Traité transatlantique, une régression des droits fondamentaux et démocratiques

lundi 15 septembre 2014, par Adda Bekkouche *

Le traité transatlantique [1], entre les États-Unis d’Amérique (EUA) et l’Union européenne (UE), fait l’objet de nombreux commentaires [2]. Ces derniers concernent surtout les domaines économique et commercial, contrairement aux droits fondamentaux et démocratiques. L’objet de notre propos est de nous attarder sur la manière dont ce traité va affecter ces droits et les principes qui en découlent. Aussi, peut-on affirmer d’emblée que si cet instrument entrait en vigueur, conformément aux orientations qui découlent du mandat de négociation [3], il s’agirait tout simplement d’une usurpation de souveraineté des peuples européens.

Le traité transatlantique [4], entre les États-Unis d’Amérique (EUA) et l’Union européenne (UE), fait l’objet de nombreux commentaires [5]. Ces derniers concernent surtout les domaines économique et commercial, contrairement aux droits fondamentaux et démocratiques. L’objet de notre propos est de nous attarder sur la manière dont ce traité va affecter ces droits et les principes qui en découlent. Aussi, peut-on affirmer d’emblée que si cet instrument entrait en vigueur, conformément aux orientations qui découlent du mandat de négociation [6], il s’agirait tout simplement d’une usurpation de souveraineté des peuples européens.

Sans procéder à une étude exhaustive et minutieuse des problèmes soulevés – cela nécessiterait sans aucun doute plusieurs ouvrages –, nous examinerons trois séries de questions se rapportant aux négociations de l’accord, à la remise en cause de certains droits fondamentaux et civils et, enfin, aux risques d’atteinte à la souveraineté des peuples et aux prérogatives de puissance publique de l’État.

1 - Les négociations de cet accord soulèvent de nombreuses questions quant aux modalités de sa négociation

Dans une démocratie, ce qui engage la collectivité, notamment en matière de traités internationaux, doit être négocié et conclu conformément à un mandat clair, préalablement défini et sous le contrôle d’instances élues. Ce n’est nullement le cas concernant le traité transatlantique. Ces négociations dérogent à de nombreux principes et pratiques habituels dans la formation des traités internationaux. De ce fait, elles portent atteinte au droit international et au droit constitutionnel français.

Notons d’abord que le mandat de négociation est confié au négociateur unique de l’UE avec les EUA, Karel De Gucht, commissaire européen au Commerce. Par ailleurs, cet accord est négocié sans publicité ni débat et dans une grande opacité [7] de la part de la Commission européenne (CE) et des gouvernements nationaux. Ainsi, ni le Parlement européen, ni les parlements nationaux ne sont tenus au courant du détail des négociations entre Washington et Bruxelles. Le Parlement européen et les États membres ne disposent que d’un accès restreint au détail des échanges [8]. Ajoutons à cela qu’aucun projet ou document précis n’a été ni publié ni même mis à la disposition du Parlement européen, afin que ce dernier, en tant que représentant des peuples des pays membres de l’Union, puisse en débattre. Enfin, la CE a commencé à négocier en mars 2013, alors que le mandat pour le faire ne lui a été conféré qu’en juillet 2013.

Et, élément supplémentaire qui tranche avec les règles de négociations étatiques classiques et qui met à mal les principes démocratiques, « les documents transmis par la direction générale du commerce sur le GMT ne concernent par ailleurs que les propositions de l’Union. Les États-Unis interdisent l’examen de leurs ‘‘positions de négociation’’ par les autres États ou le Parlement européen. » [9]

Ainsi, alors que les négociations d’un tel traité devraient être portées à la connaissance des parlements européen et nationaux, la CE et les gouvernements nationaux s’y impliquent peu, ignorant les principes et règles de formation des traités internationaux. Cette façon de faire n’est pas digne d’une démocratie et tend à la dépossession des peuples de leur souveraineté.

