Aujourd’hui, le capitalisme entre en contradiction avec la démocratie

jeudi 19 janvier 2012, par Geneviève Azam, L’Humanité

Pour Geneviève Azam, membre du conseil scientifique d’Attac, il faut réhabiliter, derrière le chantage de la dette, les aspirations du plus grand nombre à faire société.

Comment réagissez-vous
à la dégradation de la note 
de la France ?

Geneviève Azam. C’était une annonce attendue, évidemment. Mais à cette occasion, il y a une très grande mise en scène qui a pour fonction, je pense, de masquer les conséquences de cette dégradation : nous savons tous que ce qui risque d’arriver, c’est un plongeon plus important encore dans les politiques d’austérité. Pour nous, citoyens, qui disons depuis de nombreuses années qu’il faut désarmer la finance, nous ne comptons pas baisser la garde, au contraire ! Bien sûr, nous pointons le rôle des agences de notation. Les gouvernements ont confié la maîtrise du destin des peuples aux marchés, et le pouvoir de ces agences le démontre une fois de plus. Mais nous ne devons pas nous focaliser simplement là-dessus : cette dégradation témoigne surtout d’un système qui s’est totalement enrayé. Quand on dit que la France est dégradée, on se trompe : évidemment, c’est une politique qui est dégradée, et Nicolas Sarkozy n’a fait, depuis cinq ans, que dégrader tout ce qui pouvait être de l’ordre de l’intervention publique. Ses annonces autour de la taxe sur les transactions financières ou la «  TVA sociale  » obéissent à cette même logique : nous savons que nous avons besoin aujourd’hui d’une révolution fiscale si nous voulons garantir la redistribution des richesses et assurer la transition énergétique, écologique et sociale.

Que masque, à vos yeux, le chantage actuel à la dette ?

Geneviève Azam. Puisqu’on en est là, on peut continuer en parlant d’une dégradation de la notion de dette. Toutes les dettes sociales – cette grande idée que, pour faire société, nous dépendons les uns des autres, avec des dettes qui circulent entre nous, comme les retraites qui en sont entre les générations –, on a voulu les convertir purement et simplement en dettes financières. Regardez la privatisation de la Sécurité sociale, ce qui se passe avec les systèmes de retraite par capitalisation ! L’idéal néolibéral, c’est un individu qui ne doit rien à personne, qui peut vivre au-dessus de la société, sans rendre de comptes… On a voulu supprimer l’idée de dette des rapports sociaux. Or, sans conscience d’une dette partagée, il n’y a pas de société…

Je ne voudrais pas que notre critique de la dette financière comme machine de guerre contre les peuples – nous avons, bien entendu, raison de la faire – nous fasse oublier que la dette, c’est aussi la reconnaissance de ce qui permet de créer de la solidarité entre les humains. On peut penser aussi à la dette écologique et à la relation que nous avons avec la nature, à laquelle nous ne pouvons pas continuer à emprunter sans retour. En même temps que nous demandons un audit citoyen de la dette, nous refusons que toutes ces dettes-là, qui sont des manières de vivre ensemble, qui sont de la solidarité, se déclinent désormais uniquement en dettes financières. Cela me paraît très important pour reconquérir l’espace public.

À ce propos, en France, 
à la différence d’autres pays 
sur la planète, les mobilisations sur ce sujet paraissent encore timides. Comment l’expliquer ?

Geneviève Azam. Les collectifs pour un audit citoyen de la dette peuvent être l’un des éléments de reconquête d’un espace démocratique. En France, nous sommes dans une situation un peu particulière, caractérisée de fait par l’attente des élections à venir. Les luttes sociales paraissent un peu paralysées par ces échéances, mais nous savons aussi que nous avons besoin d’un mouvement social maintenant et après les élections pour faire valoir les aspirations démocratiques et citoyennes. Aujourd’hui, le capitalisme est incompatible avec la démocratie, cette idée germe partout dans le monde… Et c’est ça, la nouveauté ! Du fait d’une série de contraintes – la globalisation, l’épuisement des ressources, etc. –, 
le capitalisme ne peut plus se développer que par la guerre ou les inégalités ; il n’est plus porteur, comme il l’a prétendu longtemps, de démocratie. C’est ce qui explique que, partout, ce sont des résistances démocratiques qui voient le jour. En France, nous avons à éclaircir un peu le paysage dominé par les échéances électorales, mais dessous, je pense, j’espère, que nous avons les forces pour une insurrection démocratique.

Entretien réalisé par Thomas Lemahieu

Voir en ligne : http://www.humanite.fr/social-eco/%...

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