Petit guide pour contrer la propagande en faveur du CETA / AECG

Un accord transatlantique peut en cacher un autre
jeudi 2 juin 2016, par AITEC, Attac France, Attac Québec

Entre mai 2009 et septembre 2014, l’Union européenne (UE) et le Canada ont négocié un accord de libre-échange, l’Accord économique et commercial global (AECG, en anglais « CETA »). Au même titre que le projet de « Partenariat » transatlantique actuellement en cours de négociation entre les États-Unis et l’UE (TAFTA/PTCI) [1] , et que l’Accord de partenariat transpacifique (PTP/TPP), le CETA/AECG est un accord commercial et d’investissement dont les négociations se sont déroulées dans une parfaite opacité.

Loin des regards des peuples européens et canadien, la Commission européenne, au nom des 28 États membres de l’UE, et le gouvernement canadien sont sur le point de sceller cet accord. Conformément aux vœux des lobbies des multinationales qui en sont à l’origine, il vise à démanteler toute forme de « barrière au commerce et à l’investissement » afin de « fluidifier » les échanges entre les deux rives de l’Atlantique.

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Plus concrètement, il s’agit de :

  • supprimer les derniers droits de douane entre les deux zones économiques, notamment dans l’agriculture ;
  • « harmoniser » les réglementations des deux côtés de l’Atlantique, ce qui se traduit bien souvent par l’assouplissement maximal des lois et des normes qui protègent la santé publique, les travailleurs, les consommateurs ou encore l’environnement ;
  • conférer des droits exceptionnels aux multinationales afin d’assurer la mise en œuvre effective, voire aller au-delà des deux objectifs précédents.

Comme les autres accords en cours de négociation, le CETA/AECG est un projet d’accord de libre-échange piloté par les lobbies industriels et financiers nord-américains et européens qui voient dans toute réglementation existante ou future un obstacle à leurs affaires.

Et ce sont nos modes de vie, nos choix démocratiques et la capacité des États et des collectivités territoriales à protéger notre santé, notre environnement et nos droits qui sont menacés par ce projet d’accord.

Des promesses encore et toujours

Le 26 septembre 2014 se sont officiellement achevées cinq ans de négociations entre l’Union européenne et le Canada ; dix-huit mois de mise en forme juridique plus tard, un texte de 1598 pages en anglais est aujourd’hui finalisé. Il est présenté comme l’accord « modèle », qui permettra aux entreprises transnationales de gagner des marchés à l’étranger tout en préservant les services publics, l’agriculture, le droit à réguler et les appellations protégées. Au menu des promesses donc : de la croissance, des emplois, le tout sans aucun renoncement.

Voici plus de vingt ans, les promoteurs de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique) ne tarissaient pas de promesses non plus. Le bilan aujourd’hui est accablant : pression à la baisse sur les salaires aux États-Unis et au Canada et déstructuration profonde de l’agriculture mexicaine qui a entraîné des migrations forcées et des émeutes de la faim [2].

On nous fait les mêmes promesses pour les accords négociés aujourd’hui !

Mais l’étude de l’Université de Tufts aux États-Unis [3] établit en 2014 des projections bien plus pessimistes que ce que l’on nous promet : le TAFTA entraînerait des pertes de PIB et d’emplois en Europe en 2025 (respectivement de 0,5% et 130 000 rien que pour la France) ; selon la même étude, l’Accord de partenariat transpacifique ferait perdre 58 000 emplois au Canada.

Le CETA/AECG, première étape du TAFTA pour l’Union européenne

Partout en Europe, l’opinion publique et les élus ont entendu parler du TAFTA, et ont souvent exprimé leur inquiétude. Le Parlement français a ainsi voté plusieurs résolutions très critiques à l’égard du projet. Près de 2000 collectivités locales en Europe se sont déclarées « hors TAFTA » [4]. Plus de 3,44 millions d’Européen.ne.s ont demandé l’arrêt des négociations [5]. Or le traité UE-Canada comporte des dispositions identiques à celles prévues dans le TAFTA. Et s’il est ratifié, cet accord ouvrira la voie au TAFTA.

