Comment les transformations politiques de l’Afrique sahélienne ont mis la France en échec ?

En août-septembre 2023, après que quelques hauts gradés de l’armée au Niger eurent destitué et de séquestré le président, Mohamed Bazoum, d’énormes manifestations de rues ont mis la France en accusation. Le monde entier a pu visionner des pancartes affichant « La France, dégage ! », « Vive le Niger ! ». Le président Macron, qui n’a rien voulu admettre des nouveaux dirigeants du pays, a dû finalement accepter la fermeture de notre ambassade et engager le départ des troupes françaises.

Comme l’avaient fait le Mali et Burkina Faso les années précédentes, le Niger a signifié qu’il récusait le rôle que la France s’est attribué à partir de 2013 : former avec d’autres pays européens et même l’ONU des unités militaires pour aider, en principe, les gouvernements de cinq pays sahéliens à lutter contre les islamistes. Or, ces contingents se sont avérés incapables de contenir les avancées des groupes jihadistes venus du Nord saharien tout en se comportant le plus souvent comme en pays colonisés. En réalité, Jean-François Bayart* l’avait compris dès 2010, ces actions militaires renforcent certains islamistes parmi les plus agressifs en leur conférant « des lettres de noblesse anti-impérialistes ».

Ne faut-il pas aujourd’hui dénoncer la manière dont la France, les États-Unis, la Russie interviennent plus ou moins ouvertement en Afrique au prétexte de lutter contre des « terroristes » alors qu’ils ne le font qu’en défense de leurs propres intérêts ? N’est-il pas temps d’admettre que ces mouvements se développent d’abord sur le terreau de la pauvreté, des inégalités sociales et des conflits entre communautés humaines ?

* Jean-François Bayart, ex-Directeur de recherche au CNRS, enseigne actuellement à l’Institut des Hautes Etudes et du Développement à Genève. Il est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages de géopolitique, parmi lesquels Violence et religion en Afrique (Karthala 2018).



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