Des militants déguisés en loups s’invitent à Davos pour protester contre les « tribunaux d’arbitrage » du RDIE

mercredi 23 janvier 2019, par Attac France

Des militant·e·s déguisé·e·s en loups se sont invité·e·s dans les rues de Davos, en marge du Forum économique mondial, pour protester contre le droit des entreprises à poursuivre les gouvernements en justice dans le cadre des dispositions controversées du mécanisme de règlement des différends entre Investisseurs et États (RDIE ou ISDS en anglais). Cette action s’est déroulée le 23 janvier à 13 h.

Les clauses du RDIE, présentes dans de nombreux accords de commerce et d’investissement, notamment dans l’Accord de partenariat transpacifique (PTP) et l’Accord économique et commercial global (AECG), permettent aux multinationales d’avoir recours à des tribunaux internationaux secrets afin d’intenter des poursuites à l’encontre des États si les gouvernements prennent des mesures qu’elles estiment entraver injustement leurs bénéfices.

Signez la pétition « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales ».

La coalition « Stop RDIE », une alliance regroupant plus d’une centaine d’ONG, dont Attac, Greenpeace, Action Aid et l’Internationale des Services Publics, a organisé l’action afin de lancer une pétition adressée à l’Union européenne pour mettre fin à la promotion du RDIE.

Plus d’une quarantaine de sociétés figurant sur la liste des « partenaires industriels » du Forum économique mondial ont été impliquées dans des affaires de RDIE (voir ci-dessous) souvent destinées à saper ou à décourager les politiques progressistes, telles que les politiques relatives à la protection de l’environnement, la hausse du salaire minimum ou les mesures de santé publique.

Voici notamment quelques exemples :

  • En 2005, Cargill, un habitué de Davos, a poursuivi le Mexique en justice après la mise en place par le gouvernement d’une taxe sur le sirop de maïs riche en fructose en vue de faire face à l’obésité dans le pays. Cargill s’est appuyé sur les clauses de RDIE présentes dans l’ALENA pour obtenir plus de 70 millions de dollars de dommages et intérêts de la part du gouvernement mexicain. Cargill a profité du Forum économique mondial de 2018 pour lancer un projet de responsabilité sociale d’entreprise, en prétendant « aborder les problèmes sociaux grâce au pouvoir de l’alimentation ».
  • En 2015, Novartis a menacé de recourir au RDIE pour réussir à dissuader le gouvernement colombien de rendre plus accessible un médicament vital contre la leucémie grâce à des licences obligatoires. Ce médicament, qui a rapporté plus de 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires à Novartis, est commercialisé pour plus de 15 000 dollars par an et par patient, soit le double du revenu moyen de la population colombienne.
  • En 2008, Dow Chemical a attaqué le Canada en justice après l’interdiction par le Québec de la production et la vente de pesticides nocifs. Dow Agrosciences a déclaré que le règlement du différend était une victoire, et les commentateurs ont constaté que cette affaire pourrait décourager d’autres gouvernements de progresser vers l’interdiction des pesticides au sein de leur propre pays.

Alex Scrivener, le porte-parole de la coalition, a déclaré :
« Alors que les PDG présents à Davos tentent de se présenter comme des bienfaiteurs devant les politiciens, nombre d’entre eux poursuivent les gouvernements en justice afin de mettre à mal les politiques progressistes dont nous avons besoin. Leur attitude n’est que pure hypocrisie. Le RDIE menace cruellement la démocratie, les droits humains et l’environnement. Les dirigeants de l’UE doivent profiter de Davos pour s’engager à mettre un terme à l’arbitrage entre investisseurs et État, et pour assurer plutôt la justice aux millions de personnes dans le monde qui sont victimes de violation des droits humains par les entreprises ».

Rosa Pavanelli, la Secrétaire générale de l’Internationale des Services Publics (et membre de la coalition), a déclaré :
« Dans un monde confronté à des défis majeurs, tels que le changement climatique et l’augmentation des inégalités, les entreprises multinationales ne devraient pas être en mesure de l’emporter sur la souveraineté nationale. Personne ne devrait avoir le droit de poursuivre les gouvernements pour des profits futurs. Nous devons mettre fin au RDIE et en permettant à chacun d’obliger les entreprises à rendre des comptes grâce à un traité des Nations Unies contraignant sur les entreprises transnationales et les droits humains ».

Renseignements généraux sur la campagne contre le RDIE et en faveur de la responsabilité des entreprises :

Nous formons une alliance de plus de 150 organisations, syndicats et mouvements sociaux, qui fait campagne en faveur de la mise en œuvre de règles sur la responsabilité des entreprises et contre le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et État, un système de justice parallèle, partial et injuste uniquement en faveur des entreprises.

