Le Tribunal des droits de la nature a statué

vendredi 4 décembre 2015, par Jacqueline Balvet

Article du 7 décembre 2015 "Les Droits pour la Terre interpellent les négociateurs"

L’émotion de Laurence Tubiana devant le texte de négociations ce vendredi 4 décembre n’a certainement rien à voir avec celle qui a submergée les participants au Tribunal pour les droits de la Nature : les témoignages des représentants des communautés autochtones de l’Oklahoma, du Dakota du nord, de l’Alberta, de l’Amazonie brésilienne, équatorienne, du parc Yasuni, affectées dans leur chair et tout le vivant qui les entoure par les multinationales pétrolières et gazières, ou promotrices de grands barrages se sont succédés pendant 2 jours. Une émotion si intense qu’elle a fait écho directement avec la connaissance que les experts nous avaient apporté la veille sur les fausses solutions au changement climatique, la financiarisation de la nature et « l’empire des OGM ».

Pas besoin d’avoir les derniers chiffres édifiants des récents « morts climatiques », ils étaient là sous nos yeux pour nous dire comment leur vie était devenue un enfer ou plutôt comment il n’y avait plus de vie dans ces espaces naturels dont les peuples autochtones savent si bien prendre soin. Le moment de joute oratoire entre le procureur Ramiro Avila et l’avocat des communautés affectées par Texaco-Chevron, Pablo Fajardo, a été d’une rare qualité, nous transportant dans un véritable tribunal d’où les conclusions ne pouvaient plus faire aucun doute, je cite le procureur :
« les dommages vécus par les populations du fait des entreprises extractives sont la triste réalité : le cerf qui meure après avoir mangé les végétaux de la forêt, les cancers faits à la Terre Mère et tout le vivant, les cancers dont meurent les hommes, les femmes et les enfants, la graine de coton qui s’auto-détruit….. Nous vivons dans une société addict à toutes les énergies. Les solutions proposées (technologie, diplomatie, solutions des multinationales) ne font qu’aggraver les dommages et annihiler la vie."

Les solutions du Tribunal se résument à ces quelques points essentiels d’accepter les cas présentés et soutenir les propositions faites par les victimes ici présentes, c’est à dire :

  • laisser les fossiles dans le sol,
  • exiger un abandon des projets de grands barrages,
  • exiger la réparation des dégâts faits
  • et exiger des peines de prison pour les responsables des multinationales ayant opéré ces destructions. »

Après avoir participé à ces plaidoiries, comment accepter de croire au burlesque de cette nouvelle proposition du 4 ‰ faite par les négociateurs au Bourget ? Cela signifierait qu’en enfouissant 4 ‰ des gaz à effet de serre émis, par la méthode de séquestration de carbone dans le sol ou dans les océans, cela suffirait à résoudre le problème du réchauffement climatique. Comment accepter de croire qu’un sol saturé en méthane ne subisse aucune transformation ?

Et surtout comment accepter que les fonds si difficiles à réunir pour permettre une adaptation des pays du sud, aillent selon une très forte probabilité aux entreprises spécialisées dans cette nouvelle technologie de capture et stockage de carbone ?
NON, rien de tout cela n’est acceptable : le texte officiel actuel ne dit rien sur les responsabilités, sur les contraintes des États, et les droits des peuples autochtones ne sont cités que dans le préambule, aucun article spécifique ne leur est consacré. Parmi les propositions faites au Tribunal, l’une a été d’ajouter au texte officiel une annexe zéro, qui présenterait tout ce qui pourrait être évité comme exploitation des ressources énergétiques fossiles en en se basant sur les revendications des peuples en lutte dans tous les pays du monde, un challenge ambitieux à imposer aux négociateurs.

Article du 4 décembre 2015 "Des Droits pour la Terre"

En introduction au Tribunal des droits de la Nature qui se tient ces 2 jours vendredi 4 et samedi 5 décembre, la conférence sur les droits pour la Terre a rassemblé plus de 100 personnes jeudi 3 décembre à Place to B. Un message très fort, poétique, nous a été lancé dès la première table ronde par Patricia Gualingua et Tom Goldtooth, tous deux représentants de communautés autochtones et ayant fait le déplacement à Paris « Réveillons-nous ! Ne traitons pas la Terre de manière violente comme nous traitons nos femmes ! Nous vous demandons d’accepter nos modes de vie, nous nous sommes battus avec nos corps pour abandonner les fossiles, pour conserver nos territoires ! Nous ne sommes pas des victimes comme vous le dites si souvent, nous avons pris conscience que vous devez vous ouvrir à notre monde, nous avons la solution ! ». Car il nous faut cette émotion pour comprendre comment retrouver une pensée humaine dans ce monde en crise.

Les cas présentés pendant ces 2 jours ne feront que renforcer ce cri d’alarme :

  • les fausses solutions face à la crise climatique, et telles que le suggèrent de manière implicite les déclarations des « climatosceptiques d’un nouveau genre » ainsi nommés par Maxime Combes [1] : la poursuite de l’extraction des énergies fossiles conventionnelles et non conventionnelles, l’agriculture intelligente, la géo-ingéniérie, les bio-carburants, le nucléaire ;
  • la financiarisation de la nature avec les mécanismes de compensation de la biodiversité, les marchés du carbone, le mécanisme REDD ;
  • l’agro-industrie et les OGM : en grand accusé, Monsanto qui est en train de « répandre l’esclavage et la mort sur toute la terre » ainsi que le dit Vandana Shiva ;
  • le fracking et ses impacts sur la nature aux USA, en Amérique Latine, au Maghreb et la situation actuelle en Europe
    les grands barrages en Amazonie ;
  • un exemple de justice préventive avec Yasuni-ITT et un crime d’écocide lié à l’exploitation pétrolière avec Chevron en Equateur.

Tous ces cas seront jugés par un panel international de juges qui devra rendre un verdict et des recommandations aux « plaignants ».

Parler des droits de la terre en France et en Europe représente un changement civilisationnel car « dans notre imaginaire occidental, il est difficile de considérer la Terre comme un sujet » disait Geneviève Azam en ouverture de la conférence et c’est en échangeant, en se nourrissant des expériences d’autres communautés que nous pourrons reconstruire un autre monde.

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