Les aides publiques aux entreprises : un pognon de dingue, mais pour quel résultat ?

mercredi 9 juillet 2025, par Attac France

La commission d’enquête sénatoriale vient de rendre un rapport édifiant sur les aides publiques aux entreprises. Plus de 2200 dispositifs recensés coûtent un « pognon de dingue », versé sans contrôle ni conditions, et qui profite majoritairement aux grandes entreprises. Ces sommes pèsent lourdement dans les budgets publics : elles représentent le premier budget de l’État.

Alors que le gouvernement annonce chercher 40 milliards d’économies, couper dans ces aides semble incontournable pour éviter le scénario catastrophe de l’austérité qui frapperait de plein fouet l’ensemble de la population.

La commission d’enquête sénatoriale vient de publier son rapport consacré aux aides publiques aux entreprises. Ce rapport a le mérite de clarifier des éléments essentiels dans la définition et le montant des aides publiques. Le constat qu’il dresse sera difficile à remettre en cause et les préconisations qu’il formule méritent d’être réellement mises en œuvre, dans la durée. Au-delà du périmètre de ce rapport, l’association Attac estime qu’il faut revoir en profondeur de nombreux dispositifs.

Plus de 200 milliards d’euros : les aides publiques sont le premier budget de l’État

Le Sénat recense plus de 2200 aides aux entreprises qui émanent tant de l’État, des collectivités, de la Sécurité sociale que de l’Union européenne. Jusqu’ici, le périmètre et le montant total de ces aides ont fait débat. Le gouvernement a régulièrement avancé un montant de 150 milliards tandis que des estimations plus récentes faisaient état de plus de 200 milliards d’euros.

Le Sénat confirme les estimations hautes : selon son rapport, qui définit clairement les aides publiques aux entreprises, le montant de ces aides s’établissait entre 205 et 223 milliards d’euros en 2019 selon l’origine des estimations et à au moins 211 milliards d’euros en 2023. Plus de 80 % sont constituées de niches fiscales et sociales. Dans le détail, les aides publiques aux entreprises profitent à 42 % pour les grandes entreprises, 35 % pour celles de taille intermédiaire et 23 % pour les PME. Le rapport confirme enfin que ces aides sont non seulement le premier budget de l’État, mais qu’en plus elles profitent principalement aux entreprises les plus profitables.

L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) avait déjà montré dans un rapport publié en 2022 que le montant des aides aux entreprises avait plus que triplé entre 1999 et 2019, passant de 50 à 157 milliards d’euros. Ce montant représente 30% des dépenses du projet de loi de finances 2021 et trois fois plus que le budget de l’Éducation nationale. La crise Covid a fait exploser ce montant, même si dans la période, les aides accordées, comme le fonds de Solidarité, furent temporaires. Cela n’a toutefois pas empêché une hausse des aides pérennes avec, notamment, la transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en allègement de cotisations sociales.

Un « pognon de dingue » distribué sans contrôle ni suivi

Le rapport souligne que les aides publiques aux entreprises ne sont pas assorties de mécanismes de transparence, d’évaluation, de suivi et de contrôle suffisants alors même qu’elles constituent le premier poste budgétaire de l’État. Le rapport rappelle que la multiplication des licenciements (exemples à l’appui : LVMH, Arcellor-Mittal, Michelin, STMicroelectronics) choque légitimement l’opinion lorsqu’ils sont décidés par des entreprises qui bénéficient d’aides publiques.

Le rapport formule plusieurs préconisations de méthode dont le sens général consiste notamment à identifier les aides et leur évolution, engager un suivi de celles-ci et transmettre aux comités sociaux et économiques des entreprises les informations relatives aux aides dont elles bénéficient. Le rapport préconise également une étude d’impact pour la création d’un nouveau dispositif et une réflexion sur les allègements de cotisations sociales.

On retiendra notamment, dans les 26 préconisations du rapport qu’Attac partage pour l’essentiel l’interdiction d’octroyer des aides publiques et l’obligation de les rembourser aux entreprises condamnées de manière définitive pour une infraction grave ou qui ne publient pas leurs comptes ; et le remboursement total d’une aide de l’État ou des collectivités territoriales si l’entreprise procède à une délocalisation d’un site ou d’une activité ayant justifié l’aide dans les deux années suivantes, et prévoir les autres conditions de remboursement, partiel ou total, dès l’octroi de l’aide.

Les aides aux entreprises doivent être revues en profondeur

Au-delà des préconisations du rapport, plusieurs orientations doivent désormais être rapidement mises en œuvre pour, tout à la fois, supprimer les effets pervers et les effets d’aubaine de ces aides, dégager des recettes pour le financement de l’action publique et de la Sécurité sociale et rétablir davantage de justice fiscale et sociale :

- passer en revue l’ensemble des niches fiscales et sociales. Le rapport précise ainsi que « Selon les informations fournies par le Gouvernement à la commission d’enquête, on comptait en 2023 pas moins de 255 dépenses fiscales en faveur des entreprises, pour un coût supérieur à 43 milliards d’euros en 2023, étant précisé que certaines dépenses fiscales à destination des ménages peuvent indirectement soutenir les entreprises ». Dans sa note sur les niches fiscales, l’association Attac montre qu’il est possible de dégager 17 à 19 milliards d’euros dès 2026 ;

- encadrer et conditionner ces aides à des objectifs en termes de préservation et de création d’emplois ainsi qu’à des critères écologiques, à l’absence de filiales dans des paradis fiscaux, et à des restrictions sur le versement des dividendes.

- le troisième axe consiste à renforcer l’ensemble des mécanismes de contrôle de ces aides et des moyens des services concernés : contrôle fiscal par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), contrôle scientifique (du crédit d’impôt recherche notamment) par les Délégations régionales académiques à la recherche et l’innovation (DRARI), contrôle de certaines fraudes par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), etc ;

- sanctionner les entreprises qui ne respectent pas ce cadre, en demandant par exemple le remboursement des aides.

Dans un rapport sur l’impact des baisses d’impôt sur la hausse de la dette publique, nous avions montré en quoi l’injustice fiscale avait considérablement alourdi la dette publique. Le gouvernement, aidé par le Sénat, s’est montré défavorable à l’instauration de l’imposition plancher sur la fortune (la « taxe Zucman ») soutenue par de nombreux économistes et personnalités. Il n’a pas montré de volonté de procéder à une « revue des niches », qu’elles soient fiscales ou sociales.

Alors que les revenus des ultrariches s’envolent creusant directement les inégalités, que le record de versement de 100 milliards de dividendes a encore été battu en 2024 en France (championne d’Europe), et que la pauvreté atteint également des niveaux record, la question du partage des richesses doit plus que jamais être posée. Car derrière les enjeux de justice fiscale, c’est bien la question de la justice sociale qui cristallise les aspirations de la population, tout comme sa colère légitime sur laquelle le RN capitalise sa montée en puissance.

Rappelons également les rapports de France Stratégie qui montrent que la politique du gouvernement - les cadeaux fiscaux aux ultrariches et aux multinationales comme les aides publiques sans conditionnalité sociale ou environnementale - n’ont non seulement pas satisfait à la promesse de la croissance, de l’emploi et de la productivité, mais coûtent également près d’un quart de la dette publique l’argument totem du gouvernement pour justifier une austérité historique, que nous retournons contre lui même. Il lui est désormais impossible de continuer à plaider pour l’austérité budgétaire après la publication d’un tel rapport.

L’austérité n’est pas une fatalité : un autre budget est non seulement possible, mais vital pour répondre aux crises sociales et écologiques.

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