Il sera facile pour la Commission européenne et les gouvernements de s’appuyer sur le « précédent » CETA/AECG pour justifier l’adoption du TAFTA.

Après tout, l’accord UE-Canada s’inspire des mêmes principes et propose les mêmes mécanismes : « justice » privée pour les investissements, coopération réglementaire, libéralisation du commerce agricole, listes « négatives » de libéralisation des services publics [6].

En outre 81 % des entreprises situées au Canada sont juridiquement liées d’une manière ou d’une autre à des entreprises des États-Unis, en tant que filiales ou branches : par leur intermédiaire, celles-ci pourraient dès lors bénéficier de toutes les dispositions du CETA/AECG, arbitrage d’investissement et coopération réglementaire compris.

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Droits de douane, normes sociales et environnementales : des barrières au commerce ?

Lorsqu’une entreprise française souhaite exporter un bien ou un service vers le Canada ou les États-Unis (ou l’inverse), elle doit s’affranchir d’un impôt à l’entrée du territoire de destination. Les droits de douane, ou « barrières tarifaires » dans le jargon commercial, sont considérés comme des obstacles au commerce pour nombre de grandes entreprises exportatrices. Ce sont toutefois des outils de régulation pour les États soucieux de protéger des industries naissantes, des secteurs « stratégiques » ou encore pour empêcher l’arrivée de produits étrangers plus compétitifs et donc susceptibles de détruire des emplois locaux.

Aujourd’hui les droits de douane sont déjà très bas de part et d’autre de l’Atlantique, mais certains secteurs bénéficient encore d’une protection publique, à l’instar de l’agriculture. La suppression des droits de douane dans le secteur agricole impliquerait l’arrivée de nouveaux produits moins chers en provenance du Canada car les coûts et les normes de production y sont moindres.

C’est sur ce dernier point que se sont concentrés les négociateurs canadiens et européens : la minimisation des différences réglementaires entre les deux pays. Chaque pays définit ses normes ou règles : il s’agit là de choix sociétaux qui résultent 8d’une histoire commune et souvent d’un débat public long et complexe. Il peut s’agir des normes régissant la taille des pare-chocs automobiles et l’inflammabilité des textiles, mais également des réglementations sanitaires, sociales ou environnementales concernant le niveau de pesticides tolérable dans un aliment, l’interdiction d’organismes génétiquement modifiés dans l’alimentation humaine, la composition chimique des produits cosmétiques, la consommation électrique maximale des appareils électroménagers, le niveau de pollution tolérable pour chaque modèle de voiture, des obligations légales des entreprises vis-à-vis des travailleurs.euses ou encore des modalités de commercialisation d’un bien (âge légal des consommateurs ou limites de publicité dans le domaine des tabacs et alcools, usage d’appellations d’origine, protection des données personnelles des acheteurs en ligne...).

Ces questions apparemment très techniques représentent en réalité des choix politiques car elles déterminent notre santé, et la qualité de notre cadre de vie.

Alerte 1 : adieu Démocratie, pleins pouvoirs aux multinationales

Deux mécanismes inclus dans cet accord menacent directement nos démocraties.

