice pour informer, au service exclusif des adhérentes d’Attac, armé de mon seul téléphone, j’ai continué à suivre le mouvement. À l’intérieur, s’est engagée une confrontation avec les forces de sécurité. Après avoir affirmé leur opposition, les représentants autochtones ont sonné le repli. Dans la mêlée, j’ai perdu mes tongs. Que voulez-vous, il faut parfois faire des choix pour la cause : sauver mes sandales ou sauver ma casquette du Forum social mondial de Cotonou, offerte par les camarades de la Caravane ouest africaine pour le droit à la terre, à l’eau et à l’agroécologie paysanne. J’ai tranché, toujours pour le bien supérieur de l’information militante !

L’action a été critiquée ici par une partie de la société civile, ainsi que par des secteurs du PT. Pour ma part, j’ai eu le sentiment de vivre un moment juste, nécessaire, un acte fort qui exprimait l’opposition et la dignité des peuples face à une COP trop enclavée, trop policée, trop sourde aux propositions des peuples autochtones qui sont les premiers gardiens de la planète. En quittant la zone bleue, les représentants autochtones ont été clairs, et leur parole mérite d’être entendue sans filtre. Neves Arara Vermelha a rappelé qu’aucune violence n’était venue de leur côté : « Nous n’avons pas fait de vandalisme, nous n’avons pas attaqué les policiers. L’agent est tombé à cause de la foule, mais personne ne l’a touché ». Même son de cloche chez Gilson Tupinambá, qui a remis les choses à leur place : « Un vandale ne vient pas parler avec la presse, discuter de politiques publiques, demander des équipements de santé pour sa région. Si c’est cela le vandalisme, alors je ne sais plus ce que c’est ». Leur cible n’était pas une porte tournante ni un portique de sécurité, mais bien les fausses solutions imposées d’en haut : le programme TFFF [1], les projets de marché du carbone et un Congrès national qu’ils décrivent comme leur « plus grand ennemi ». Ils ont dénoncé aussi l’exclusion systématique des peuples autochtones par le gouvernement du Pará et le gouvernement fédéral dans les discussions qui les concernent pourtant au premier chef. Leur action, loin de la caricature médiatique, portait deux revendications simples et vitales : la reconnaissance de leurs territoires et l’annulation du décret 12.600, qu’ils considèrent comme une « privatisation des fleuves Madeira, Tocantins et Tapajós ».

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Au fond, ce qu’ils ont fait là, et ce que nous avons suivi, n’était rien d’autre qu’un rappel essentiel : sans justice territoriale, sans reconnaissance politique et sans écoute réelle, aucune COP, aussi protocolaire soit-elle, ne peut prétendre répondre à l’urgence climatique ni aux droits des peuples.

Ian Vidal

8-11/11 : 3 jours de débats animés lors des rencontres écosocialistes en Amérique Latine.

Les Rencontres écosocialistes d’Amérique Latine, co-organisées par Attac Argentine, ont réuni du 8 au 11 novembre plus de 300 personnes à l’Université Nationale d’Amazonie (UNAMA) autour de riches débats sur l’écoféminisme, l’écosyndicalisme, l’extractivisme, la financiarisation de la nature, les stratégies à mener pour rompre avec la croissance capitaliste, mais aussi des débats très émouvants sur les luttes territoriales des peuples autochtones et leur répression et sur le génocide du peuple palestinien.

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Réunissant mouvements sociaux et partis politiques, ce projet écosocialiste est notamment convaincu qu’il faut tirer parti des erreurs faites par les gouvernements de gauche au pouvoir pour dépasser la crise des alternatives et construire un autre monde. L’intervention de Pablo Solón, ministre du gouvernement Morales et ex-ambassadeur de son pays à l’ONU était particulièrement stimulante ! L’arrivée au pouvoir de Morales en Bolivie n’a été possible que grâce aux luttes menées par les indigènes notamment pour l’eau contre une droite raciste et productiviste. Mais une fois élu, le gouvernement a cru que seul l’État pouvait transformer la société par une planification centralisée. Il a par ailleurs mené des politiques bien plus en fonction d’une réélection possible que du bien-être du peuple. Or, le mouvement social n’a pas réussi à générer un contre-pouvoir indépendant et autonome. D’après Pablo Solón, l’énorme crise énergétique que subit aujourd’hui la Bolivie est en partie liée à cette planification centralisée qui n’a pas marché et qui n’a pas mis en place les conditions d’une agro-écologie qui aurait pu défendre les droits de la nature tout en sortant la Bolivie du mono-extractivisme.
Partir du local, gagner des municipales, non pas à partir des partis mais des communautés locales, voici une analyse qui recueille l’approbation de l’assemblée présente le dernier jour de débats. De quoi réfléchir pour la séquence des Municipales en France qui va bientôt s’ouvrir...

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Patricia Pol

Jeudi 13 novembre

Comment mener une action dans la COP officielle ?

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Le site de la COP30 à Belém, situé au Parque de la ciudade est divisé, comme chaque COP, en deux espaces bien séparés : la Zone verte et la Zone bleue. La Zone verte, ouverte au public, est gérée par le pays invitant, et accueille des événements parallèles, des ateliers et des débats. La Zone bleue est, pour sa part, gérée par l’ONU, c’est l’espace officiel et diplomatique où se déroulent les négociations climatiques et où les décisions mondiales sont prises. Outre les délégations, constituées de négociateurs et de lobbyistes, les membres d’ONG y sont également admis, soit pour suivre les négociations, soit au titre d’observateur. C’est à ce titre qu’Attac bénéficie d’une accréditation, qui me permet de suivre pour l’association les négociations, les débats et évènements parallèles organisés par les ONG, et bien-sûr de participer ou co-organiser des actions. Mais organiser une action à l’intérieur de la COP n’est pas de la première simplicité, et ne pas respecter l’encadrement strict établi par l’organisation peut entraîner, pour l’ONG qui l’organise, le retrait pur et simple du badge d’accès. Quelles sont ces règles strictes ? Elles relèvent d’un contrôle total du mode d’action par l’organisation, qui contraint les activistes à trouver des parades pour réaliser des actions frappantes malgré tout.