Le 22 janvier 2018, la coalition a lancé une pétition européenne dans 16 États membres de l’UE, réclamant à l’UE et aux gouvernements européens de mettre fin aux privilèges des entreprises en se retirant des accords de commerce et d’investissement existants qui contiennent des clauses de RDIE, et d’exclure ces clauses de tout accord futur.

La campagne demande également à l’UE et aux États membres de soutenir la conclusion d’un traité des Nations Unies contraignant sur les multinationales et d’adopter une législation nationale qui obligerait les entreprises transnationales à rendre des comptes pour violation des droits humains.

RDIE - FAITS PRINCIPAUX

  • Les affaires de RDIE ont donné lieu à l’octroi de 50 milliards de dollars américains de fonds publics à des investisseurs privés, soit un montant supérieur au PIB de la plupart des pays.
  • Ces vingt dernières années, le nombre d’affaires a littéralement explosé, passant de moins de 10 en 1994 à 608 en 2014. Parmi ces affaires, 80 % concernent des entreprises mondiales implantées aux États-Unis et en Europe.
  • Les entreprises américaines sont de loin les utilisatrices du RDIE les plus fréquentes, avec deux fois plus d’affaires que le deuxième pays ayant le plus souvent recours au mécanisme de RDIE. La plupart des procès sont gagnés par des investisseurs.
  • Des experts, dont le Juge en chef de la Haute Cour d’Australie, ont fait part de sérieuses préoccupations quant à l’indépendance et l’impartialité du RDIE.
  • La CJE a récemment statué que les affaires intracommunautaires concernant le RDIE sont « incompatibles avec le droit européen ».
  • La consultation publique de la Commission européenne sur le RDIE a montré que plus de 97 % des répondants et répondantes rejettent ces privilèges d’entreprise.
  • La Commissaire Européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a récemment décrit le RDIE comme « l’acronyme le plus toxique en Europe ». C’est l’une des raisons pour lesquelles l’UE tente actuellement de créer de nouveaux acronymes pour le RDIE : ICS et MIC.
  • Dans le cadre du RDIE, les investisseurs étrangers jouissent de davantage de droits que les entreprises et les citoyens et citoyennes locaux. Ils peuvent contourner les tribunaux nationaux et attaquer directement les États devant des tribunaux internationaux.
  • Les affaires de RDIE sont souvent portées devant des tribunaux secrets, constitués seulement de trois arbitres privés nommés en tant que « juges ». Ces arbitres ont, pour la plupart, travaillé par le passé pour les mêmes entreprises qui poursuivent les États.
  • Même si un gouvernement gagne le procès, une étude de l’OCDE de 2012 a révélé que les affaires de RDIE durent 3 à 5 ans et que le coût moyen par procès s’élève à 8 millions de dollars américains, certains procès coûtant même jusqu’à 30 millions de dollars américains.
  • Le gouvernement philippin a dépensé 58 millions de dollars américains en défendant deux affaires contre l’exploitant aéroportuaire allemand Fraport, soit l’équivalent du salaire annuel de 12 500 enseignants et enseignantes.
  • Un récent document de travail de l’OMC n’a trouvé aucune preuve empirique qui démontrerait que le RDIE stimule les investissements.
  • Le RDIE n’a ni système de précédents ni procédure d’appel, les décisions des arbitres étant par conséquent finales et parfois contradictoires.

En résumé, le RDIE est un système extrêmement coûteux, qui ne jouit d’aucune indépendance juridique, n’intègre ni précédents ni procédure d’appel, accorde des droits légaux abusifs aux multinationales qui disposent déjà d’un énorme pouvoir de marché, en se reposant sur des concepts juridiques non reconnus dans les systèmes nationaux ou inaccessibles aux investisseurs des pays.

Partenaires industriels du Forum économique mondial ayant eu recours aux dispositions du RDIE pour poursuivre des gouvernements en justice

Extraits d’affaires :

