Projet de loi retraites : travailler plus longtemps pour avoir des pensions plus basses

mardi 14 janvier 2020, par Attac France

Avec ce projet le gouvernement veut nous imposer une réforme sans nous dire quand nous pourrons partir à la retraite et avec quel montant.

Si ce projet de loi confirme les intentions du gouvernement, nous faire travailler plus, baisser les retraites pour toutes et tous, le flou reste important. Des principes sont souvent énoncés, sans que leur mise en application soient effectivement décidés. De nombreux points sont laissés à des ordonnances et à des décrets. L’organisation de la période de transition (qui doit durer au moins jusqu’en 2037, voire 2065), est entièrement laissée à des ordonnances.

Ce texte est bavard sur les « équilibres financiers », sans paradoxalement présenter des projections financières sur le « système universel », mais il est relativement silencieux sur les objectifs sociaux du régime de retraite : quel niveau de vie pour les retraités ?

Et la promesse d’un système plus égalitaire est bien loin de la réalité.

1- Un système qui s’équilibre par la baisse des pensions

La limitation du financement des retraites à hauteur de 14 % du PIB impose mécaniquement une baisse du niveau de vie relatif des retraités.

L’article 1 de la loi organique impose une « règle d’or » : le système universel de retraite (SUR) doit être équilibré de manière prévisionnelle, en cumul sur les cinq prochaines années. Par exemple en 2025 sur la période 2025-2029.
Cette « règle d’or » (article 1 de la loi organique) et différents mécanismes (âge minimal du taux plein et âge d’équilibre en particulier) organisent un système où les taux de remplacement ne
sont plus inscrits dans les textes, et où les retraites baissent automatiquement pour équilibrer le système.

Dans le projet de loi, le principe de l’« âge pivot » reste inscrit à l’article 10 sous le vocable « âge d’équilibre » pour devenir l’instrument principal de régulation des pensions à partir de 2037.
Annoncé à 64 ans dans le rapport Delevoye, il n’est plus précisé puisqu’il est prévu qu’il puisse évoluer en fonction de deux paramètres : la contrainte d’équilibre financier et l’évolution de l’espérance de vie.

2- Les pensions des femmes menacées dans de nombreux cas

Le niveau des pensions de nombreuses femmes est menacé par plusieurs des articles du projet de loi. La majoration de durée d’assurance ferait place à une majoration de points à attribuer, au cas par cas, entre les conjoints (article 44). Les périodes de temps partiel, même sur un temps limité de la carrière se répercuteraient systématiquement sur la pension sous la forme de droits diminués (sauf accord de l’employeur pour cotiser plus – article 27).
Les pensions de réversion, dont les bénéficiaires sont à 90% des femmes, sont fragilisées. Les femmes divorcées ne seraient notamment plus protégées par une pension de réversion (article 62).

3- Les périodes de chômage et d’inactivité qui se répercutent sur la retraite

Les périodes de chômage pénaliseront systématiquement et fortement la retraite. En effet, le chômage indemnisé ne permettrait d’obtenir des points qu’en fonction de l’indemnité chômage, et le chômage non
indemnisé ne donnerait aucun droit (article 42). Pour les période de chômage, les points seront basés sur l’ARE ou l’ASS (et non plus sur le salaire antérieur) ; il n’y aura plus de point attribué pour les périodes de chômage non indemnisés, ce qui est un double recul.

4- Une pension minimale pas vraiment garantie

Aucune pension minimale n’est prévue pour les personnes qui partiraient en retraite avant l’âge d’équilibre.
Le gouvernement se glorifie, dans sa présentation des principes généraux de la loi, de prévoir une retraite minimum à 1000 euros, soit en dessous du seuil de pauvreté. Mais le projet de loi ne fixe jamais ce montant. Il se contente de préciser que la retraite minimum consisterait en un pourcentage du SMIC qui sera fixé… par décret. De plus, son attribution est conditionnée à une durée de cotisation minimale de 43 ans (donc une « carrière complète »). Pour ceux qui n’auraient pas atteint les 43 ans, c’est à dire l’essentiel des « petites pensions », le montant sera diminué.

5- Tapis rouge pour développer la capitalisation

Le texte encourage le développement de l’épargne retraite par capitalisation et prévoit l’extension des niches sociales et exonérations fiscales pour les plans souscrits pour les super-cadres dont les revenus excèdent 10 000 euros bruts par mois et dont une part n’est plus soumise à cotisations (une baisse de cotisations et de recettes estimée à 3,8 milliards d’euros pour le système de retraite).
L’article 64 ratifie les ordonnances prises du fait de la loi PACTE, afin « de renforcer l’attractivité de l’épargne retraite » :« assouplissement des modalités de sortie en rente ou en capital et ouverture de tous les produits d’épargne retraite aux assureurs, aux gestionnaires d’actifs et aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire ». Les bénéficiaires du crime (la dégradation du système public de retraite) sont ainsi désignés.

