Taxation du numérique : réaction des organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires

mercredi 21 mars 2018, par Plateforme paradis fiscaux et judiciaire

La Commission européenne propose aujourd’hui deux directives pour modifier les règles d’imposition des grandes entreprises du numérique. Cette initiative vise à récupérer des recettes fiscales auprès des géants du numérique, qui payent encore très peu d’impôts dans de nombreux pays où ils ont pourtant une activité. Les organisations de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires estiment cependant que, pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale, les États membres doivent donner la priorité à une réforme en profondeur du système, en instaurant notamment l’harmonisation fiscale.

« Si l’initiative de la Commission européenne a le mérite de mettre l’évasion fiscale des GAFA et autres géants du numérique sur le devant de la scène, il est regrettable de restreindre aujourd’hui la problématique à ces seules entreprises. Comme l’a montré le récent scandale des Paradise Papers, ce sont des multinationales de tous les secteurs qui se jouent des règles du système fiscal pour échapper à l’impôt, faisant perdre des recettes cruciales aux États européens, mais aussi aux pays en développement. La taxation des géants du numérique doit être repensée dans le cadre plus global de la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales », explique Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer financement du développement au CCFD-Terre Solidaire et coordinatrice de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires.

La Commission européenne propose deux directives : l’une comportant une mesure de court terme et l’autre une mesure à moyen terme.

La première proposition de directive instaurerait un nouvel impôt, temporaire, sur certaines activités numériques, comme la mise en relation d’internautes sur des plateformes ou la mise en ligne de publicités. Ce projet doit beaucoup à l’impulsion française, et devrait toucher une centaine d’entreprises sur le territoire européen, mais il ne constitue pas une solution pérenne.

Pour Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France : « Il n’est plus possible de s’attaquer à l’évasion fiscale par des mesures restreintes et de court terme. Cette nouvelle taxe montre déjà ses limites puisque certaines multinationales emblématiques pourraient y échapper. Ce sont aujourd’hui des réponses structurelles qui sont nécessaires pour lutter contre l’évasion fiscale ».

La seconde proposition permettrait d’ajouter, dans la définition de l’impôt sur les sociétés, la présence numérique, aujourd’hui très difficile à établir. C’est un enjeu important : de nombreux États peinent à imposer les grandes entreprises du numérique pour cette raison. Le fisc français avait, par exemple, été débouté dans son redressement contre Google. Mais la Commission européenne elle-même le reconnait : la définition d’une présence numérique significative doit avant tout servir à améliorer le projet d’assiette commune consolidée sur l’impôt sur les sociétés (ACCIS). Cette mesure, si elle est suffisamment ambitieuse, devra permettre de répartir les bénéfices des multinationales sur le territoire européen en fonction de leurs activités réelles, y compris numériques. Le Parlement européen a voté deux rapports en ce sens la semaine dernière, incluant l’enjeu numérique.

« Les règles d’imposition actuelles, vieilles d’un siècle, ne sont plus adaptées à l’économie actuelle, du fait notamment du caractère immatériel de certaines activités comme le numérique, mais pas uniquement. Les récentes réformes, comme le plan BEPS de l’OCDE, se sont révélées insuffisantes pour mettre un terme aux pratiques d’évasion fiscale, car le système d’imposition basé sur la pleine concurrence a atteint ses limites. Il faut aujourd’hui avancer sur le projet d’harmonisation fiscale de l’impôt sur les sociétés », explique Jacques Fabre, de Transparency International France.

Dans un contexte de concurrence fiscale exacerbée où certains paradis fiscaux, parfois au cœur de l’Europe, multiplient les pratiques fiscales dommageables, ce sont des mesures de ce type qui pourraient réguler l’évasion fiscale.

« Le projet de taxation du numérique a fortement avancé grâce à l’impulsion française, signe qu’un leadership fort de la France peut fonctionner. La transparence fiscale ne doit pas être oubliée. Alors qu’il est urgent de connaître les impôts payés par les entreprises dans tous les pays où elles sont présentes, le projet de directive sur le « reporting pays par pays » n’avance guère, faute d’un accord au Conseil. La France doit reprendre l’initiative à ce sujet. Nous appelons le Ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, à se positionner fortement sur des réformes en profondeur contre l’évasion fiscale, la transparence et l’harmonisation fiscale en priorité », conclut Lison Rehbinder.

Pour aller plus loin

  • La proposition de la Commission européenne est disponible ici
  • La fiscalité du numérique a également fait l’objet de débat au G20 à Buenos Aires les 19 et 20 mars, sur la base d’un rapport remis par l’OCDE, mais sans prise de décision.

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