  • Vattenfall, un exploitant de centrales nucléaires, réclame plus de 4 millions d’euros à l’Allemagne, suite à l’annonce par le gouvernement d’une transition vers la sortie du nucléaire. Vattenfall a également poursuivi le gouvernement allemand après la décision de l’autorité environnementale d’Hambourg d’imposer des contrôles de la qualité des eaux usées rejetées dans le fleuve par une centrale de Vattenfall. Vattenfall a soutenu que ces normes ont rendu le projet d’investissement non viable. En ayant recours aux dispositions du RDIE, l’entreprise a réclamé une indemnisation s’élevant à 1,4 milliard d’euros. L’affaire a finalement été réglée lorsque la ville d’Hambourg a accepté de revoir à la baisse les exigences environnementales précédemment fixées.
  • Chevron a attaqué en justice l’Equateur, qui avait tenté de faire payer l’entreprise pour la pollution et les conséquences écologiques dévastatrices des activités minières dans la région amazonienne.
  • Glencore a poursuivi le gouvernement colombien pour avoir limité l’expansion d’une mine de charbon à ciel ouvert polluante.
  • Engie a attaqué la Hongrie en justice après l’augmentation par le gouvernement des taxes sur les entreprises de l’énergie étrangères et la tentative de baisse des prix pour les consommateurs.
  • Mobil a intenté un procès au gouvernement canadien après que la province de Terre-Neuve-et-Labrador a essayé de garantir qu’un pourcentage des bénéfices de l’extraction gazière en mer soit réinvesti dans la recherche et le développement dans la région.
  • Total poursuit l’Ouganda pour avoir taxé l’achat de blocs d’exploration pétrolière.
  • Scotia Bank a réclamé à l’Argentine plus d’un demi-milliard de dollars pour des mesures prises pendant la crise financière argentine de 2002.
  • Mercuria, un négociateur de marchandises suisse, a poursuivi la Pologne via une filiale chypriote en raison de la mise en œuvre d’une directive européenne sur les stocks obligatoires de pétrole qui, selon eux, a eu une incidence négative sur leurs bénéfices.
  • Shell a attaqué en justice les Philippines, via une filiale hollandaise, curieusement nommée « Shell Philippines », en raison des tentatives du gouvernement visant à faire payer aux extracteurs de gaz en mer leur juste part d’impôts.
  • Créduit Suisse et Standard Chartered ont poursuivi le gouvernement indien pour « ne pas avoir protégé les emprunts des investisseurs ».
  • Siemens a poursuivi l’Argentine pour avoir annulé un contrat de sous-traitance des services publics après plusieurs échecs. Siemens a gagné plus de 200 millions de dollars américains.
  • En 2016, Novartis a menacé de recourir au RDIE pour réussir à dissuader le gouvernement colombien de rendre plus accessible un médicament vital contre la leucémie grâce à des licences obligatoires. Ce médicament, qui a rapporté plus de 45 milliards d’euros de chiffre d’affaires à Novartis, est commercialisé pour plus de 15 000 dollars par patient et par an, soit le double du revenu moyen de la population colombienne.
  • Cargill, qui vend des produits alimentaires, a attaqué le gouvernement mexicain après la mise en place d’une taxe sur les boissons contenant du sirop de maïs riche en fructose. Cette taxe visait à faire face à l’aggravement de la crise du diabète et de l’obésité dans le pays, le Mexique étant le deuxième pays de l’OCDE le plus touché par la crise après les États-Unis. Cargill a utilisé le RDIE dans l’ALENA pour réclamer plus de 70 millions de dollars de dommages et intérêts du budget du gouvernement mexicain. Lors du Forum économique mondial en 2018, Cargill s’est engagé à « aborder les inégalités sociales grâce au pouvoir de l’alimentation ».
  • Dow Chemical a poursuivi le Canada en justice après que le Québec a interdit la production et la vente de pesticides nocifs. Dow Agrosciences a déclaré que le règlement du différend était une victoire, et les commentateurs ont constaté que cette affaire pourrait décourager d’autres gouvernements de progresser vers l’interdiction des pesticides au sein de leur propre pays.

Liste complète des partenaires industriels du Forum économique mondial impliqués dans des affaires de RDIE en cours ou terminées :

Agility Telecommunications
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/793
Airbus
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/907
DP World
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/807
Iberdrola
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/901
Nissan
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/828
Puma Energy
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/820
Engie
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/712
Glencore
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/728
Shell
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/721
Vedanta
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/733
Arcelor Mittal
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/697
Greentech
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/634
Mobil
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/643
Total
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/657
Anglo American
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/605
RWE
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/586
Alghanim
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/527
Repsol
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/490
Vatenfall
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/467
Agility
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/422
Indorama
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/406
Merck
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/437
Chevron
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/341
Deutsche Bank
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/337
Dow
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/345
A.P. Møller-Maersk
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/336
Mercuria Energy
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/322
Turkcell
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/288
Eni
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/265
Cargill
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/204
ArcelorMittal
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/197
Saipem
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/207
ScotiaBank
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/209
ABN Amro
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/149
Credit Suisse
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/150
Standard Chartered
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/152
Telenor
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/158
IBM
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/94
Occidental
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/76
Siemens
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/77
AIG
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/72
UPS
https://investmentpolicyhub.unctad.org/ISDS/Details/51

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