2 - Les négociations de cet accord soulèvent de nombreuses questions quant au respect de nombreux droits fondamentaux

En raison des domaines variés et importants que ce projet d’accord vise à libéraliser, il est susceptible de porter atteinte à des droits civils et fondamentaux [10]. En effet, il est question d’atteindre le plus haut niveau de libéralisation [11] de toutes les activités de service, y compris les services concourant à l’intérêt général. En fait, il s’agit de pousser encore plus loin la logique du principe de concurrence libre et non faussée déjà mis en œuvre par l’UE. Les exceptions à cette libéralisation concernent les « services fournis dans l’exercice de l’autorité gouvernementale » [12], qui, contrairement à ce qu’on peut penser, ne couvrent pas la totalité des services collectifs concourant à l’intérêt général et que l’on qualifie, notamment en France, de services publics. Il s’agit tout simplement des services relevant des prérogatives régaliennes de l’État : armée, police, justice [13], diplomatie… Or, au-delà de ces services, nombreuses sont les activités qui, tout en ne relevant pas des compétences régaliennes de l’État, sont pourtant nécessaires à la réalisation de services qui concourent à l’intérêt général. Cela concerne des services qui contribuent justement à la réalisation de droits fondamentaux, tels que l’éducation, la santé ou la préservation de l’environnement [14]. Ainsi, si cet accord aboutissait, conformément au mandat de négociation, certains services publics, concurrencés par le secteur marchand, seraient réduits à peau de chagrin, voire disparaîtraient en raison de la concurrence qui leur serait livrée par le secteur privé.

En matière de santé, les hôpitaux publics relèveraient du secteur de la concurrence. Progressivement ils céderaient le pas au secteur privé, favorisant ainsi l’augmentation du nombre de cliniques privées, plus ou moins spécialisées dans les activités rentables. Un tel processus serait négatif à plusieurs titres. L’hôpital et les services publics de santé perdraient de leur dynamisme et seraient incapables de répondre à la demande de tous les publics, notamment ceux dont le revenu est faible. Ce type de processus s’accompagne souvent d’un autre, tout aussi négatif, à savoir la réduction de la dépense publique qui aboutirait à la diminution des moyens des services publics médicaux. Dans de telles conditions, il est évident que les populations de condition modeste verraient leur accès aux services de santé réduit, ce qui porterait atteinte au droit à la santé, qui constitue un des droits fondamentaux.

L’autre élément qui risque de porter atteinte au droit à la santé, en tant que droit fondamental, concerne l’accès au médicament. L’article 25 du mandat de négociation prévoit l’harmonisation des réglementations et l’élimination des obstacles tarifaires dans les secteurs « […] des produits pharmaceutiques et autres industries de la santé ». On remarquera que la formulation vague et large concernant la santé aboutirait à ne rien laisser échapper au principe de la concurrence libre et non faussée. Pour Raoul Marc Jennar, les dispositions de cet article constituent « le moyen de permettre le démantèlement progressif de l’appareil législatif et réglementaire des 28 États de l’UE chaque fois qu’une norme en vigueur sera considérée comme un obstacle excessif à la libre concurrence et, en tout état de cause, plus contraignante pour le secteur privé que ce qui existe aux USA. » [15] Il est évident qu’une telle évolution livrerait le marché du médicament, fabrication et distribution, aux grands groupes privés, favorisant ainsi l’inégalité en matière de santé.

Dans la série des services publics concourant à la réalisation de droits fondamentaux, la Sécurité sociale serait également visée. Toujours en vertu des articles 15 et 25 du mandat de négociation, elle se verrait appliquer le « sacro-saint » principe de la concurrence libre et non faussée. À ce titre, les entreprises privées d’assurance devraient, petit à petit, mettre en cause le monopole de la Sécurité sociale. Si un tel scénario advenait, il est évident que tout le monde ne pourrait pas bénéficier d’un remboursement des soins à la hauteur de ses besoins. Et, là aussi, ce sont des droits fondamentaux, à savoir l’accès à la santé, un principe de base de de notre édifice juridique, et l’égal accès aux services publics, qui risqueraient d’être battus en brèche.