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Chaque action, pour être autorisée, doit être déclarée avant 10 h le jour précédent, le lieu doit être déterminé avec l’accord du département de la sécurité et le secrétariat de l’ONU. Le sujet de l’action doit être déclaré, et des photos de toutes les banderoles et visuels qui seront utilisés doivent également être fournies. La durée de l’action doit être validée et respectée, et les agents de sécurité de l’ONU doivent être présents autour de la scène d’action. Durant l’action, aucun nom de pays ne doit être cité, aucun nom de personne, et on ne doit pas non plus citer la devise d’un pays (dollar, euro...). On est donc bien loin d’une action de désobéissance civile, comme peut la pratiquer le groupe action d’Attac !

Comment des activistes peuvent ils être efficaces en étant aussi bridés ? On peut douter de l’impact de ces actions menées à l’intérieur de la zone bleue (il y en a 6 ou 7 par jour depuis mon arrivée), mais elles permettent malgré tout de manifester notre opposition aux fausses solutions qui ressortent des négociations. Ce questionnement sur l’efficacité des actions rejoint celui de l’intérêt de notre présence au sein de cette COP officielle, un débat qui refait régulièrement surface. Pour contourner ces réglementations contraignantes, les activistes font preuve de beaucoup d’inventivité. J’ai assisté à une action contre la répression des militantes initiée par Amnesty, avec plusieurs organisations locales de défense des droits humains : des portraits en noir et blanc de victimes sont portés en bannières par les activistes qui citent leur nom à l’oral en expliquant "je n’ai pas le droit d’écrire son nom sur son portrait", "il vient d’un pays où coule une très grande et longue rivière", etc. Beaucoup d’actions se font avec du scotch sur la bouche, en tenant un message dans les mains. Enfin, au cours de ces actions, la parole est souvent donnée à des représentantes des peuples impactés, C’est le cas de celle menée par 350, dénonçant les crimes de l’extractivisme en Amazonie en donnant la parole à différents représentants autochtones, comme Jonas Mura de l’Associação dos Povos Indígenas do Rio Anebá, le Cacique Ninawa, ou Bianca Barbosa — leader Quilombola de Marajó. Leur parole forte et déterminée, ainsi que leurs chants de cérémonie, supplante le brouhaha du grand couloir central où circulent négociateurices et lobbyistes.

Jean-François Guillon

Vendredi 14 novembre

Invasion de lobbyistes à Belém !

Comme on le sait, les lobbyistes sont très présents dans les négociations, j’ai souvent l’impression de les repérer en voyant passer des petits groupes d’hommes en costume et femmes en tailleur, mais vu les chiffres annoncés par la campagne "Kick Big Polluters Out", ielles sont bien plus nombreuxses que ces quelques silhouettes aperçues ! La campagne, à laquelle Attac participe, a en effet pu procéder à un chiffrage à partir des listings d’inscription, et constater une augmentation de 12% de lobbyistes en plus par rapport à l’an dernier à Bakou [2]. Ce sont plus de 1 600 lobbyistes des énergies fossiles qui ont été autorisés à assister à la COP30 : une personne sur 25 autour de moi est une lobbyiste ! Ce chiffre est vertigineux lorsqu’on le compare à la totalité des participantes : les lobbyistes des énergies fossiles sont largement plus nombreux que la quasi-totalité des délégations nationales à la COP30 (excepté le Brésil, pays hôte, qui a inscrit 3 805 représentantes). C’est la plus forte concentration de lobbyistes des énergies fossiles dans une COP depuis que "Kick Big Polluters Out" procède à ce comptage : il est grand temps d’évacuer des négociations ces grands pollueurs !

Les appels à un cadre de responsabilisation pour protéger les négociations de cette influence néfaste se font de plus en plus pressants. À titre d’exemple, la délégation française compte 449 personnes dont 22 proches du secteur de l’industrie fossile, parmi lesquels 5 cadres de TotalEnergies dont Patrick Pouyanné, condamné il y a peu par la justice française pour « pratiques commerciales trompeuses » en ayant fait croire qu’il pouvait atteindre la neutralité carbone en 2050 tout en augmentant la production de pétrole et de gaz. Ce dernier a été coincé par une représentante de Greenpeace, membre du RAC (Réseau Action Climat), qui a partagé cette rencontre inopinée sur les réseaux sociaux. On y voit le patron de la plus grosse entreprise pétrolière française affirmer sans vergogne qu’il n’est pas un lobbyiste ! Il doit pourtant bien être comptabilisé dans cette longue liste de « représentants d’intérêts », bien plus longue que celle des premiers concernés.

On apprend ainsi dans le communiqué de presse de « Kick Big Polluters Out » que les lobbyistes des énergies fossiles sont « près de 50 fois plus nombreux que les délégués officiels des Philippines », qu’ielles représentent « 40 fois plus de personnes que la Jamaïque » et « ont reçu deux tiers de laissez-passer de plus pour la COP30 que l’ensemble des délégués des dix pays les plus vulnérables au changement climatique ». On peut compter deux lobbyistes pour une autochtone présente dans la zone bleue.

Pour protester contre cette situation inacceptable, et demander l’interdiction totale d’accès aux négociations pour les lobbyistes, nous avions rendez-vous pour une action préparée par « Kick Big Polluters Out » vendredi matin devant l’entrée principale de la COP. Un mannequin géant de lobbyiste à la tête en forme de globe enflammé devait y être exhibé. Mais arrivés très tôt devant l’entrée, nous avons eu la surprise d’y trouver une rangée de militaires armés et les grilles fermées.

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Une rangée impresionnante de militaires armés nous attend derrière les grilles.
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Les autochtones font un sit-in devant l’entrée bloquée.

