Ras-le-bol fiscal : l’urgence est au « mieux d’impôt » !

lundi 30 septembre 2013, par Plihon Dominique , Thomas Coutrot, Vincent Drezet

(tribune publiée dans l’édition du Monde du 30 septembre)

Le « ras le bol fiscal » est au cœur de l’actualité sociale et économique. Evoqué tant au sein du gouvernement que de l’opposition, il ne fait pas l’objet de l’analyse de fond qu’il mériterait, au risque d’alimenter le rejet de l’impôt alors que celui-ci constitue le lien entre l’individu et la société dans une démocratie.

Ce « ras le bol fiscal » est réel. Parmi ses causes multiples figurent les hausses d’impôt décidées par Nicolas Sarkozy et François Hollande entre 2011 et 2013 qui témoignent du fait que la zone euro s’est engagée dans une trajectoire d’austérité budgétaire excessive. Les gouvernements ont tous justifié ces hausses au nom de la rigueur et de la réduction des déficits publics en omettant de rappeler que le rôle des impôts et des cotisations sociales est en premier lieu de financer les services publics et la protection sociale. Cette rigueur est aujourd’hui dans l’impasse : elle alimente la crise et, par conséquent, génère de nouvelles hausses d’impôts alors que le chômage atteint un niveau historique, que la précarité et les inégalités augmentent et que l’activité économique est atone.

De plus, ces hausses ne procèdent pas d’une stratégie claire et lisible de refonte du système fiscal, elles ont surtout cherché à dégager des ressources pour réduire rapidement les déficits publics. Elles se traduisent en une accumulation de mesures peu lisibles (gel du barème de l’impôt sur le revenu, suppression progressive de la demi-part pour plus de 2 millions de parents isolés…) mais aux conséquences très concrètes pour les contribuables concernés. Elles sont en outre perçues comme inégalement réparties.

Mais si les récentes hausses d’impôt l’ont alimenté, ce « ras le bol fiscal » est en réalité profond et plus ancien. Il procède ainsi du sentiment, légitime et fondé, que le système fiscal est de longue date déséquilibré et qu’il engendre des injustices fiscales et sociales d’autant plus insupportables qu’elles alimentent les inégalités sans produire d’effets économiques positifs. Les politiques fiscales de ces vingt dernières années ont rendu le système fiscal de plus en plus injuste, complexe et instable.

Ce système est peu progressif. Le très faible poids de l’impôt progressif sur le revenu par exemple provient de son assiette mitée par les nombreuses « niches fiscales » dont le bénéfice est concentré sur les plus aisés mais dont le coût est, lui, réparti sur la collectivité. Le taux effectif de l’imposition des sociétés est plus important pour les PME que pour les grands groupes. Le poids de l’impôt indirect, en particulier la TVA, est excessif. L’ampleur de la fraude fiscale, notamment de la fraude fiscale internationale, et le peu de moyens de la combattre alimente aussi le sentiment d’une inégalité devant l’impôt. L’absence d’harmonisation fiscale européenne pousse au dumping fiscal et social.

Au-delà, la dégradation continue de la quantité et de la qualité des services publics nourrit le ras le bol fiscal et social alors qu’ils sont la contrepartie économiquement et socialement utiles des impôts. Ceux-ci sont de fait de plus en plus vus comme étant surtout une dîme prélevée pour rafistoler un système en crise. La forte pression sur les salaires et sur le pouvoir d’achat finissent d’alimenter ce ras le bol.

Le consentement à l’impôt constitue un pilier de la démocratie, le « ras le bol fiscal » le met aujourd’hui en danger. Quelles que soient leurs orientations, les responsables politiques portent tous une responsabilité dans cette situation inquiétante. Dans ce contexte, une « pause fiscale » reviendrait à maintenir les déséquilibres et les injustices du système fiscal et, in fine , risquerait d’alimenter le « ras le bol fiscal » et l’affaiblissement du consentement à l’impôt.

Pour en finir avec le « ras le bol fiscal », nous estimons qu’il faut au contraire affirmer le rôle central de l’impôt dans une société et mener une véritable réforme fiscale de fond portant non pas sur le niveau global des impôts et taxes que sur leur structure. Pour financer une action publique proche des citoyens et efficace, réduire les inégalités et modifier les comportements avec un souci de justice sociale et d’efficacité économique et écologique (la France accuse en matière de fiscalité écologique un retard certain), il s’agit d’engager sans tarder une réforme dont l’orientation serait de rendre la fiscalité :

  • plus juste, c’est-à-dire mieux répartie entre agents économiques (riches/pauvres, petites entreprises/grandes sociétés, pollueurs/non pollueurs) et plus progressive, tant au niveau local et national qu’européen. A ce sujet, des règles communes européennes sont absolument nécessaires, par exemple en matière d’imposition des sociétés, pour neutraliser les effets pervers de la concurrence et de l’optimisation fiscales ; l’instauration d’un taux plancher sur une base unique est indispensable.
  • plus simple, ce qui passe par une réduction importante du nombre de dispositions dérogatoires (les « niches fiscales ») et permet de dégager des ressources sur la base d’un système fiscal dont la progressivité serait harmonieuse et permettrait d’en finir avec un système caractérisé par des taux marginaux élevés assis sur des assiettes étroites.
  • plus stable, afin de renforcer la lisibilité fiscale une fois la réforme achevée.

L’urgence n’est pas au « plus » ou au « moins » d’impôt mais au « mieux d’impôt »

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