Retraites : non aux systèmes par points et par comptes notionnels

lundi 15 février 2010, par Jean-Marie Harribey

(Intervention dans le débat avec Thomas Piketty présenté par Thierry Brun) Politis, n° 1088, 4 février 2010 1. Le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) intervient à un moment particulier. Nous sommes plongés au cœur d’une crise profonde, directement responsable de l’aggravation des déficits sociaux et qui rapproche les échéances dont nous savions qu’elles verraient les classes d’âge du baby boom peser sur l’équilibre financier des caisses de retraite : plus de 10 milliards de déficit en 2010. De plus, nous vérifions que les réformes de 1993, 2003 et 2007 n’ont rien résolu, en dépit d’une importante détérioration de la condition des retraités, entraînée par l’allongement de la durée de cotisation de 37,5 ans à 40 et bientôt 41 ans, le calcul de la retraite sur les 25 meilleures années au lieu des 10 pour les salariés du privé et l’indexation sur les prix et non plus sur les salaires et la productivité. Le résultat est sans appel : le taux de remplacement du salaire net par la retraite a baissé de 10 points au moins. C’est dans ce contexte que le COR étudie l’hypothèse d’une transformation radicale de notre système de retraite vers un système par points ou par comptes notionnels. Dans les deux cas, il s’agirait de se débarrasser de la contrainte d’avoir à assurer un taux de remplacement minimal du salaire. Cet objectif serait atteint dans un système par points en jouant sur la diminution de la valeur du point, et, dans un système par comptes notionnels, en neutralisant l’effet de l’âge de départ à la retraite puisque la somme perçue par le retraité pendant tout son temps de retraite serait répartie en fonction de l’espérance de vie de sa génération. Dans les deux cas, les salariés pauvres et effectuant les travaux pénibles seraient obligés de travailler toujours plus longtemps. 2. Les conclusions du rapport du COR ne laissent pas de surprendre. Alors que tous les gouvernements avaient jusqu’ici juré que les réformes avaient pour but de sauver les retraites et que jamais le niveau des retraites ne baisserait, tous les scénarios bâtis par le COR prévoient une baisse de 15 % en moyenne de ce niveau si l’on change de système. Sur le papier, un système notionnel s’équilibre automatiquement puisque chacun n’accumule pas de droits au-delà du total de ses cotisations. Dans la réalité, il n’y a pas d’auto-équilibrage parce que le système reste sensible aux chocs économiques et aux évolutions démographiques éventuelles, notamment à l’allongement de l’espérance de vie des retraités après leur départ en retraite. Il conduit à un accroissement de l’écart entre hommes et femmes et à une baisse du taux de remplacement plus marquée également pour les travailleurs les moins qualifiés. Au final, un système par comptes notionnels ne satisfait même pas aux critères qui sont présentés comme décisifs par ses promoteurs : il reste soumis aux contraintes de l’évolution économique et de l’évolution démographique. En un mot, les incertitudes qui sont le propre de tout système de retraites ne sont pas gommées. Mais, en diminuant les droits non contributifs, un système par points ou par comptes notionnels tend à aligner le système par répartition, vidé ainsi de son contenu, sur un régime d’épargne individuelle. 3. Qu’est-ce qui explique une telle obstination à vouloir par tous les bouts diminuer les droits à la retraite ? Il y a un point aveugle ou un tabou gigantesque dans tous les discours officiels, qu’ils soient experts ou gouvernementaux : il ne faut surtout pas toucher à la répartition fondamentale entre travail et capital. Donc, on raisonne à masse salariale (cotisations sociales incluses) au mieux constante relativement aux profits. Cela se traduit par l’interdiction d’augmenter si peu que ce soit les cotisations dites patronales, soit par le biais du taux, soit par celui de l’élargissement de l’assiette. Thomas Piketty, promoteur du système notionnel, est certainement conscient du fait que là réside la difficulté à équilibrer le système de retraite au fur et à mesure que les besoins augmentent, car il propose d’abonder le Fonds de réserve des retraites pour passer la bosse du baby boom. Mais on retombe dans le mirage des fonds de pension que même une débâcle financière mémorable n’a pas réussi à éliminer complètement. Dès lors, si l’on veut éviter les déficits et l’appauvrissement des retraités et assurer le coût de l’accroissement de l’espérance de vie, il faut bouger le curseur de la répartition des revenus en faveur du travail, par le biais des salaires et des cotisations et par la baisse du temps de travail pour améliorer l’emploi. Vouloir changer de système pour éviter de poser la question de la répartition, c’est-à-dire in fine de la progression des cotisations, relève du tour de passe-passe.

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