Un groupe d’autochtones d’Amazonie était venu plus tôt encore effectuer un sit-in non déclaré. Spontanément, les activistes ont formé un cordon pour les protéger de la foule et de la presse qui les approchaient en masse d’un peu trop près. Très calmes et déterminées, les autochtones chantent et discutent avec la presse très nombreuse, il y a des femmes, des hommes, et même un petit bébé, qui dort sur l’épaule de sa mère, devant les militaires en armes. Cette situation provoque un chaos car on est à l’heure ou tout le public arrive. L’entrée étant toujours bloquée, la direction de la COP transforme la sortie en entrée, et une énorme file d’attente se forme. Finalement, André Correa do Lago, le président de la COP, vient en personne dialoguer avec les autochtones qui finissent par accepter de quitter les lieux dans sa compagnie après environ deux heures.

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Le chaos devant l’entrée de la COP.
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Le président de la COP dialogue avec les autochtones.

Cet évènement aura fait une victime collatérale : Patrick Pouyanné, arrivé ce matin-là, bloqué dans la foule, aura dû attendre plusieurs heures en plein soleil pour obtenir son badge ! Dans la foulée, le secrétariat de la CCNUCC fait une annonce radicale : toute action à l’intérieur de la zone bleue est prohibée pour la journée ! Les organisateurs de notre action réussiront toutefois à négocier de la réaliser tout de même dans l’après-midi à l’intérieur.

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Le mannequin du lobbyiste.

Le mannequin du lobbyiste sera bien exhibé et mis à terre, pendant que Tom Goldtooth, leader autochtone de la nation Navajo, connu pour ses actions contre Standing Rock, prend la parole.

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L’action a finalement lieu l’après-midi à l’intérieur.

La lutte ne s’achèvera pas là : nous avons rendez-vous mardi pour une nouvelle action de « Kick Big Polluters Out » sur le même sujet. D’ici-là, une lettre a été envoyée au secrétariat de la Convention cadre de l’ONU sur le climat et Simon Stiell, son secrétaire, pour lui demander d’annuler la directive néfaste envoyée au Brésil, l’exhortant à renforcer les forces de sécurité à la COP30. Attac France a co-signé la lettre : les autochtones et le mouvement social ne constituent pas une menace !

Jean-François Guillon

Samedi 15 novembre

Grande marche pour le climat et l’Amazonie à Belém

Attac est présente dans l'énorme marche pour le climat et l'Amazonie à Belém, aux côtés des autochtones, et du mouvement social et internationaliste pour réclamer la justice climatique et refuser les fausses solutions.
#COP30 #cupuladospovos

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— Attac France (@attac.org) 15 novembre 2025 à 16:22

Mardi 18 novembre

La sortie des énergies fossiles est-elle un sujet pour la COP ?

Le sujet de la sortie des énergies fossiles n’est pas à l’agenda de cette COP 30, et le terme même « énergies fossiles » n’apparaît nulle part dans l’accord de Paris de 2015. Pourtant, le sujet a surgi à plusieurs reprises à Belém. Cela peut paraître surprenant qu’un tel sujet, essentiel à la question climatique, alors que la combustion du pétrole, du gaz et du charbon est à l’origine d’environ 90 % des émissions mondiales de CO2, soit ainsi mis de côté dans les négociations, mais la forte présence des lobbyistes et la frilosité des États producteurs peut faire douter que la COP soit déterminée à résoudre un problème causé par le productivisme capitaliste développé au sein même des États qui se réunissent à Belém. En 2023, à la fin de la COP28 à Dubaï, les États avaient appelé pour la première fois à « une transition hors des énergies fossiles », mais cela n’a jamais été beaucoup plus loin sur la mise en œuvre.

Lors de la cérémonie d’ouverture, le président Lula dont on sait qu’il a accordé au géant du pétrole brésilien Petrobras un permis de forer du pétrole à l’embouchure de l’Amazone, a surpris en appelant à l’élaboration de « feuilles de route » pour sortir des énergies fossiles. Un discours qui est repris régulièrement depuis par la ministre de l’environnement du Brésil, Marina Silva, dans la presse ou les discussions à la COP. Il faut rappeler ici que l’ensemble des États du monde prévoient encore, à l’heure actuelle, de produire deux fois plus d’énergies fossiles en 2030 que nécessaire pour contenir le réchauffement.

Parallèlement aux négociations, la Colombie, pays pétrolier qui a été le premier pays continental et exportateur de pétrole à avoir signé le traité de non-prolifération des combustibles fossiles en 2023, travaille à une déclaration sur l’abandon progressif des énergies fossiles, qui pourrait être signée par un nombre d’États important (entre autres les petites nations insulaires, l’Espagne, la France, le Danemark...). La ministre de l’environnement colombienne, Irene Vélez Torres, a annoncé à Belém que la partie amazonienne de son pays sera exempte de toute « activité pétrolière à grande échelle », et en avril 2026, la Colombie organisera un sommet intergouvernemental sur l’élimination progressive des énergies fossiles.

Cette initiative, ainsi que les déclarations de Lula, ont certainement eu une influence sur l’apparition de ce sujet imprévu à l’agenda. Un groupe de pays comprenant le Brésil, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, le Danemark, la Colombie et le Kenya, a commencé à travailler sur une feuille de route de sortie mondiale des énergies fossiles. Le nombre exact de pays soutenant l’initiative a augmenté considérablement ces derniers jours, et pourrait se traduire par une déclaration finale.

Fanny Petitbon, du mouvement 350, qui est présente à nos côtés dans la zone bleue et très active pour suivre les négociations comme participer aux actions, nous a partagé un travail réalisé avec ses collègues, qui ont passé au peigne fin les contributions écrites et les déclarations publiques des Parties indiquant un soutien à une feuille de route de sortie des énergies fossiles au démarrage de l’initiative. Voici comment la coalition s’est construite selon cette analyse :

  • 6 novembre = 1 pays. Tout a commencé avec le discours de Lula lors de l’ouverture du sommet des dirigeants
  • 11 novembre = 8 pays. Les pays de l’EIG (Géorgie, Liechtenstein, Mexique, Monaco, République de Corée et Suisse) et la Colombie rejoignent le mouvement
  • 13 novembre = 20 pays. L’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, le Kenya et AILAC (Chili, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Panama, Paraguay et Pérou) s’ajoutent
  • 14 novembre = 59 pays.
  • Le groupe des petits États insulaires (39 pays), plus connu sous le nom de AOSIS, se rallie le 15 novembre = 62 pays.
  • La Suède, le Portugal et la Mongolie rentrent au club.
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Graphique issu d’un post de Fanny Petitbon sur LinkedIn.

