Le non renouvellement de la fréquence de C8 est une victoire qu’il convient de célébrer. L’autorité de régulation a accédé à une des demandes formulées dans notre lettre ouverte à l’Arcom, co-signée avec les responsables d’une vingtaine d’associations, de médias, d’organisation syndicales, de journalistes, de militant·es et de spécialistes des médias et publiée le 15 juillet.
Nous y rappelions notamment que « lors de la campagne législative, les chaînes possédées par le milliardaire, C8 et CNews, ainsi que leurs animateurs et animatrices vedettes ont soutenu le RN au mépris de la légalité et de l’éthique, laissant libre cours aux idées réactionnaires et racistes de l’extrême droite. » Le combat contre ces médias de la haine est fondamental pour battre durablement le RN et contrecarrer sa montée en puissance.
La décision de l’autorité de régulation est toutefois insuffisante : tout d’abord car CNews a été pré-sélectionnée par l’Arcom pour le renouvellement de sa fréquence malgré les nombreuses sanctions à l’égard de la chaîne pour (entre autres) incitation à la haine, propos discriminatoires, non respect du pluralisme...
Les dernières en date : deux amendes de 60 000€ et 20 000€ notamment pour l’absence de réactions des présentateurs de CNews face à des invités qui déclaraient que « l’immigration tue » ou à des propos complotistes sur l’écologie.
Compte tenu du mépris affiché de Vincent Bolloré et de ses équipes vis-à-vis de la convention de l’Arcom à laquelle devaient être tenues les chaînes du milliardaire, l’autorité de régulation aurait du sévir comme le demandait notre lettre ouverte ainsi qu’une pétition rassemblant plus de 250000 signataires.
A défaut, les mêmes causes auront les mêmes conséquences et il est évident que CNews continuera à s’affranchir de ses obligations pour continuer à propager des discours de haine et promouvoir les idées d’extrême droite. Le groupe Bolloré a les milliards pour payer les amendes... et assume de ne pas respecter les lois et les règles.
L’Arcom a par ailleurs pré-sélectionné cinq autres chaînes du groupe Bolloré, ainsi que le projet d’un autre milliardaire, celui de Daniel Kretinsky, qui détient Elle, Franc-Tireur, Usbek & Rica, Télé 7 Jours, Loopsider, le groupe d’édition Editis, est actionnaire du groupe Le Monde (Le Monde, L’Obs, Télérama…) et est entré au capital du groupe TF1 (TF1, LCI, TMC…), a financé Libération…
L’autorité de régulation renforce ainsi l’emprise des milliardaires sur les médias français, au détriment d’autres projets comme celui du Média, qui aurait permis d’introduire non seulement une dose de pluralisme dans le panorama audiovisuel français, mais qui plus est présente la garantie d’une indépendance vis-à-vis de pressions politiques et d’actionnaires.
L’Arcom montre ses limites pour ce qui est de garantir l’indépendance et le pluralisme dans le secteur des médias. Pour ce faire, une intervention publique forte est nécessaire, par l’intermédiaire, par exemple, du renforcement du service public audiovisuel, d’une loi sur la concentration des médias, de la création d’un statut juridique pour les rédactions, de la mise en place d’un délit de trafic d’influence en matière de presse, et d’une réforme en profondeur des aides à la presse et de l’Arcom...
Autant de mesures appelées des vœux des organisations de journalistes et de nombreux et nombreuses professionnel·les e la presse, de la télévision et de la radio. Des propositions dont devront se saisir le Nouveau Front Popualaire dans les mois et années à venir : l’enjeu n’est rien moins que de libérer les médias de l’emprise des milliardaires et de garantir les conditions d’un débat public apaisé et pluraliste, indispensable au fonctionnement d’une démocratie véritable.