1. L’arbitrage Investisseur-État ou la Charte des droits exceptionnels des multinationales

Tout comme son homologue négocié entre l’UE et les États-Unis ou comme le PTP/TPP, le CETA/AECG dote les entreprises de chacune des parties au traité d’une arme juridique hautement décriée : l’arbitrage des différends entre les investisseurs (les entreprises) et les États. Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), aussi connu sous le sigle « ISDS », pour « Investor-State Dispute Settlement », permet aux entreprises de poursuivre un gouvernement lorsqu’elles estiment qu’il a pris une décision juridique ou réglementaire qui contrevient à ses « droits ». C’est donc le cas de toute régulation d’intérêt général qui réduirait la rentabilité de son investissement ou limiterait le champ de ses activités. Les États quant à eux ne peuvent attaquer les investisseurs. Ce mécanisme est déjà présent dans la majorité des 3200 accords bi nou plurilatéraux sur l’investissement à travers le monde. Une explosion du nombre des contentieux a été enregistrée depuis la fin des années 1990. Un nombre croissant de multinationales recourent en effet à cet outil pour obtenir des compensations contre la moindre action publique qui va à l’encontre de leurs intérêts.

Les compensations peuvent atteindre plusieurs centaines de millions – voire exceptionnellement quelques milliards – de dollars. Et même si l’investisseur n’obtient pas gain de cause, le coût suscité pour l’État attaqué est double (alors que l’investisseur n’a rien à perdre) : le premier est financier, les frais liés à une procédure d’arbitrage privé sont évalués en moyenne à 4,5 millions de dollars en 2015 [7], directement financés par l’impôt des citoyens ; Le second est politique, car bien souvent la seule menace d’un investisseur suffit à dissuader les États de légiférer, ou les amène à amoindrir voire retirer la mesure incriminée.

Même pompeusement aujourd’hui baptisé « Cour » ou « Tribunal » dans le CETA/AECG, ce mécanisme d’arbitrage permettra donc d’octroyer des droits exclusifs et exceptionnels aux investisseurs, sans aucune contrepartie.

Quelques cas concrets

Les multinationales vs. la santé publique.
Le cigarettier Philip Morris exige de l’Uruguay le paiement d’une compensation de 25 millions de dollars suite à la décision de l’État sud-américain de mettre en place une politique anti-tabagisme, à savoir l’inscription obligatoire d’avertissements de santé sur les paquets de cigarettes.

Les multinationales vs. la lutte contre les dérèglements climatiques. En janvier 2016, l’entreprise TransCanada a décidé d’attaquer les États-Unis suite à la décision 12du Président Obama, répondant lui-même à une forte mobilisation populaire, de rejeter le projet d’agrandissement d’un pipeline qui devait acheminer le pétrole issu des sables bitumineux depuis la région canadienne de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique. L’entreprise canadienne réclame 15 milliards de dollars.

Les multinationales vs. les politiques de sortie de crise financière. Pas moins de 30 multinationales ont décidé de poursuivre l’Argentine dans les années 2000 après que le pays ait décidé de mettre en œuvre une politique de sortie de crise financière (gel des tarifs des services publics, dévaluation). A ce jour, les contribuables argentins ont dû compenser les multinationales étrangères à hauteur de 900 millions de dollars.

2. La coopération réglementaire ou le chèque en blanc aux multinationales

La coopération réglementaire rend l’accord « vivant » : elle permet de continuer le marchandage des normes (sanitaires, sociales, environnementales...) après la conclusion de l’accord, sans le contrôle des parlementaires, élu.e.s, instances de régulation ou citoyen.ne.s.

Le chapitre 21 du CETA/AECG met en place une méthode visant à réduire toutes les réglementations et les normes contraires aux intérêts des entreprises, au motif prétendu de faciliter le commerce et l’investissement et de contribuer à l’amélioration de la compétitivité et du « climat des affaires ». Tout projet de régulation devra 13être préalablement soumis à un Forum de coopération réglementaire pour harmonisation ou recherche d’équivalences entre les normes respectives de l’UE et du Canada. Cet organe sera coopératif : les lobbies de toutes sortes seront invités à y participer.

Parmi les conséquences prévisibles :

  • l’ingérence directe de l’industrie dans les processus réglementaires et l’amplification de son rôle dans les tests et expérimentations scientifiques ;
  • l’allongement et la complexification des processus d’élaboration des nouvelles réglementations ;
  • la disqualification des considérations sociétales, politiques ou morales comme critères de choix.