La coalition qui atteint donc le nombre de 90 pays à ce jour, pousse pour que la mention d’une feuille de route figure dans la déclaration finale, qui doit être adoptée par consensus, afin de lui donner une envergure juridique universelle. Pour l’instant, elle figure dans le brouillon proposé hier par le Brésil, mais sous forme d’option et non de véritable « plan ». Si cela prenait une forme plus déterminée, ce à quoi poussent des associations comme 350 et Greenpeace, cela pourrait représenter un des tournants de cette COP de Belém.

Jean-François Guillon

Mercredi 19 novembre

Belém : capitale des mouvements sociaux grâce au Sommet des peuples !

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On a vu des membres du peuple Tupinambá, Arapiun, Arara Vermelha et Maitapu du Bas Tapajós (État du Pará) faire une entrée fracassante dans la COP pendant une marche pour le climat et la santé mardi dernier, et le lendemain un défilé de 200 bateaux sur l’estuaire de l’Amazone suivi d’une cérémonie d’ouverture sous le signe de la lutte des peuples autochtones contre un capitalisme dévastateur : le Sommet des peuples s’annonce comme un « cri de résistance, une obligation historique face à un capitalisme de guerre et de mort » selon l’un des organisateurs présent à l’ouverture aux côtés de la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Marina Silva. Destiné à faire pression tant sur le gouvernement de Lula que sur les négociateurs de la COP, ce Sommet des peuples, résultat d’un travail de préparation de deux années, a réuni plus de 23 000 militantes et 1200 organisations de 62 pays dans une atmosphère chaleureuse et combative, proche de celle du dernier Forum social mondial à Katmandou en février 2024.

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Face à l’embouchure de l’Amazone, le magnifique campus de l’Université Fédérale de Para (UFPA), une université populaire de 56 000 étudiantes selon son Recteur, est situé sur un territoire propice aux échanges de connaissance et à la libre expression qui donne envie d’apprendre et de mener des actions collectives. Car c’est bien pour défendre leurs territoires que les peuples autochtones et tous les mouvements sociaux présents (en particulier ceux d’Amérique latine, très nombreux), se battent au quotidien et ont voulu porter haut et fort leur voix dans ce Sommet des peuples qui s’est tenu du 12 au 16 novembre. Totalement à l’opposé du lieu bétonné, policé, climatisé et militarisé de la COP qui aura réuni plus de 50 000 participantes en 15 jours !

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Un programme très richehttps://cupuladospovoscop30.org/en/... mêlant des plénières pour chacun des six axes définis, des activités autogérées, des assemblées, des forums thématiques, nous a amenées au gré des agendas, des moments culturels et de cuisine solidaire, à rencontrer une foule de participantes convaincues que ce ne sont pas les COP qui vont transformer le système. En revanche, quels que soient nos continents d’origine, face à la montée de l’extrême droite et de la répression des activistes, de l’extractivisme et des fausses solutions du capitalisme vert mondialisé, l’internationalisation de nos luttes et alternatives est apparue comme une dynamique très stimulante.

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Lecture de la déclaration finale lors de la plénière de clôture du Sommet des peuples.

Au cours de la cérémonie de clôture, après un discours du célèbre Cacique Rauni, la déclaration finale (ainsi que celle très touchante des enfants) a été lue devant André Correa do Lago, président de la COP, deux ministres du gouvernement Lula (Marina Silva, déjà citée, très applaudie, Sonia Guajajara, ministre des Peuples autochtones), et Guilherme Boulos, secrétaire général de la Présidence. Très applaudis par les membres du PT (Parti des Travailleurs, le parti de Lula), de la CUT (Centrale Unique des Travailleurs, le plus gros syndicat, proche du PT) et du MST (Mouvement des Paysans Sans Terre) présents en nombre, certains n’ont pas manqué toutefois de s’interroger sur cet appui du gouvernement alors que le Sommet des peuples se voulait avant tout un espace de dialogue créé par le peuple et pour le peuple, indépendamment de toute dépendance partisane.
La déclaration a cependant gardé une ligne politique radicale sans ambiguïté aucune sur la responsabilité du mode de production capitaliste dans les ravages climatiques et sociaux, impliquant le paiement de la dette climatique de toute urgence par les gouvernements du Nord... Remettant en cause les fausses solutions proposées par les gouvernements dont le TFFF (Tropical Forest Forever Facility, projet phare de Lula pour cette COP30) et toute politique en faveur de l’extraction pétrolière en Amazonie, le Sommet des peuples appelle à l’ancrage d’un internationalisme populaire dans chaque territoire et à "faire de chaque territoire une tranchée de la lutte internationale".

La remise de ce texte à André Correa do Lago sera-t-elle suivie d’effets ou a-t-elle servi de faire-valoir à Lula à un an de la fin de son mandat ? Rien n’est moins sûr à ce jour ! En revanche, ce qui est certain, c’est que notre participation au Sommet des peuples et à la COP30 a renforcé notre conviction que l’articulation entre les luttes territoriales et internationales est plus que jamais porteuse de sens et d’espoir…

Jean-François Guillon, Patricia Pol et Ian Vidal

Vendredi 21 novembre

COP30 à Belém : un « Global Mutirão » sans rupture avec l’ordre climatique capitaliste.

À Belém, au cœur de l’Amazonie, la présidence brésilienne de la COP30 met en avant un “Global Mutirão”, une mobilisation collective censée accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Pourtant ce texte passe pour l’instant à coté d’un sujet clé : pour combattre le changement climatique au niveau mondial il nous faut un financements de qualité, c’est à dire public, non-conditionné, non-créateur de dettes, et permis par une réforme de l’architecture financière internationale.

