Faut-il remercier les évadés fiscaux qui « donnent » des masques ?

mercredi 25 mars 2020, par Raphael Pradeau

Comme après l’incendie de Notre-Dame, les plus grandes fortunes et les plus grandes entreprises françaises rivalisent de générosité. Elles communiquent sur des dons de masques dans un contexte où ceux-ci manquent cruellement pour freiner l’épidémie de Covid 19 et protéger les personnels soignants. Le point commun de ces généreux donateurs ? Ce sont des spécialistes de l’évasion fiscale.

Dans le même temps, France 2 organise une grande soirée d’appel à dons en faisant intervenir des artistes qui ont été épinglés dans les scandales d’évasion fiscale. Avant de nous inviter à donner pour l’hôpital public, ne devaient-ils pas commencer par payer leur juste part d’impôt ?

Après Bernard Arnault et LVMH, ce sont BNP-Paribas, Bouygues ou encore PSA qui annoncent des dons massifs de masques. Faut-il remercier ces généreux donateurs ? Peut-être, mais il faut aussi se rappeler qu’en pratiquant une évasion fiscale massive, ils ont privé les finances publiques d’importantes recettes qui manquent cruellement pour financer le système de santé !

De généreux donateurs spécialistes de l’évasion fiscale

Bernard Arnault et LVMH ont communiqué pour annoncer qu’ils allaient offrir 10 millions de masques par semaine. Les Paradise Papers ont révélé que le patron de LVMH a placé des actifs dans six paradis fiscaux différents. Maison luxueuse à Londres achetée avec un prête nom domicilié à Jersey, luxueux yacht de 101 mètres détenu par une société maltaise, holding au Luxembourg... : l’homme le plus riche de France, qui revendique être l’un des plus gros contributeurs fiscaux de l’Hexagone, fait preuve de beaucoup d’imagination pour échapper à l’impôt.

Son entreprise LVMH disposerait quant à elle de 202 sociétés offshore. En 2014, la plateforme Paradis fiscaux et judiciaires révélait que LVMH état l’entreprise française comptant le plus de filiales dans les paradis fiscaux !

De son côté, Bouygues offre 1 million de masques. En 2017, l’entreprise a été épinglée pour ses pratiques fiscales déloyales à Malte lors du scandale dit des Malta Files.

PSA est un autre généreux donateur mentionné dans le presse. Mais les Malta Files ont révélé que PSA a économisé 57 millions en cinq ans en domiciliant ses activités d’assurance. Rappelons que l’État français est actionnaire de PSA !

Enfin, BNP-Paribas a communiqué sur un don d’un million de masques. La banque française est la banque française qui a le plus recourt aux paradis fiscaux. En 2017, Oxfam montrait que 32% de ses bénéfices sont déclarés dans des paradis fiscaux. Ses nombreuses sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux lui permettent d’aider ses riches clients à échapper à l’impôt et de réduire sa propre feuille d’imposition. En 2017, la banque a même été condamnée à Londres à une amende de 38 millions d’euros pour avoir organisé un système d’évasion fiscale entre la City et des paradis fiscaux.

Des critiques avaient déjà été émises après l’incendie de Notre-Dame. Pourquoi les milliardaires et multinationales rendent publique leur « générosité » si ce n’est pour profiter de cette situation pour redorer son image de marque ? Et surtout, pourquoi déversent-ils une pluie d’argent qu’ils refusent de payer en impôts ?

Alors que l’État se révèle incapable de fournir des masques en quantité suffisante, c’est un fâcheux symbole de voir des évadés fiscaux, qui ont privé l’État d’importantes recettes en échappant à l’impôt, se donner le beau rôle en se substituant à l’État pour fournir des masques ! Nous n’attendons pas la charité, mais que ceux qui peuvent le plus contribuer à l’impôt payent leur juste part.

Alors, bien sûr, l’évasion fiscale n’est pas la seule cause de la situation catastrophique dans laquelle se trouve notre système de santé. Les baisses et exonérations de cotisations sociales, présentées comme un gain de pouvoir d’achat pour les français, ont durablement privé de ressources l’Assurance maladie. Les choix politiques des gouvernements successifs sont également en cause dans la dégradation de nos services publics.

Mais on sait que la baisse des stocks de masques a été décidée en 2013 dans un contexte de restrictions budgétaires lié à la lutte contre les déficits publics. Or, faut-il rappeler que le manque à gagner annuel pour l’État français lié à la fraude et à l’évasion fiscale est estimé à au moins 80 milliards d’€, quand le déficit public s’est élevé à 75 milliards d’€ en 2013 et à 93 milliards d’€ en 2019 ? La justice fiscale est nécessaire pour financer des services publics de qualité.

Quand des évadés fiscaux appellent les français à donner pour l’hôpital public

Ces derniers jours ont également été marqués par une succession d’appels à dons par les hôpitaux.

Or, les hôpitaux sont censés être financés par les prélèvements obligatoires, si bien que la question nous brule les lèvres : et si chacun.e payait sa juste part d’impôts, les hopitaux seraient-ils contraints de recourir à des appels à dons ?

N’est-il pas indécent que France 2 ait organisé, le 24 mars, une soirée « Ensemble avec nos soignants » pour inciter les français.es à faire des dons pour l’hôpital public, en faisant chanter des évadés fiscaux ? PParmi les artistes qui sont intervenus lors de cette soirée, on retrouve en effet Patrick Bruel, mouillé dans une histoire d’évasion fiscale aux Iles Vierges et au Luxembourg avec Winamax, Gad Elmaleh, épinglé par le Monde pour un compte en banque dans une filiale d’HSBC à Genève, ou encore Julien Clerc, alors qu’il a été cité lors des Paradise Papers car il a fait immatriculer un bateau à Malte pour échapper à la TVA.

Avant d’appeler les français.es à faire des dons pour l’hôpital public, ne devraient-ils pas commencer par payer leur juste part d’impôt ?

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