Un autre secteur déterminant en matière de droits fondamentaux concerne l’éducation. C’est l’article 15 du mandat de négociation qui, pour ce secteur ainsi que pour d’autres activités de service [16], aboutirait à sa privatisation. Avec l’application du traitement national, imposé par l’AGCS [17], l’éducation devrait relever du secteur marchand. Ainsi, tous les établissements publics d’éducation pourraient faire l’objet de procès pour concurrence déloyale. Pire, certaines aides publiques à ces établissements seraient contestées. Avec un tel accord, c’est tout le secteur de l’Éducation nationale qui serait livré à la concurrence. Dans un tel contexte, il est évident que les familles ayant des moyens suffisants pourraient offrir à leurs enfants un enseignement de qualité. Les autres auront accès à un enseignement au rabais ou n’en bénéficieront pas du tout, ce qui porte ainsi atteinte au droit fondamental à l’éducation.

Enfin, en matière de normes et de régulation, le risque de leur affaiblissement est très grand. En dépit des précautions rédactionnelles du mandat de négociation, l’objectif de l’accord vise « à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les obstacles non tarifaires existants par le biais de mécanismes efficaces et efficients, par la promotion d’un niveau ambitieux de compatibilité de la réglementation des biens et services, notamment par la reconnaissance, l’harmonisation et en renforçant la coopération mutuelle entre les régulateurs. » [18] Ces dispositions sont donc sans équivoque, il s’agit bel et bien d’une « harmonisation » des normes et de régulation, qui doit permettre d’« éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement ». On observe que ces dispositions sont en contradiction avec d’autres selon lesquelles « la haute qualité des services publics de l’UE devrait être préservée » [19], mais gageons que, dans un arbitrage entre ce principe et celui de l’élimination des obstacles au commerce et à l’investissement, c’est ce dernier qui prévaudrait. En d’autres termes, il s’agit de démanteler certains droits et de pousser à l’alignement par le bas de règles sociales, sanitaires, culturelles et environnementales. L’harmonisation et la compatibilité des normes et règles visent spécifiquement plusieurs domaines, dont les plus importants pour les droits fondamentaux ont trait aux mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et aux réglementations techniques, normes et procédures d’évaluation de la conformité.

En matière sanitaire et phytosanitaire, aujourd’hui, les normes sont très différentes entre les EUA et les pays de l’UE. La sécurité alimentaire est plus grande au sein de l’UE, car la réglementation dans ce domaine y est plus stricte qu’aux EUA. L’application de l’accord, conformément aux orientations du mandat de négociation, conduirait à un alignement de nombreuses normes européennes, considérées comme « des barrières commerciales illégales », sur les normes des EUA, ce qui pourrait avoir des conséquences sanitaires très graves pour les populations européennes. Par ailleurs, ce type de dispositions pourrait conduire à battre en brèche le principe de précaution aujourd’hui en vigueur au sein de l’UE. En effet, l’UE protège les consommateurs par l’établissement de normes en interdisant tout produit ou procédé dont on soupçonne la nocivité. Dans ce cas, tant que la non-nocivité n’a pas été scientifiquement prouvée, le produit ou le procédé sont interdits sur le marché. C’est une précaution a priori. Aux EUA, au contraire, c’est une précaution qui intervient plutôt a posteriori, après une action en justice du consommateur attestant de la nocivité du produit ou du procédé [20].

Plus explicite encore, le mandat de négociation prévoit, en matière de réglementations techniques, normes et procédures d’évaluation de la conformité, « de réduire les essais et les exigences de certifications redondants et onéreux ». En clair, l’objectif est d’engager le moins de dépenses possibles dans ces procédés sous prétexte d’économie et d’efficacité pour les entreprises.

On peut donc considérer que, quelles que soient les garanties juridiques ou la hiérarchie des objectifs qui seraient inclus dans l’accord, il faudra compter sur le lobbying des entreprises transnationales de part et d’autre de l’Atlantique pour aller vers le moins-disant en matière de normes, de certification et de régulation publique, et réduire ainsi la protection des citoyens et des consommateurs.