Pire encore, derrière l’invocation de la justice, des droits humains et de la transition juste, les textes adoptés restent enfermés dans le cadre d’un capitalisme climatique qui ne remet en cause ni l’extractivisme, ni le pouvoir des multinationales, ni la financiarisation du vivant, ni l’accaparement de l’eau et de la terre par les intérêts privés. Pour nous, cette COP illustre à nouveau la distance entre les discours et les transformations structurelles nécessaires pour une bifurcation écologique et sociale. Attac est en revanche signataire de la déclaration finale du Sommet des peuples qui fait une analyse sans concession de la situation climatique, sociale et géopolitique dramatique et dégage des pistes radicales pour que d’autres mondes soient possibles.

Une COP qui consolide l’architecture existante

Dix ans après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, déjà jugé insuffisant par Attac à l’époque, Belém se présente comme la COP du passage à la mise en oeuvre. Le projet de décision sur le “Global Mutirão” tente de mettre en avant les progrès soit-disant réalisés : baisse des coûts des renouvelables, montée des capacités installées, prolifération des plans nationaux d’adaptation, généralisation de la transparence sur les politiques climatiques. Le cadre politique posé est l’Accord de Paris, le bilan mondial, les contributions nationales (NDC). Il ne s’agit plus de le renégocier, mais de le “faire fonctionner” plus vite et plus efficacement. La priorité est donc de « lever les obstacles » à sa mise en œuvre : capacités, financements, technologies, coordination. Les quatre grands dossiers du moment sont l’adaptation, la transition juste, le bilan mondial et le genre (le texte sur l’agriculture ayant été repoussé).

On a longtemps parlé de « COP de la mise en œuvre » à propos de Belém, mais dans les faits, ce sont surtout des discussions sans réels aboutissements. Dans cet esprit, on multiplie les dispositifs de dialogues, de plateformes et de plans d’action pour essayer de lever les blocages, plutôt que de créer de nouvelles obligations juridiques dures. Sans avancées simultanées sur le financement et sur la sortie des fossiles, rien ne bougera. Or, l’UE, qui n’a plus l’excuse des États-Unis, refuse de mettre la finance sur la table. Le G77 essaie de construire un compromis mais reste divisé, entre autre avec une Chine qui ne veut pas faire de concession sur la question minière. Et les pays insulaires sont politiquement isolés alors qu’ils sont les premiers concernés par les conséquences du changement climatique. Autrement dit, cette cop de Belém densifie pour l’instant l’ingénierie institutionnelle du régime climatique, mais sans modifier le cœur de l’équation : des contributions nationales volontaires, agrégées sans mécanisme de contrainte, dans un monde gouverné par les intérêts du capital financier et extractiviste.

Une “transition juste” qui ne touche pas aux structures d’injustice

Le texte sur la transition juste fait référence à l’équité et aux responsabilités différenciées, insiste sur la participation des travailleurs et travailleuses, des communautés, des peuples autochtones, des personnes en situation de vulnérabilité. Il rappellent l’importance des droits humains, du droit à un environnement sain, du droit au développement. Le texte précise également que cette transition doit être “nationalement déterminée” : chaque État choisit son chemin, sans obligation d’alignement sur une trajectoire globale de justice sociale et écologique. Son programme de travail est non prescriptif. Il produit néanmoins des dialogues, des groupes de travail, des synthèses, des “bonnes pratiques” dans l’objectif de travailler sur le consensus mondial, mais, pour l’instant, il ne prévoit aucun instrument pour contraindre les gouvernements ou les entreprises. Et malgré un langage séduisant, la transition juste proposée reste strictement encastrée dans l’ordre néolibéral.

En effet, les textes ne s’attaquent pas aux acteurs et à la structure capitaliste globalisée qui sont responsables de la catastrophe climatique et des inégalités. Rien sur la lutte contre l’impunité des multinationales, la critique des accords de libre-échange, la dénonciation de l’extractivisme, etc. Ils affirment en revanche que les dettes contraignent les politiques budgétaires des pays du Sud, et insistent sur la nécessité de ne pas alourdir leur endettement. Pourtant ces dettes ne sont pas reconnues explicitement comme illégitimes et comme un obstacle structurel empêchant les pays du Sud de faire leur “transition juste”, alors que l’on sait que leur annulation est vitale si l’on veut une vraie ambition climatique au niveau international. Tant que les pays du Sud sont étranglés par la dette, ils seront structurellement poussés à exploiter charbon, pétrole et gaz pour financer leurs budgets.

Il n’est d’ailleurs pas fait non plus mention de la notion de “dette climatique” qu’ont les gouvernements du Nord et l’obligation de réparation ou remboursement d’une manière juridiquement contraignante qu’elle implique. Rien non plus sur l’objectif de zéro déforestation. Le texte sur le genre garde lui quelques éléments positifs selon le Réseau Action Climat, même si une coalition de pays a tenté d’affaiblir les formulations sur l’égalité de genre et essayer d’ouvrir la porte à une redéfinition du mot « genre ».

Il est évident que pour Attac cette vision d’une transition juste manque d’ambition. En effet, nous défendons une bifurcation écologique, sociale et juste qui ne peut se faire, non seulement sans les travailleurses, mais aussi sans passer par une transformation profonde de la société et de l’appareil productif. Pour cela il faut reprendre la main sur les finances publiques avec des propositions fortes de justice et de souveraineté populaire fiscale au niveau national comme international. Sans organisation planifiée, socialement juste, de la sortie des fossiles, les COP se réduisent à gérer l’adaptation à une catastrophe programmée, plutôt qu’à l’empêcher.

