Desintox : non la grève n’est pas terminée

mardi 28 janvier 2020, par Attac France

Ces derniers jours, de nombreuses déclarations indiquent que la grève contre la réforme des retraites serait derrière nous. C’est notamment le cas de Gilles Le Gendre (député de Paris et président du groupe LREM à l’Assemblée nationale), qui déclarait vendredi 24 janvier : « Je pense que la grève est terminée, les Français ont compris que la réforme aurait lieu » [1].

Le leitmotiv de la majorité est simple : depuis le vrai faux retrait de l’âge pivot le 11 janvier, la grève n’aurait plus de raison d’être car un compromis aurait été trouvé. Edouard Philippe déclarait ainsi dès le 12 janvier : « Il faut savoir terminer une grève ».

La grève dans les transports a été historiquement longue (plus longue qu’en 1995) et il est logique qu’après plus d’un mois et demi de conflit, celles et ceux qui étaient en grève reconductible depuis le 5 décembre cherchent de nouvelles formes d’actions qui pèsent moins sur leurs salaires. Si certains cheminots et agents RATP poursuivent la grève reconductible, beaucoup d’autres participent aux journées d’actions interprofessionnelles.

De plus, la grève est loin de s’arrêter car elle ne repose pas seulement sur le secteur des transports : la quasi totalité des barreaux connait une grève inédite des avocats, les 7 principaux ports français étaient bloqués pendant 3 jours du 22 au 24 janvier, les enseignants étaient 40% à être en grève le 24 janvier... Une nouvelle journée de mobilisation aura lieu ce mercredi 29 janvier.

Contrairement aux trains et métros qui ne circulent pas, ces grèves sont moins visibles. C’est aussi pour cela que le mouvement prend des formes très symboliques qui permettent une visibilité : c’est le cas notamment du dépôt des outils de travail aux pieds des responsables hiérarchiques (robes des avocats, blouses des médecins, manuels scolaires périmés des enseignants, codes du travail par les inspecteurs du travail, cartes par le personnel de l’IGN...) [2], mais aussi des retraites aux flambeaux ou des perturbations des cérémonies de vœux. La contestation dépasse d’ailleurs largement la réforme des retraites, comme en témoigne la carte des mobilisations mise en ligne par un collectif de géographes de l’enseignement supérieur de de la recherche [3].

Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme Gilles Le Gendre, rien ne dit que la réforme va aller à son terme : le Conseil d’État vient de rendre un rapport qui étrille le projet du gouvernement et pointe plusieurs mesures potentiellement anticonstitutionnelles [4]. Il y pointe notamment le fait que l’étude d’impact présentée par le gouvernement pour mesurer les effets de la réforme est « insuffisante » pour « certaines dispositions », ne répondant pas « aux exigences générales d’objectivité et de sincérité » et manquant de « précision », pour notamment « vérifier que cette réforme est financièrement soutenable » : « Il incombe au gouvernement de l’améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement, en particulier sur […] l’impact de l’âge moyen plus avancé de départ à la retraite […] sur le taux d’emploi des seniors, les dépenses d’assurance-chômage et celles liées aux minima sociaux ».

Le collectif Nos retraites a quant à lui dévoilé que cette étude d’impact était grandement truquée [5]. Cette étude d’impact, qui devait rassurer, confirme que le gouvernement continue de mentir sur les effets de sa réforme. Elle doit inciter à poursuivre la mobilisation. C’est flagrant pour les enseignants : le Conseil d’État dit officiellement que Jean-Michel Blanquer leur a menti quant aux revalorisations promises pour compenser les effets de la réforme : « Sauf à être regardées, par leur imprécision, comme dépourvues de toute valeur normative, ces dispositions (sont) contraires à la Constitution ».

Le gouvernement n’a pas gagné la bataille de l’opinion : le socle de partisans de la réforme reste stable et n’est composé que d’un noyau dur de macronistes ainsi que de retraités qui ne seront pas concernés par la réforme, tandis que le soutien au mouvement demeure largement majoritaire malgré la durée exceptionnelle du conflit. Le gouvernement a beau vanter une réforme juste, dont les femmes et les précaires seraient les grands gagnants, il ne convainc personne. La population a au contraire bien compris que cette réforme allait entraîner une baisse des pensions et un recul déguisé de l’âge de départ à la retraite, contrairement aux engagements de campagne de Macron, selon lesquels « nous ne toucherons pas à l’age de départ à la retraite, ni au niveau des pensions ». Les gens ont bien conscience que l’objectif du gouvernement est de développer en douce la retraite par capitalisation, un système dont ils ne veulent pas. Peu importe les niveaux de « pédagogie » déployée par le gouvernement, les gens ont compris que le « retrait de l’âge pivot » présenté par Laurent Berger comme une grande victoire de la CFDT, n’est qu’un leurre : l’âge d’équilibre reste central dans la future retraite par points et va entraîner inéluctablement un recul de l’age de départ en retraite.

Jeudi débute la conférence de financement : alors que le gouvernement veut forcer les partenaires sociaux à choisir entre un recul de l’âge de départ à la retraite et une baisse des pensions, nous montrerons que d’autres sources de financement sont possibles et qu’elles permettraient de financer un ambitieux système de retraite par répartition, en améliorant le système actuel [6]

Pour finir, souvenons nous du CPE en 2006 : le gouvernement de Villepin, « droit dans ses bottes », jurait qu’il ne retirerait pas son projet de Contrat Première Embauche. Après 3 mois de contestation et de manifestations, l’opinion publique, d’abord hésitante, avait basculé du côté des manifestants. Le 31 mars, le président Chirac promulguait la loi, mais suspendait immédiatement son application, avant que le CPE ne soit officiellement abandonné le 10 avril.

Ce n’est donc pas parce que le projet de réforme des retraites arrive à l’Assemblée et que le gouvernement claironne qu’il ne le modifiera pas que nous devons nous résigner : nous pouvons faire reculer le gouvernement. En commençant par être toutes et tous mobilisé·e·s ce mercredi pour une 8e journée de mobilisation interprofessionnelle, près de 2 mois après le début de ce puissant mouvement social.

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