« La désinflation compétitive de Jean-Claude Trichet a montré ses limites »

vendredi 9 septembre 2011, par Plihon Dominique

Interview réalisée pour le site de l’Expansion Le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet défend son bilan avec véhémence. Mais la politique de désinflation compétitive qu’il défend depuis 20 ans a-t-elle vraiment été positive ? Pas pour Dominique Plihon, professeur à Paris XIII et économiste d’Attac.

Bien avant de diriger la BCE, Jean Claude Trichet a été Directeur du Trésor en France, période durant laquelle il a mis notre pays sur le chemin de la désinflation compétitive. Celle-ci a-t-elle été une bonne politique ? La politique de désinflation compétitive menée en France n’a pas un été un succès complet, loin de là. Celle-ci était supposée améliorer la compétitivité de l’industrie française. Or les très mauvais résultats récents de notre commerce extérieur montrent que cet objectif n’a pas été atteint. L’objectif de cette politique initiée au début des années 1980 était en fait de peser sur les coûts salariaux.
Cette politique a eu un coût économique et social élevé : perte du pouvoir d’achat des classes moyennes et des bas revenus, ce qui a accru les inégalités, a ralenti l’activité et contribué à la montée d’un chômage structurel. Par voie de conséquence, l’investissement productif des entreprises a été ralenti. Or c’est le principal facteur de la compétitivité et de la croissance à long terme. En fait, il aurait fallu respecter une règle fondamentale reconnue par la plupart des économistes : faire croître les salaires réels au même rythme que la productivité du travail, ce qui aurait créé une dynamique et sociale beaucoup plus satisfaisante.

Le bilan de Jean-Claude Trichet est-il meilleur sur la période récente ?

Le dogme de la désinflation compétitive pratiqué à l’échelle de la zone euro a montré ses limites et ses contradictions à l’occasion de la dernière décennie. Des analyses récentes montrent que « la Grande Modération », c’est-à-dire la baisse générale du niveau de l’inflation dans les principaux pays industrialisés depuis 10 ans n’est pas due en premier chef aux politiques monétaires (en particulier dans la zone euro), mais plutôt aux effets structurels de la mondialisation (exemple : la concurrence avec les pays émergents à bas salaires et à main d’oeuvre abondante). La zone euro, qui a mené la politique de désinflation compétitive la plus restrictive a connu une croissance de l’activité et de l’investissement plus basse que chez les concurrents, et un niveau de chômage plus élevé.
Enfin, et c’est peut-être le plus important, l’accent mis sur la modération de l’inflation par les banques centrales est une des causes de la crise financière : c’est le fameux « paradoxe de Minsky » : quand les acteurs financiers sont dans une phase de « calme » (Grande modération), ils prennent plus de risques et préparent la crise suivante. Les banquiers centraux (Trichet en tête) ont commis l’erreur grave de croire (et faire croire) que la stabilité monétaire contribuerait à la stabilité financière, alors qu’en fait, c’est le contraire qui est arrivé. Cette erreur montre que le cadre théorique des banques centrales était erroné. Un niveau d’inflation plus élevé mais modéré d’inflation (par exemple de l’ordre de 4% à 5% pendant 10 ans) serait une bonne chose pour éroder une partie des dettes, sans nuire au développement économique et social, à condition de revenir à la règle de base : progression du pouvoir d’achat des salaires indexée sur les gains de productivité du travail. Mais pour cela, il faudrait que nos banquiers centraux connaissent mieux les fondamentaux de l’analyse économique ...

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