6- L’État prend la main sur le « système de retraite universel ».

Deux institutions sont créées : la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) et un « Comité d’expertise indépendant des retraites ».
Le texte prévoit que la CNUR, mise en place dés le 1er décembre 2020, sera gérée paritairement par les partenaires sociaux : les administrateurs représentants les salariés au sein de cette caisse nationale seront désignés par les organisations ayant recueilli une représentativité d’au moins 5%. Dans la pratique, cela ferait rentrer l’UNSA dans la liste, mais pas Solidaires ni la FSU.
Le Conseil aura à fixer la valeur d’acquisition et la valeur de service du point applicables au titre de l’année 2022 avant le 30 juin 2021 (le taux de rendement de 5,5 % figurant dans le rapport Delevoye n’est pas repris pour 2022). Il aura à fixer chaque année la revalorisation de ces deux taux.
L’âge d’équilibre sera également déterminé par une délibération du Conseil d’administration, ainsi que l’âge d’ouverture des droits, l’évolution des taux de cotisation.
Le Conseil d’administration aura l’obligation de présenter des comptes équilibrés, en jouant sur l’ensemble des paramètres existants, incluant l’âge légal de départ en retraite, l’âge d’équilibre, la durée d’assurance pour une carrière complète (dans un régime par points, la notion de « carrière complète » ne se justifie plus sauf pour introduire une décote liée à l’âge d’équilibre), les taux de cotisation,...
Si le Conseil d’administration ne présente pas de comptes avant le 30 juin ou que ceux-ci ne sont pas équilibrés, l’État pourra se substituer à la Caisse par voie de décret.
Le COR est maintenu mais relégué dans un rôle secondaire. Un « Comité d’expertise indépendant des retraites » (avec un président choisi par le Président de la République, 2 membres de la Cour des comptes, le directeur de l’INSEE, 3 personnes désignées respectivement par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du CESE), excluant les organisations syndicales, joue un rôle central pour le pilotage du système, avec des projections financières à 40 ans et veillant au respect de la règle d’équilibre sur une période de 5 ans.

7- Les annonces d’Edouard Philippe du 11 janvier préfigurent le fonctionnement du futur système et de la période de transition

Le 11 décembre, l’« âge pivot » avait été introduit dans le système avec effet quasi-immédiat en 2022 jusqu’en 2027, date prévue pour la mise en œuvre du Système Universel de Retraite (SUR).
Il s’agissait prétendument de résorber le déficit attendu pour 2025 et de mettre les compteurs à zéro pour les débuts du SUR.

Le 11 janvier, l’« âge pivot » a été provisoirement suspendu et les organisations membres de la conférence de financement sont sommées de trouver les « solutions » pour combler le « déficit » ainsi créé.
Le gouvernement a commencé à dresser la liste des « solutions » interdites : la hausse du « coût du travail » et la baisse des pensions. Cela ferme la discussion sur la hausse des cotisations sociales. Et de façon hypocrite, le gouvernement exclut une baisse nominale des pensions qui serait politiquement délicate, mais leur pouvoir d’achat baisse car elles sont partiellement sous indexées par rapport à l’inflation depuis plusieurs années.
Restent alors les mesures d’âge : âge d’ouverture des droits, accélération de l’allongement de la durée d’assurance, et.... âge pivot. Si la Conférence de financement ne parvient pas à sortir de ce piège, alors l’État reprendra la main pour remettre en place l’« âge pivot ».

Cette façon de faire est une préfiguration du « système universel ».
Comme les membres de l’actuelle Conférence de financement, les administrateurs de la future CNUR seront soumis à la même injonction de trouver les moyens pour équilibrer le système en tenant compte de la contrainte d’éviter les « solutions interdites ».
Pour les personnes nées après 1975 qui relèveront du SUR, le recours à l’âge d’équilibre est explicitement un moyen d’ajustement des pensions dans le projet de loi.
Pour les personnes nées entre 1960 et 1975, la contrainte d’équilibre sur 5 ans étant imposée à partir de 2025, les membres du Conseil d’administration de la CNUR seront placés dans la même piège d’avoir à « choisir » entre différentes mesures d’âge dont l’« âge pivot » » rebaptisé « âge d’équilibre »
S’ils s’y refusent, le gouvernement reprendra la main pour imposer cette « solution ».

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