Augmentons les cotisations patronales !

Les mesures prises depuis 1993 pour résoudre la question du financement des retraites ont entraîné une baisse générale du niveau des pensions qui n’est plus contestée. Cette baisse devrait se poursuivre et le décrochage par rapport aux salaires s’accentuer. Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), le taux de remplacement moyen - niveau de la retraite par rapport au salaire - était en 2007 de 72 %, il devrait passer à 65 % en 2020 et à 59 % en 2050. Ces mesures ont aggravé les inégalités pour les personnes aux carrières heurtées. Les femmes, qui ont déjà des pensions inférieures de 40 % aux hommes, sont très touchées. On programme donc une paupérisation des futurs retraités. Après avoir engagé un processus d’allongement permanent de la durée de cotisation, le gouvernement veut maintenant retarder l’âge légal de départ à la retraite. Ce report aurait pour conséquence de remettre aussi en cause la borne des 65 ans, âge qui permet d’avoir une retraite à taux plein. Pour justifier ce report, on nous cite les autres pays européens. Ainsi, l’Allemagne a programmé de reculer l’âge de départ à la retraite à 67 ans. Si les Allemands, et d’autres, le font, pourquoi pas nous ? Sans même discuter de la validité d’une telle mesure pour ces pays, et au-delà du fait que copier ce qui se fait ailleurs n’est pas d’une grande originalité politique, remarquons que la France est une exception démographique en Europe. Alors que le taux de fécondité y a été de 2,02 enfants par femme en 2008, les autres pays européens sont en situation d’implosion démographique, l’Allemagne par exemple peinant à atteindre 1,4 enfant par femme. Vouloir s’aligner en matière de retraite sur d’autres pays européens revient à vouloir appliquer la même politique de chauffage à Helsinki et à Palerme. Grande hypocrisie Mais surtout, vouloir faire travailler les salariés plus longtemps relève d’une grande hypocrisie. On sait en effet que six salariés sur dix sont hors emploi au moment de faire valoir leur droit à la retraite, et les mesures successives prises par le gouvernement pour changer cette réalité n’ont abouti à rien. Hypocrite, cette solution est aussi dangereuse car elle revient à rompre le contrat entre générations. Si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux nouvelles générations. Cette exigence est d’autant plus forte que le chômage de masse perdure. Décaler l’âge de départ à la retraite revient à préférer entretenir le chômage des jeunes plutôt que payer des retraites. On nous rabâche que vivre plus longtemps impose de travailler plus longtemps. Mais est-ce une solution acceptable alors même que les conditions de travail se détériorent, que la souffrance au travail se développe ? Est-ce que le sort des êtres humains est de travailler jusqu’à n’en plus pouvoir pour que les dividendes versés aux actionnaires continuent leur croissance faramineuse ? Car, comme le note l’Insee, si l’espérance de vie augmente, l’espérance de vie « en bonne santé » n’est que de 64,2 ans pour les femmes et de 63,1 ans pour les hommes. Les salariés ont donc peu de temps pour profiter de leur retraite. Alors que la productivité du travail ne cesse de progresser, il faut travailler non pas plus, mais moins ! D’ailleurs, l’accroissement de l’espérance de vie ne date pas d’aujourd’hui et s’est accompagné d’une baisse continue de la durée du travail. C’est ce qu’on appelait le progrès... La solution au financement des retraites existe et elle figure d’ailleurs en filigrane de tous les rapports du COR. Elle consiste à mettre un terme à la baisse de la part salariale (10 points en vingt ans) dans la valeur ajoutée et à accompagner l’évolution démographique par un relèvement progressif des cotisations sociales. Est-ce possible ? Le besoin de financement supplémentaire des retraites, par rapport à la loi Fillon de 2003, a été estimé par le rapport du COR de 2007 à un point de PIB en 2020 et à 1,7 point en 2050. Personne ne peut croire que l’évolution de l’économie ne permettra pas de le couvrir. Un point de PIB correspondait en 2007 à 10 % des dividendes versés aux actionnaires des sociétés non financières. Il est normal, dans une société qui comporte plus de retraités, d’accroître la part de la richesse produite qui leur est consacrée. Le tabou à faire sauter est le refus d’augmenter le taux des cotisations patronales. Un tel rééquilibrage de la part des salaires dans la valeur ajoutée serait compensé par une baisse des dividendes versés aux actionnaires et ne pénaliserait pas l’investissement productif, ni la compétitivité des entreprises. La litanie sur le renchérissement du « coût du travail » n’a pas lieu d’être. Pierre Khalfa est porte-parole de l’Union syndicale Solidaires, membre du Conseil scientifique d’Attac.

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