Le principe de précaution est particulièrement fragilisé par ces dispositions. Aujourd’hui l’incertitude scientifique autorise la prudence des régulateurs, qui peuvent contester l’introduction d’un nouveau produit, d’une nouvelle technologie ou d’une nouvelle substance en arguant du manque de preuve de son innocuité. Le CETA/AECG pourrait inverser la donne : les régulateurs devront présenter des résultats formels et « objectifs » pour justifier une décision limitant leur introduction ou leur usage.

Alerte 2 : l’agriculture sacrifiée

Déjà ravagée par la crise actuelle, l’agriculture serait l’une des grandes perdantes de l’accord, pour deux raisons : la suppression ou la réduction des droits de douane et la remise en cause des normes sanitaires.

1. Suppression des tarifs douaniers

Le CETA/AECG prévoit la suppression de 98,6% des droits de douane canadiens et 98,7% des droits de douane européens restants, tous produits confondus (agricoles et industriels).

L’UE s’engage à des quotas annuels d’importation énormes sans droits de douane sur la viande bovine et porcine : environ 65000 tonnes de viande bovine (fraîche, congelée, bison et autres bovins inclus), et 75000 tonnes de viande de porc à l’horizon de 7 ans.

On peut donc anticiper un choc majeur pour les producteurs européens, dans un contexte économique déjà très difficile. C’est toute la filière qui sera touchée : producteurs de viande bien sûr mais également industrie de l’abattage ou de l’alimentation animale, sous-traitants techniques, boucherie... Avec pour seule marge de manœuvre possible l’érosion sans fin des coûts de production, ce qui conduira à la dégradation des conditions de travail des salarié.e.s et de traitement des animaux.

Le Canada a permis l’importation de 17 700 tonnes de fromage européen supplémentaires, ce qui menacera 16directement la fabrication des fromages artisanaux, principalement implantée au Québec. On constate ainsi que les négociateurs ont choisi une fois de plus de favoriser l’agro-industrie exportatrice plutôt que les petits producteurs.

2. Abaissement des normes sanitaires et agricoles

Explicitement, rien n’est dit sur les viandes traitées aux hormones (bœuf et porc) et à la ractopamine (porc) dans le traité. Mais le mécanisme de coopération réglementaire facilitera la participation des lobbies industriels au processus d’élaboration des normes de production de viande. Avec pour objectif de remettre en cause des règles sanitaires telles que celles relatives au traitement chimique des viandes, objet d’une pression très forte de la part des producteurs nord-américains.

Il en va de même concernant l’usage des OGM : si là encore aucune mention explicite des OGM n’est faite dans le texte final, le CETA/AECG offre en réalité à l’agro-industrie un moyen d’institutionnaliser ses pressions sur les réglementations relatives aux OGM, loin de tout contrôle démocratique. Le Canada, 5 e plus gros producteur de substances OGM au monde en 2014, avait en la matière deux objectifs dans la négociation : obtenir l’approbation rapide par l’UE des OGM déjà approuvés par Ottawa ; et gagner la tolérance par l’UE d’une « présence faible » par contamination dans les produits OGM entrant sur le marché communautaire.

Nul doute que le « Groupe de coopération et de dialogue bilatéral sur l’accès au marché dans le domaine des biotechnologies » (chargé dans le cadre de l’accord d’organiser la coopération renforcée entre UE et Canada), se saisira de ces demandes avec bienveillance, alors que la Commission européenne s’oriente, lentement mais sûrement, vers une réglementation de moins en moins protectrice dans le domaine.

Mais il n’est pas besoin d’attendre la mise en œuvre du traité pour observer ses effets tangibles. En mai 2016, le lobby canadien Soy Canada a invité l’UE à honorer ses engagements dans le cadre des négociations du CETA/AECG, à savoir l’approbation de trois produits de soja génétiquement modifiés [8] !