D’autres exemples seraient à relever pour ce qui concerne les atteintes aux droits fondamentaux. L’explication est que, entre, d’une part, le droit à la santé, le droit à l’éducation et le droit à un environnement sain et, d’autre part, le principe de concurrence libre et non faussée, le principe de protection absolue de l’investisseur contre toute atteinte à sa liberté et à ses intérêts, le principe de réglementations minimalistes, ce sont ces derniers qui prévalent. Ceci reviendrait à réduire le champ des politiques publiques, de l’État et des collectivités territoriales, aux seules prérogatives régaliennes, laissant ainsi toutes les autres activités livrées au secteur marchand concurrentiel, quelles que soient les conséquences sur les droits fondamentaux. En d’autres termes, l’objectif d’un tel accord est de subordonner l’intérêt général et la protection des droits fondamentaux aux intérêts commerciaux et financiers.

3 - Les négociations de cet accord soulèvent de nombreuses questions quant à la constitutionnalité de son application

Nous ne reviendrons pas sur la constitutionnalité des modalités de négociation de l’accord, mais plusieurs de ses dispositions posent des problèmes quant à sa validation, sa révision et au processus de règlement des différends qu’il prévoit.

Notons d’abord qu’une grande imprécision est entretenue sur la question de la ratification de l’accord par les parlements nationaux de l’UE. Pour la CE, seuls le Conseil européen (les chefs d’État ou de gouvernement européens) et le Parlement européen seraient habilités à approuver ou rejeter l’accord [21]. Faut-il conclure que les parlements nationaux ne seront pas consultés sur sa ratification ? Mais, plus important, la question des modalités d’approbation et d’application dans l’ordre juridique interne de l’UE n’est pas aussi évidente que le laissent entendre les tenants de l’accord. Ainsi deux questions se posent : 1) l’approbation ou le rejet de l’accord par le Parlement européen suffisent-elles et engagent-elles définitivement les États membres de l’UE ? 2) en cas d’approbation, l’engagement de l’UE suffit-il pour rendre obligatoire l’intégration de l’accord aux ordres juridiques européen et nationaux ?

Concernant la France, l’interprétation selon laquelle son application serait automatique est anticonstitutionnelle au regard de son ordre juridique interne. Conformément à l’article 53 de la Constitution [22], l’accord ne peut, compte tenu des matières qu’il concerne, entrer en vigueur et donc faire partie de l’ordre juridique français qu’après sa ratification ou son approbation. En d’autres termes, une fois qu’on a réglé la question de l’approbation l’accord, il faut examiner sa conformité à la Constitution [23]. Si le Conseil constitutionnel en est saisi et si des dispositions sont jugées contraires à la Constitution, une révision de celle-ci devra intervenir pour les y intégrer.

L’autre point problématique du mandat de négociation concerne une contradiction de taille. Il y est indiqué que les compétences de souveraineté, appelées aussi prérogatives régaliennes de l’État, sont exclues des matières du futur accord. C’est ce que le mandat de négociation qualifie de « services fournis dans l’exercice de l’autorité gouvernementale » [24]. Or le mandat de négociation touche à des matières relevant de ces compétences. C’est le cas du suivi de l’application de l’accord et, dans une certaine mesure, de sa révision. En effet, les articles 26 et 43 du mandat de négociation prévoient la création d’une structure ou d’un cadre institutionnels pour le contrôle de l’application de l’accord et la poursuite de la « compatibilité des régimes réglementaires ». Un tel mécanisme n’est conforme ni au droit constitutionnel ni au droit international.

En la matière, le principe est qu’en cas de divergence d’interprétation ou de révision d’un traité, il est fait appel à des procédures déterminées, nécessitant notamment de référer au préalable aux instances gouvernementales et, le cas échéant, à des juridictions. En d’autres termes et en l’espèce, des mécanismes portant sur des matières relevant des compétences de souveraineté seront mis en œuvre indépendamment du contrôle de l’État et de l’UE. Plus précisément, l’accord sera exclu des règles et procédures d’application et de révision des traités, quand bien même elles relèveraient des « services fournis dans l’exercice de l’autorité gouvernementale ». Ainsi, les mécanismes institutionnels de contrôle et de révision de l’accord prévus par le mandat de négociation sont illégaux et non démocratiques. Il s’agit tout simplement, à travers ces processus institutionnels autonomes, de soustraire aux contrôles publics et démocratiques l’application et l’évolution de l’accord en matière d’harmonisation et de compatibilité des normes et des réglementations.