Pas de remise en cause du pouvoir économique

Ce qu’on constate au final c’est que, comme dans quasiment chaque COP, ce texte plutôt que de remettre en cause les logiques de libre-échange, incompatibles avec la justice climatique, alimentaire et sociale, l’encourage. Le "Global Mutirão" pousse même pour que les Parties coopèrent pour promouvoir un système économique international favorable et ouvert, copiant ainsi littéralement le langage de l’OMC. On ferme donc une fois de plus les yeux sur l’impact climatique de la mondialisation néolibérale, ou du libre-échange et ses conséquences sur l’extractivisme. On ne discute pas non plus de la responsabilité historique de l’OMC et du FMI dans l’érosion des protections sociales et environnementales. On abandonne par conséquence toute ambition de politiques climatiques sérieuses et à la hauteur.

La question du pouvoir et de la responsabilité des riches et des multinationales, notamment des géants des fossiles, de la mine, de l’agro-industrie, de la finance, est elle aussi purement et simplement absente. Pire, la Présidence appelle à un effort collectif, en insistant sur le rôle de tous les acteurs : États, villes, jeunes, peuples autochtones… mais aussi entreprises, banques et institutions financières. Le texte souligne même leur « rôle important et leur engagement actif » dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Or ce sont précisément ces acteurs économiques (multinationales fossiles, géants de l’agro-industrie, fonds financiers) qui continuent à alimenter la crise climatique, l’accaparement des terres et l’extractivisme partout dans le monde. Les mettre sur le même plan que les peuples qui subissent les impacts revient à effacer les rapports de dominations à l’origine de la crise.

Enfin, le texte rappelle la nécessité d’un équilibre entre financement pour une atténuation des émissions et financement pour l’adaptation au changement climatique, et reconnaît l’urgence d’une « multiplication des financements » pour couvrir tous les besoins. Il fixe un objectif de 1 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour les pays du Sud. L’adaptation y apparaît néanmoins comme un marché émergent, non comme un droit, et encore moins comme une réparation face aux destructions causées par les gouvernements du Nord. Au lieu de partir de la dette climatique des pays riches, le document s’aligne sur des fausses solutions et une vision financière et technocratique, avec la mention de mécanismes de “de-risking” ou d’outils pour “libérer les marchés” et créer un “enabling environment” (environnement favorable) pour attirer les banques et fonds d’investissement et sécuriser les investissements privés. Ce paradigme pousse encore plus loin la catastrophe climatique en opportunité de marché, alors même que les populations du Sud organisées réclament des financements publics, souverains, non conditionnés, et une annulation massive de la dette.

Vers une sortie des énergies fossiles, une occasion manquée ?

Comme nous l’avons déjà expliqué, depuis plusieurs années, la question centrale, sortir du pétrole, du gaz et du charbon, plane au-dessus des COP sans jamais être abordée frontalement. Nous avons malgré tout vécu un petit tournant, en effet, plus de 80 pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, du Pacifique et d’Europe ont appelé ensemble, à la COP30, à l’adoption d’une feuille de route pour la sortie des énergies fossiles. Porté très fortement dans les négociations par Irene Vélez Torres, ministre colombienne chargée de l’Écologie, ce groupe estime qu’il est impossible de maintenir l’objectif de +1,5°C sans mettre fin à la dépendance mondiale au pétrole, au gaz et au charbon, dont le rôle est central dans au moins 75 % des émissions responsables de la crise climatique. Ces pays avaient réussi à faire en sorte que soit mentionnée une feuille de route de sortie des énergies fossiles dans un premier jet du texte final. Néanmoins cette mention a été entièrement supprimée dans la dernière version de l’accord de Belém.

Cette suppression relance les tensions entre, d’un côté, les pays qui défendent un plan clair pour abandonner le pétrole, le gaz et le charbon, et de l’autre ceux qui s’opposent farouchement à toute référence contraignante. Elle marque un véritable recul, lié, aussi, au fait que l’Union européenne et la France refusent d’assumer leurs responsabilités en matière de financements et ne souhaitent pas conditionner des fonds pourtant essentiels à cette sortie des énergies fossiles. Ainsi, alors que les émissions mondiales continuent de battre des records et que les plans climatiques nationaux restent très loin des objectifs de Paris, l’absence d’une feuille de route fossile dans le texte a définitivement entériné l’ambition de la COP30 de tenir sa promesse d’être une « COP de mise en œuvre ». Ce qu’on peut voir c’est que le départ des États-Unis des négociations a rebattu les cartes et permis, paradoxalement, de clarifier encore davantage les lignes de fracture : au-delà de la polarisation classique et caricaturé entre un Nord (G7) et un Sud (G77), on peut faire l’hypothèse qu’à cet Cop a vraiment émergé une troisième voie, porté par un « sud du sud » prêt à rompre réellement avec l’économie fossile.

En effet, dans les toutes dernières heures de la COP30, un nouveau pôle avec à sa tête la Colombie, s’est opposé frontalement à la signature de l’accord pour le plus grand mécontentement du Brésil qui a fini par adopter une ligne "à prendre ou à laisser". Si la Colombie n’a pas au final réussi son objectif affichée, elle a au moins réussi un coup politique en forçant et en mettant en exergue une confrontation ouverte de certains pays du Sud contre les BRICS dont la Russie et les pétro-États, et en mettant à jour la frilosité de l’UE et son ambiguïté sur les financements. Cette confrontation laisse donc entrevoir le potentiel de ce fameux troisième front climatique radicalement différent, appuyé par toute une partie de la société civile et porté par celles et ceux qui n’ont plus le luxe d’attendre. Gustavo Petro s’est décrit d’ailleurs ensuite lui-même comme une sorte de dissident d’une « gauche fossile », soulignant que la bataille ne se joue pas seulement contre les monarchies pétrolières ou les multinationales, mais aussi contre des alliés politiques latino-américain qui selon lui peinent à « dé-fossiliser » leur économie et leur imaginaire. La Colombie organise d’ailleurs, avec l’appui des Pays-Bas, un sommet international sur la sortie des combustibles fossiles en avril 2026 à Santa Marta. À voir si cette nouvelle coalition portera vraiment ses fruits et survivra à la fin du mandat de Gustavo Petro l’année prochaine.

Oui, d’autres mondes sont absolument possibles et existent déjà !