Alerte 3 : la privatisation croissante des services publics

Le CETA/AECG vise à ouvrir le maximum de services marchands, publics ou non, à la concurrence des entreprises des deux rives de l’Atlantique.

Toutefois, cette entente va bien plus loin que les accords de libre-échange classiques : elle fonctionne sur le principe de la « liste négative », c’est-à-dire que toutes les parties au traité – les 28 États membres de l’UE et le Canada – devront explicitement préciser chacun des secteurs et sous-secteurs qu’elles souhaitent exclure de cette libéralisation.

Tous les secteurs non listés sont dès lors ouverts par défaut à la concurrence des entreprises étrangères ! Concrètement, deux conséquences sont à prévoir. D’une part, il suffit qu’un secteur ou sous-secteur soit omis par un gouvernement, ou même que sa formulation soit trop floue, pour que son ouverture à la concurrence entre en application. D’autre part, tout nouveau service, produit de l’innovation sociale ou technologique, dès lors qu’il n’aura pas été anticipé sera d’emblée ouvert à la concurrence. Aucune chance, par exemple, pour la puissance publique de conserver le contrôle des technologies futures et de développer un service public autour de leur usage.

L’UE a réussi à obtenir l’accès à tous les marchés publics canadiens, fédéraux, provinciaux, municipaux, au-delà d’un certain seuil, par ailleurs très bas. Les entreprises 20transnationales européennes peuvent répondre à des appels d’offre dans les secteurs de la santé, l’éducation, la gestion de l’eau, l’énergie, les transports. Il s’agit là d’une menace considérable sur la qualité des services publics canadiens et québécois. Ceux-ci subiront des pressions supplémentaires en faveur de leur privatisation.

En outre, le CETA/AECG verrouille le niveau de libéralisation défini par les termes de l’accord. Un secteur déclaré ouvert à la libéralisation ne pourra plus en être retiré. Et toute collectivité publique déléguant un service à une entreprise concernée par l’accord aura le plus grand mal à en organiser la remise en régime publique.

Alors que l’austérité pousse États et collectivités locales aux coupes budgétaires, les opérateurs historiques de service public devront opérer plus vite et à moindre coût pour rester compétitifs, moyennant baisse des effectifs, augmentation du temps de travail, gel des rémunérations...

L’accroissement de la concurrence, dans un contexte où les opérateurs publics eux-mêmes sont appelés à une rentabilité maximale, ne peut que conduire à la dégradation de la qualité des services et finalement annihiler leur raison d’être, c’est-à-dire leur mission d’intérêt général.

Alerte 4 : un accord incompatible avec les exigences climatiques

Les énergies fossiles ne resteront pas dans le sol

Au Canada, le pétrole est une manne déterminante pour l’économie du pays, provenant notamment des pétroles bitumineux de l’Alberta du Nord, l’industrie pétrolière la plus polluante au monde avec encore plus de rejets chimiques et d’émissions de gaz à effet de serre que les pétroles conventionnels.

Or le CETA/AECG achèverait de libéraliser le commerce de l’énergie et des matières premières entre l’UE et le Canada.

L’investissement dans le secteur de l’exploitation pétrolière serait officiellement libéralisé et les entreprises seraient désormais dotées d’un mécanisme d’arbitrage pour garantir la rentabilité de leurs investissements.

Pourtant la communauté scientifique est unanime : pour contenir le réchauffement climatique à 2 degrés celsius, il nous faudra laisser 80 % des réserves en énergies fossiles dans le sol... Un impératif qui n’aura donc que peu de valeur face au CETA/AECG. Cet accord transforme en outre le paysage réglementaire concernant l’exploitation d’uranium canadien par les entreprises européennes : celles-ci pourront désormais opérer sans contrôle systématique des autorités fédérales canadiennes.