Mais le plus grave porte sur le mécanisme de règlement des conflits prévu par le mandat de négociation. Présent dans l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA) et dans l’accord, en voie de finalisation, entre le Canada et l’UE, ce mécanisme, prévu par les articles 23-2 et 45 du mandat de négociation, donnerait la possibilité aux entreprises étrangères d’exercer des recours devant un tribunal arbitral, dans les matières couvertes par l’accord, contre l’État et les collectivités publiques de tout niveau, si elles considèrent que leurs intérêts sont lésés. En cas de victoire de l’entreprise étrangère, elle peut prétendre à des indemnisations et des dommages et intérêts, in fine supportés par le contribuable.

Ce mécanisme qualifié en jargon de la CE d’ISDS (Investor-state dispute settlement) ou de RDIE (Règlement de différends investisseurs-État), permet aux instances privées d’arbitrage de régler des litiges entre des entreprises étrangères et des États. Selon ses défenseurs, ce mécanisme est constitué de meilleures garanties juridiques pour les entreprises afin qu’elles investissent davantage à l’étranger. En fait, il s’agit de mettre sur pied des garanties de protection maximale de l’investissement privé. Ses adversaires trouvent, au contraire, qu’il constitue une procédure d’exception, qui autorise des groupes privés à attaquer des États en justice, et ainsi démanteler les différentes protections juridiques, normes, règles, processus de régulations et politiques publiques. Plus grave, il désarme les États, en matière juridictionnelle et législative, au profit des entreprises transnationales.

Par ailleurs, ce mécanisme bat en brèche des principes de droit public et constitutionnel. Dans ce cas, les instances d’arbitrage auront la primauté sur les juridictions étatiques. En effet, le recours à l’arbitrage, qu’il soit national ou international, est permis selon des conditions précises. L’une des plus importantes est l’utilisation et l’épuisement de toutes les voies juridictionnelles publiques de recours. Ce n’est que lorsque toutes les voies de recours internes et internationales sont épuisées que l’on peut faire appel à des arbitres. Pour résumer, en matière de règlement des différends, la norme est d’utiliser les juridictions publiques. Au cas où une des parties n’a pas obtenu satisfaction, elle peut faire appel à l’arbitrage, à condition que l’autre ou les autres parties l’acceptent. Ce sont ces règles et principes qui sont attaqués par cet accord, c’est la raison pour laquelle un mouvement européen s’est constitué pour refuser ce mécanisme, obligeant la CE à lancer une consultation publique sur le sujet [25].

En conclusion, on observe que l’objectif affirmé de cet accord est la suppression des entraves à l’investissement étranger. Soit, mais qu’entend-on par investissement ? Si l’investissement est constitué d’engagements de fonds financier pour la construction d’équipements et la mise en œuvre de politiques et de programmes publics œuvrant pour l’intérêt général, on ne peut qu’être pour. Mais il se trouve que, comme pour tous les accords de libre-échange, le résultat est le démantèlement des barrières et protections, de droits, normes et règles ayant abouti à la réduction des moyens publics, l’augmentation de l’endettement des États et l’appauvrissement des populations. Le processus sera donc l’affaiblissement de l’État-providence, voire sa disparition programmée. Or, quelles que soient ses insuffisances, et elles sont fort nombreuses, il reste encore un rempart contre les appétits voraces des entreprises transnationales et un protecteur des plus vulnérables. Le respect des droits fondamentaux et démocratiques demeure un des meilleurs moyens de le préserver.

Notes

[1Plusieurs noms sont utilisés pour désigner ce projet de traité, mais l’officiel est Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), en anglais Transatlantic Trade Investment Partnership (TTIP). Dans ce texte, nous utiliserons le nom de traité ou accord transatlantique.

[2Pour une analyse approfondie, voir Raoul Marc Jennar, Le Grand marché transatlantique, Editions Cap Bear, 2013.

[3Ce document du Conseil de l’UE comprend 46 articles. Il est daté du 17 juin 2013 et a été adopté le 14 juin 2013. La version officielle du document n’existe qu’en anglais et sa diffusion est restreinte. Il existe cependant des textes, en français, de traduction officieuse, dont la plus fiable est celle de Raoul Marc Jennar.

