La plupart des gouvernements ont augmenté fortement les dépenses publiques pour faire face à la pandémie du Covid-19. Avec pour conséquence une hausse générale des dettes publiques. Ce choix du « quoi qu’il en coûte » a fait l’objet d’un large consensus. Mais on entend des voix s’élever aujourd’hui pour affirmer que « les finances publiques doivent revenir à la normale » pour réduire à tout prix les dépenses publiques. C’est dans cette perspective que le gouvernement a nommé, en décembre 2020, une commission sur « l’avenir des finances publiques », présidée par Jean Arthuis, dont le mandat est de proposer des mesures pour réduire la dette publique ainsi que les prélèvements obligatoires, et qui a rendu son rapport ce jeudi.
L’équation proposée par le gouvernement – réduire les déficits et les impôts – ne peut être obtenue que par une baisse des dépenses publiques. Une telle politique, qui aboutirait à renouer avec l’austérité budgétaire, serait une grave erreur pour deux raisons principales. En premier lieu, cela impliquerait inévitablement un nouvel affaiblissement des services publics et du système de protection sociale au moment où la crise du Covid-19 a montré les dégâts considérables causés par l’austérité budgétaire, à l’hôpital où le nombre de lits a diminué et les stocks de masques sont très insuffisants, mais aussi dans d’autres secteurs comme celui de la recherche publique. En second lieu, sur le plan macroéconomique, réduire les dépenses publiques aurait un impact négatif sur l’activité et l’emploi. Ce serait commettre la même erreur que dans les années 2010 où les gouvernements ont brutalement mis fin aux politiques de relance adoptées à la suite de la crise financière de 2008, ce qui avait conduit alors la France et la zone euro au bord de la déflation, avec une forte hausse du chômage.
Renouer avec les politiques passées est également inacceptable car il existe des politiques alternatives, mobilisant en particulier les leviers monétaires et fiscaux à la disposition des autorités publiques. Les politiques monétaires menées par les Banques centrales ont conduit à une forte baisse des taux d’intérêt permettant aux États de s’endetter à des taux nuls, voire négatifs, de telle sorte que la charge d’intérêt de la France a diminué alors même que la dette publique augmente fortement. Celle-ci est donc soutenable actuellement et devrait le rester durablement car il est très probable que la Banque centrale européenne (BCE) n’augmentera pas ses taux directeurs dans un avenir proche. La création monétaire réalisée par la BCE à l’occasion des rachats de dette publique devra se poursuivre pour contribuer au financement des politiques publiques futures, en particulier dans les domaines sanitaire et écologique. L’objectif de remboursement de la dette n’est donc pas une priorité et ne doit en aucun cas être instrumentalisé pour renouer avec une réduction des dépenses publiques particulièrement mal venue au moment où notre pays cherchera à redémarrer son activité économique.
De son côté, la politique fiscale a un rôle majeur à jouer, en complément de la politique monétaire, pour assurer le financement à venir des politiques publiques. Le double objectif doit être de recueillir les ressources fiscales nécessaires et de réaliser ce prélèvement dans un esprit de justice fiscale. Dans ce but, plusieurs propositions ont déjà été faites pour instaurer un prélèvement exceptionnel sur le patrimoine des particuliers les plus aisés. Contrairement à sa promesse de ne pas augmenter l’impôt, le gouvernement a d’ores et déjà décidé d’un prélèvement pour le remboursement de la dette Covid en prolongeant la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) jusqu’en 2033, alors qu’elle devait s’arrêter en 2024. Par cette décision, le gouvernement souhaite que le déficit social exceptionnel engendré par la crise du Covid soit financé par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Cette décision décidée en catimini est inacceptable car la CRDS est un prélèvement régressif et inégalitaire, avec un taux unique de 0,5 %, appliqué aux revenus (notamment salariaux et sociaux) de tous les particuliers quel que soit leur niveau de revenu. Cette décision revient à faire supporter une lourde part du remboursement de la dette sociale aux ménages les plus modestes. Nous proposons de remplacer la CRDS par une contribution pour le remboursement de la dette Covid (CRDC) qui serait plus juste car acquittée par les ménages les plus aisés, mais aussi par les grandes entreprises, afin d’exempter de cette contribution les « premiers de corvée » et les PME qui sont les principales victimes de la crise.
Pour une présentation détaillée de cette proposition : Attac, Qui doit payer la dette Covid ?
Liste complète des signataires :
- Aurélie Trouvé (Porte-parole d’Attac France),
- Cécile Duflot (Directrice générale d’Oxfam France),
- Khaled Gaiji (Président des Amis de la Terre France),
- Susan George (Présidente de Transnational Institut)e,
- Philippe Martinez (Secrétaire général de la CGT),
- Murielle Guilbert (Porte-parole de l’Union syndicale Solidaires),
- Benoît Teste (Secrétaire général de la FSU),
- Christophe Alévêque (Humoriste),
- Robert Guédiguian (Réalisateur),
- HK (Chanteur),
- Dominique Plihon (Economiste),
- Esther Jeffers (Economiste),
- Gabriel Zucman (Economiste),
- Daniel Bachet (économiste Attac),
- Catherine Bloch-London (sociologue),
- André Delcroix,
- Evelyne Dourille-Feer (économiste),
- Michel Husson (économiste, Fondation Copernic),
- Pierre Khalfa (économiste, Fondation Copernic),
- Gustave Massiah (Economiste altermondialiste),
- Georges Menahaem (économiste, Attac),
- Henri Paraton,
- Evelyne Perrin,
- Rozenn Perrot (Attac),
- Raphaël Pradeau (porte-parole d’Attac France),
- Jacques Rigaudiat (économiste, Fondation Copernic),
- Anne Guyot-Welke (secrétaire générale Solidaires Finances Publiques),
- Vincent Drezet (ancien secrétaire général Solidaires Finances Publiques),
- Etienne Coste (CGT Finances Publiques),
- Simon Duteil (porte parole Union syndicale Solidaires),
- Léo Charles (économistes atterrés),
- Jean-Louis Marolleau (Foi et justice),
- Maxime Combes (économiste, Aitec),
- Denis Robert (lanceur d’alerte),
- Yannick Kergoat (réalisateur),
- David Flacher (professeur des universités en économie)