Geneviève Legay : « Dès que je serai en état, je retourne manifester »

vendredi 17 mai 2019, par Attac France

Cette interview a été réalisée avec Geneviève Legay le 17 mai 2019, deux jours après sa sortie de l’hôpital.
Geneviève Legay, porte-parole d’Attac 06, a été grièvement blessée à Nice le samedi 23 mars pendant l’acte XIX des Gilets jaunes lors d’une charge des forces de l’ordre. C’est alors à une véritable tentative de falsification des faits que s’est livrée toute la chaîne de commandement.

Après presque deux mois d’hospitalisation, quel est ton état de santé et comment va le moral ?

Niveau physique, j’ai encore des vertiges, car le rocher est toujours fracturé ; et je n’ai pas retrouvé totalement la vue, l’odorat zéro et le goût 3 sur 10. Je suis obligée de marcher avec des béquilles, sinon je tombe. Il y a toujours quelqu’un·e avec moi pour l’instant. Je voulais rentrer chez moi, car l’hôpital ça commençait à me peser, mais je ne suis pas encore autonome. Côté moral, des hauts et des bas parce que debout, je suis comme « ivre » donc j’ai besoin d’être souvent assise ou couchée. C’est pas encore ça : vivement que je guérisse.

Tu as reçu de nombreux messages de soutien, notamment venant de militant·e·s et comités locaux d’Attac. Que veux-tu répondre ?

Je veux remercier Attac France, vous avez fait ce qu’il fallait. Et aussi tous les comités et membres d’Attac qui m’ont écrit les uns après les autres. Je veux les remercier chaleureusement. Ça fait du bien de se sentir soutenue face à l’injustice. C’est fabuleux, et puis j’ai aussi été soutenue par beaucoup d’autres personnes. Au départ, je ne m’attendais pas à ce que cette affaire prenne autant d’ampleur, ça a pris une dimension nationale, voire internationale. J’ai reçu des coups de fil et des cartes de France mais aussi du monde entier ! J’ai été surprise par un tel soutien : tu descends un matin défendre le droit de manifester et tu te retrouves avec des personnes de partout qui t’écrivent ! Ça m’a beaucoup aidée, c’est tellement injuste ce qu’ils m’ont fait…

Depuis ton lit d’hôpital, tu continuais à appeler à la convergence des luttes…

Le 17 novembre, comme beaucoup de militant·e·s, je n’étais pas très emballée en entendant parler du prix du
gasoil, mais j’ai aussi entendu « taxe ». Le 18, j’ai rencontré ces femmes Gilets jaunes sur les ronds-points : on avait les mêmes revendications, notamment sur l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Je me suis dit qu’il fallait les rejoindre, sans donner de leçons, et essayer de travailler à la convergence. C’est à ça que je me suis consacrée dès le 18, avec d’autres membres d’Attac 06. J’ai écouté, ils avaient beaucoup à nous dire. Ça faisait des années qu’on perdait face aux gouvernements successifs, eux sont venus dire « Macron et le gouvernement n’écoutent plus les corps intermédiaires, et bien nous, Gilets jaunes, on est là ».

Vas-tu, comme te l’a demandé Macron, « faire preuve de sagesse » et arrêter de manifester ?

Alors déjà, je dis à M. Macron que c’est moi qui suis sage et c’est lui qui ne l’est pas : en deux mois d’hôpital, j’ai vraiment vu de l’intérieur la casse du service public, j’ai vu souffrir les employé·e·s, ça m’a fait souffrir aussi. Dans mon service, sur l’organigramme ils sont douze, ils étaient six, puis ils sont tombés à quatre. Les infirmièr·e·s sont au bout du rouleau. M. Macron organise la casse des hôpitaux. Dans tous les services où je suis passée, ils sont en manque de personnel. Dès que je serai en état, je retourne manifester, jusqu’à ma mort s’il le faut. Quand tu mets des enfants au monde et que tu as des petits-enfants, quel avenir tu leur laisses ? Qu’a fait Macron-le-sage pour répondre positivement aux Gilets jaunes, au peuple ?

Il n’y a pas eu un seul mot de regret, pas de sanction…

Je trouve cela lamentable. Mon avocat a écrit à la ministre Mme Belloubet, qui ne lui a pas répondu. Mes avocat·e·s n’ont toujours pas accès aux images de vidéosurveillance, on ne sait pas si le dossier va être dépaysé à Aix… Lors de la conférence de presse du 29 avril, on m’a demandé si je croyais en la justice de mon pays. J’avais dit oui, mais je commence à en douter. Quand on voit le procureur qui dit que tout va bien dans le meilleur des mondes… Ce que je voudrais, c’est que le préfet, le procureur et le commissaire Souchi soient révoqués, avant de remonter jusqu’aux donneurs d’ordre, jusqu’à Castaner. Je ne faisais rien, j’avais un drapeau de la paix. C’était bon enfant, il ne s’était jamais rien passé à Nice… Il n’y avait aucune raison d’interdire la manifestation. J’aimerais que justice soit faite. Et pour Zineb Redouane aussi, qui a été tuée par la police alors qu’elle était à sa fenêtre à Marseille. Sa famille m’a apporté son soutien, j’invite tout le monde à la soutenir ainsi que l’ensemble des manifestant·e·s blessé·e·s.

Propos recueillis par Raphaël Pradeau

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