On peut donc clairement dire que l’accord de Belém est une déception, et bien que le texte final multiplie les appels à la participation de la société civile, des peuples autochtones, syndicats, collectivités, via des dialogues, ateliers et indicateurs sociaux, cette participation reste purement consultative. Aucun pouvoir d’opposition, aucune capacité d’arrêter des projets destructeurs, aucune influence réelle sur les États puissants, les multinationales ou les institutions financières. Il en résulte un multilatéralisme sans peuple, où les acteurs sociaux servent de décor démocratique tandis que les décisions clés sont dictées par les rapports de force économiques et géopolitiques.

Il nous faut pourtant un vrai changement de paradigme et un autre consensus international, et pour cela les COP gagneraient à ce que les peuples soient au centre des négociations. Le sommet des peuples à Belém, et les nombreuses rencontres alternatives qui ont eu lieu à la marge, nous ont permis de découvrir une diversité de façon de vivre en harmonie avec le vivant et la planète qui sont mis en œuvre. À l’inverse, la COP30 de Belém montre les limites d’un régime climatique international qui, en trente ans, a multiplié les conférences, les dialogues, les indicateurs, sans remettre en cause les rapports de pouvoir qui produisent la catastrophe climatique.

Face à un capitalisme qui détruit le vivant, la stratégie d’Attac reste radicalement différente. Nous continuerons à agir et nous mobiliser dans les COP et en dehors pour :

  • désigner les responsables : riches, multinationales, banques, fonds spéculatifs, institutions qui organisent l’impunité. attaquer les règles du jeu : accords de libre-échange, dérégulation financière, évasion fiscale, architectures de la dette, responsabilité des multinationales ;
  • revendiquer des ruptures pour financer la bifurcation et sortir des énergies fossiles : annulation des dettes illégitimes, lutte contre las paradis fiscaux, démantèlement des subventions aux énergies fossiles, taxation massive des superprofits et des transactions financières ;
  • soutenir les luttes locales et globales qui construisent, dans les territoires, d’autres manières de produire, d’échanger et de décider. Entre autrse en exigeant de vrais outils internationaux de protection des défenseureuses des droits environnementaux et sociaux mais aussi de contrôle citoyen.

Le « Mutirão » dont nous avons besoin n’est pas une mobilisation des pays pour mieux appliquer le peu ambitieux accord de Paris. C’est un front des peuples pour reprendre le contrôle sur l’économie, la finance et nos vies et pour sortir d’un système qui transforme le climat en variable de profits, et notre bien-être en un dommage collatéral.

Aux mouvements sociaux, aux peuples du Sud et du Nord, de faire exister un autre horizon : celui d’une justice climatique qui ne soit pas une annexe du système capitaliste, impérialiste et productiviste, mais le chemin de sa mise en échec et de l’émancipation collective.

Jean-François Guillon, Patricia Pol et Ian Vidal

Lundi 24 novembre

De Belém à Cotonou : cap sur le Forum social mondial 2026 !

Belém, une étape importante du processus de mobilisation pour le Forum social mondial

Dans la logique d’un processus mondial de mobilisation des mouvements sociaux et des organisations citoyennes, le Sommet des peuples à Belém est une étape importante pour la construction de la 17e édition du Forum social mondial (FSM) qui mettra le cap sur l’Afrique.

Après le Forum social mondial des Intersections (FSMI) à Montréal en mai, l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités (UEMSS) à Bordeaux en août, nous avons continué le travail de mobilisation avec les camarades de la Convergence des luttes pour la terre, l’eau et les semences en Afrique de l’ouest (CGLTE-AO) présentes à Belém. Rencontres informelles, participation active au programme du Sommet des peuples et à des actions dans la COP et en dehors, présence combative et déterminée à la marche du 15 novembre, tractages réguliers, sont autant de moments pour redonner de la visibilité au FSM dans son pays de naissance, le Brésil.

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Marche Climat et santé le 11 novembre.
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Devant le défilé de bateaux le 12 novembre.
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Marche du 15 novembre.

Quelques repères historiques

C’est en effet à Porto Alegre que le premier Forum social mondial s’est tenu en janvier 2001 en opposition au Forum économique mondial qui se déroulait au même moment à Davos en Suisse. La proposition de créer un FSM avait mûri lors des mobilisations en Europe contre l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) en 1998, les grandes mobilisations à Seattle (États-Unis) contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1999 et des manifestations à Washington en 2000 contre les politiques du Fonds monétaires international (FMI) et de la Banque mondiale. Il s’agissait alors de créer un espace d’expression de la lutte contre l’offensive de mondialisation néolibérale, de réflexion, d’analyse, d’échange d’expériences et d’articulation des mouvements sociaux, des collectifs de lutte, des réseaux et des ONG. C’est en affirmant qu’ « un autre monde est possible » que le FSM a fortement orienté le mouvement altermondialiste dans les années 2000. Les mouvements sociaux et politiques brésiliens tels que le MST, Mouvements des Sans Terres et la CUT, Centrale unique des travailleurs, le Parti des Travailleurs (PT) ont joué un rôle central dans ce processus. Alors que la 2e édition du Forum s’est tenue également à Porto Alegre en 2002, Lula accédait à la présidence de la République en octobre de cette même année. Le Brésil a accueilli à nouveau le FSM en 2003 et en 2005 à Porto Alegre puis en 2009 à Belém réunissant alors plus de 150 000 participantes, 4 000 organisations venant de 150 pays.

Cette décennie de luttes populaires et de victoires a contribué à porter au pouvoir plusieurs gouvernements de gauche en Amérique Latine comme ceux de Juan Evo Morales en Bolivie, Lula pour un 2e mandat en 2006 et Rafaël Correa en 2007 en Équateur. Ce fut une décennie de résistances pour essayer de « désarmer les marchés » comme l’avait proposé Ignacio Ramonet dans son éditorial du Monde diplomatique en décembre 1997, au cours de laquelle Attac a été créée en 1998, comme l’annonçait Bernard Cassen dans le même journal. C’est dire combien notre association a très vite été une source d’inspiration dans la création du FSM, puis dans ses déclinaisons régionales avec le Forum social européen, et la participation de ses délégations importantes à chacun des forums.