Outre ce renforcement des activités extractives, la coopération réglementaire dissuadera les gouvernements de l’UE et du Canada d’introduire de nouvelles réglementations environnementales qui pourraient agir comme « barrières au commerce ».

De plus, le mécanisme d’arbitrage donnera aux entreprises le moyen d’attaquer une mesure de politique publique estimée nocive à leurs profits. Déjà, dans le cadre de l’ALENA, Lone Pine Resources [9] a attaqué le moratoire québécois sur la fracturation hydraulique, et TransCanada conteste le refus de Barack Obama d’autoriser l’extension de l’oléoduc Keystone XL [10]. Que va faire la France par exemple avec la loi Jacob, qui interdit la fracturation hydraulique ?

Une pincée de « développement durable » pour décorer le tout !

Les chapitres 23 et 24 servent de justification sociale et environnementale à cet accord, témoignage d’une approche globale intégrant le commerce dans un cadre plus large de « développement durable » [11] nous dit-on.

Or les deux chapitres « encouragent » beaucoup plus qu’ils n’encadrent et requièrent : aucune clause ne protège, de façon explicite et juridiquement efficace, le droit des États et des collectivités publiques à décider des mesures indispensables pour organiser la transition écologique et énergétique. En clair, le CETA/AECG n’est pas compatible avec les exigences climatiques et les objectifs issus de l’Accord de Paris (COP 21).

Conclusion : ça urge !

Le CETA/AECG ne créera pas d’emplois, au contraire, et il ignore les défis climatiques et sociaux. Il marque une étape supplémentaire dans le démantèlement de services publics indispensables à la cohésion sociale. Il introduit les grandes entreprises des deux rives de l’Atlantique au cœur des mécanismes réglementaires publics, et leur donne les moyens de contester la souveraineté des citoyen.ne.s et de leurs élu.e.s. Il met en œuvre la logique du TAFTA et facilite l’entrée de ce dernier.

La ratification, c’est pour bientôt !

Le Parlement canadien donnera probablement son accord lors du premier trimestre 2017. Le Conseil européen pourrait donner son consentement dès l’automne 2016, suivi du Parlement européen à l’hiver 2016-2017. Dès lors il aurait de grandes chances d’être immédiatement mis en œuvre, sans attendre l’approbation des parlements nationaux, même si l’accord est considéré mixte, c’est-à-dire comme relevant de la compétence partielle des États membres de l’UE. Les ratifications nationales interviendront peut-être ultérieurement, sans aucune garantie de temps et de résultat. C’est maintenant qu’il faut agir !

Que faire dès maintenant ?

Des deux côtés de l’Atlantique, des citoyen.ne.s se mobilisent contre la ratification du CETA/AECG et les négociations sur le TAFTA.

Au sein de l’UE, 3,4 millions de personnes ont exprimé leur désaccord à travers une pétition [12]. En France, plus de 700 collectivités territoriales (municipalités, départements et régions) se sont déclarées « hors traités transatlantiques » ! Au Canada, près de 100 municipalités (incluant Toronto et Montréal) et des regroupements de municipalités ont adopté des résolutions concernant CETA/AECG, plusieurs demandant que les gouvernements locaux en soient exemptés de manière permanente.

Le Collectif Stop TAFTA, regroupement de plus de 75 organisations françaises (associations, syndicats, groupes de consommateurs, mouvements de défense de l’environnement ou du bien-être animal, organisations paysannes...) organise les mobilisations contre le CETA et le TAFTA depuis 2013. Ses actions sont déclinées à travers le territoire par le biais d’une centaine de collectifs locaux.

Le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC), une large coalition d’organisations sociales québécoises créée en 1986, se mobilise contre CETA/AECG. Le Trade Justice Network et le Conseil des Canadiens sont aussi parmi les acteurs mobilisés.

Toutes les informations pour agir :

Crédits

  • Illustrations et maquette : Julie Guillot et Stéphane Dupont
  • Édité par Attac France, Attac Québec et l’Aitec.

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