[4Plusieurs noms sont utilisés pour désigner ce projet de traité, mais l’officiel est Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), en anglais Transatlantic Trade Investment Partnership (TTIP). Dans ce texte, nous utiliserons le nom de traité ou accord transatlantique.

[5Pour une analyse approfondie, voir Raoul Marc Jennar, Le Grand marché transatlantique, Editions Cap Bear, 2013.

[6Ce document du Conseil de l’UE comprend 46 articles. Il est daté du 17 juin 2013 et a été adopté le 14 juin 2013. La version officielle du document n’existe qu’en anglais et sa diffusion est restreinte. Il existe cependant des textes, en français, de traduction officieuse, dont la plus fiable est celle de Raoul Marc Jennar.

[7Martin Pigeon, « Grand marché transatlantique. Silence, on négocie pour vous », Le Monde diplomatique, Juin 2014.

[8Ibid.

[9Ibid.

[10Les droits fondamentaux sont reconnus par de nombreux textes internationaux, européens et nationaux. Les textes français les consacrant sont d’ordre constitutionnel et se fondent sur des textes qui font partie du patrimoine constitutionnel français, à savoir la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la Constitution de 1946 (repris par celle de 1958) et la Charte de l’environnement (intégrée dans le préambule de la Constitution en 2005). Ces droits sont également reconnus par des textes internationaux, la Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme (notamment les articles 22 à 27), ainsi que d’autres textes, tels que les deux Pactes des Nations unies du 16 décembre 1966 sur les Droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels. Enfin, une partie de ces droits sont reconnus par des textes européens, notamment la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950. Dans la construction et la reconnaissance de ces droits, aujourd’hui, ils sont classés en trois catégories ou générations : les droits inhérents à la personne et politiques, les droits socio-économiques et les droits environnementaux.

[11Articles 3 et 15 du mandat de négociation, op. cit.

[12Article 20 du mandat de négociation, op. cit.

[13Le traité n’exclut pas totalement la justice de son champ d’application. Cf. infra, § 1.

[14La France a obtenu que les biens culturels soient pour le moment retirés du mandat de la CE. Mais cette exclusion n’est ni certaine ni définitive.

[15R. M. Jennar, op. cit., commentaire à l’article 25.

[16Cf. R. M. Jennar, op. cit., commentaire à l’article 15.

[17AGCS, article 17 : « Dans les secteurs inscrits dans sa liste, et compte tenu des conditions et des restrictions qui y sont indiquées, chaque membre accordera aux services et fournisseurs de services de tout autre membre, en ce qui concerne les mesures affectant la fourniture de services, un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires. »

[18Article 25, alinéa 1, du mandat de négociation, op. cit.

[19Article 19 du mandat, op. cit.

[20R. M. Jennar, op. cit., p. 14.

[21« La Commission européenne informe les États membres de l’Union – via le Conseil – et le Parlement européen de l’évolution des négociations. Lorsque les négociateurs seront parvenus à un accord, il appartiendra à ces deux institutions d’examiner et d’approuver ou de rejeter l’accord final. Du côté américain, la décision appartiendra au Congrès des États-Unis. » Site internet de la Commission européenne consacré aux négociations transatlantiques, rubrique « Questions fréquentes ».

[22« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés. »

[23Article 54 de la Constitution : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l’une ou l’autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution. »

[24Article 20 du mandat de négociation, op. cit.

[25La CE vient d’achever cette consultation publique, dont on connaîtra les conclusions à la rentrée. La CE a reçu près de 150 000 réponses, en majorité négatives, à sa consultation sur le mécanisme d’arbitrage entre État et investisseur, l’un des volets les plus sensibles du futur accord de libre-échange entre Bruxelles et Washington. Reste à savoir comment la CE prendra en compte les réponses. Voir Ludovic Lamant, « Succès de la consultation publique sur un volet sulfureux de l’accord UE-USA », Médiapart, 26 juillet 2014, consulté le 30 juillet 2014.

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