Ce fut encore le cas en 2018 lorsque le FSM s’est tenu à nouveau au Brésil, à l’université fédérale de Salvador de Bahia avec plus de 50 000 participantes autour du slogan particulièrement adapté à la situation politique du Brésil : « Résister, c’est créer, créer c’est transformer » (rappelons que le parlement brésilien avait destitué Dilma Rousseff en 2016, que la candidature de Lula pour les élections d’octobre 2018 allait être invalidée et que Jair Bolsonaro fut finalement élu en octobre). Dans ce contexte géopolitique de montée de l’extrême droite et des inégalités au Sud comme au Nord, Gustave Massiah a rappelé la nécessité de poursuivre cette dynamique de résistance que seul le FSM continue d’exprimer à l’échelle mondiale.

Un processus régulé par un Conseil international

Pour accompagner le processus du FSM un « conseil international » (CI) a été créé dans la foulée du premier forum et une « charte de principes » toujours en vigueur rédigée en 2002 (http://www.adequations.org/spip.php?article559). Parmi ces principes : personne n’a le droit de parler « au nom » du FSM, les participantes peuvent défendre les positions de leur organisation, seules ou avec d’autres, mais jamais en tant que Forum. Le Forum se présente comme un « espace ouvert », ce qui devrait être une garantie d’horizontalité (pas de hiérarchie), d’autogouvernement et de participation démocratique de toutes et tous. Or, il se trouve que ces principes ne vont pas de soi pour toutes et tous les membres du CI, certain.es souhaitant prendre des positions politiques au nom du FSM. À Salvador de Bahia, une crise a notamment éclaté autour du refus du CI de s’être positionné contre les attaques qui entraîneront la destitution de Dilma Rousseff. Ce n’est qu’en 2022, lors d’une réunion à Tunis, qu’un consensus s’est dégagé au CI pour reconnaitre l’initiative d’une Assemblée mondiale des luttes et des résistances capable de prendre des positions au nom de l’Assemblée et non du Conseil international (CI).

Attac se mobilise !

Aujourd’hui, Attac poursuit sa mobilisation active au CI ainsi qu’au secrétariat du CI, où l’association est représentée par deux militantes. Attac soutient, dans la continuité du consensus de Tunis de 2022, la perspective d’un processus ouvert, c’est à dire un ensemble d’étapes de mobilisations altermondialistes thématiques, régionales, nationales ou territoriales qui ne prennent pas de position au nom du Forum ; un processus politique de résistances, autogéré et régulé par le Conseil international, les pays organisateurs du grand événement mondial ayant lieu tous les deux ans disposant de toute l’autonomie nécessaire pour construire un programme et s’adapter aux conditions locales, tout en se préoccupant d’une mobilisation mondiale.

C’est ainsi qu’une délégation d’Attac s’est rendue au dernier FSM qui a eu lieu au Népal en février 2014. Dans ce petit pays coincé entre l’Inde et la Chine, environ 50 000 participantes se sont réunies, révélant par là-même l’importance de la mobilisation dans cette partie de l’Asie (il y avait eu un FSM en 2004 à Mumbai). Dans un contexte régional où les libertés sont de plus en plus restreintes notamment en Inde, avec le gouvernement de Modi et où l’extrême droite et le capitalisme patriarcal et colonialiste sévissent de concert avec une force redoublée dans le monde entier, nous avons pu apprécier l’énergie incroyable que toutes les luttes représentées au Forum pouvaient générer pour échanger des expériences et construire de nouvelles alliances. Ce FSM au Népal a permis de relancer une dynamique que le Conseil international du FSM a souhaité poursuivre en acceptant la candidature proposée par nos camarades de la CGLTE-OA en Afrique, au Bénin.

L’Afrique accueille le monde au Bénin, mobilisons-nous !

Vidéo de Massa Koné : « Le prochain rendez-vous pour le peuple et par le peuple, c’est à Cotonou du 4 au 8 août 2026 ! »

Nous avons poursuivi ce travail à Belém en accompagnant les organisateurs de cette 17e édition du FSM, chemin faisant, aux rencontres écosocialistes que nous avons évoquées dans ce carnet de bord puis, avec de nombreux partenaires présents à la COP et surtout, au Sommet des peuples où les débats sur le FSM ont été animés et productifs ! Par exemple, lors de l’atelier « Rencontre des mouvements sociaux pour la solidarité internationaliste et l’élaboration d’un programme commun pour l’avenir – de Nyéléni au Sommet des peuples, en passant par le Forum social mondial » [3], il est apparu clairement que dans ce processus au long cours de mobilisation des mouvements sociaux et citoyens, le FSM Cotonou 2026 sera d’autant plus réussi que la mobilisation des syndicats de paysans, de pêcheurs et en particulier de la Vía Campesina sera forte. Ce fut bien le sens de la candidature portée par la CGLTE-OA dont la branche Malienne est capable de mobiliser 3 millions de paysans, rappelle Massa Koné, porte parole de ce mouvement social créé lors du FSM à Dakar en 2011, et membre de la Vía Campesina en Afrique : « Nous avons candidaté précisément pour que les mouvements sociaux reviennent dans le FSM. Pour lutter contre la droite, une convergence de tous les mouvements sociaux peut changer la donne. S’il est important de ne pas les opposer aux ONG, leur leadership dans ces processus de mobilisation mondiale est toutefois incontournable ».

Parmi les autres rencontres internationalistes prévues avant le FSM à Cotonou du 4 au 8 août 2026, retenons l’événement de mobilisation européenne organisée par Attac et le CRID « L’Europe en route vers le FSM Cotonou 2026 » (5-6 mars 2026), la conférence internationale anti-fasciste à Porto Alegre (26-29 mars 2026), et les prochaines rencontres écosocialistes à Bruxelles (15-17 mai).

L’Afrique accueille le monde au Bénin, mobilisons-nous et construisons ensemble le FSM Cotonou 2026 !