Développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales, un projet de loi en trompe-l’œil

mardi 11 mai 2021, par Attac France

Le 2 mars dernier, l’Assemblée nationale a adopté, par un vote solennel, le projet de loi « développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales », qu’elle a transmise au Sénat. Chacune des deux assemblées procédera à une seule lecture du texte, selon la procédure d’urgence voulue par le gouvernement. Ce projet de loi, en discussion depuis début 2018, devra remplacer la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale du 7 juillet 2014.

Nous regrettons que le gouvernement ait mis tant de temps à la rédaction du projet de loi, au détriment du débat parlementaire.

Les évolutions que comporte le projet de loi, par rapport à la loi de 2014, ne correspondent pas à la philosophie de son titre, à savoir le « développement solidaire et lutte contre les inégalités mondiales ». La rhétorique utilisée fait croire à la solidarité, mais il n’en est rien. Au contraire, les orientations et mesures envisagées ne font qu’accroître la dépendance des pays concernés, notamment quant aux thématiques et à l’aide publique au développement (APD).
Parmi les changements, apparemment positifs, l’approche du genre en constitue un. Elle n’est plus seulement un objectif thématique, mais elle devient transversale à la politique de solidarité internationale. C’est ce que le projet de loi qualifie de « diplomatie féministe ».

Il en est de même, en ce qui concerne la reconnaissance du rôle des organisations de la société civile dans la politique française de solidarité internationale, la prise en compte des exigences de protection de l’environnement, la reconnaissance du rôle joué par la coopération décentralisée, concrétisée par le doublement de l’aide à l’action extérieure des collectivités locales (article 1er IX), et la création d’une « Commission indépendante d’évaluation de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales placée auprès de la Cour des Comptes » (article 9).
Toutefois, ces évolutions limitées seront freinées, voire annihilées par des orientations plus importantes inscrites dans le projet de loi et d’autres politiques de la France.

Le plus critiquable est la stratégie mondialiste du développement préconisée : « L’insertion progressive des pays en développement dans le commerce mondial constitue une priorité pour la France », bien loin du développement autocentré nécessaire. Une stratégie au surplus mensongère pour les pays de la zone Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), notamment d’Afrique et pour les Pays les Moins Avancés (PMA), en raison des accords de partenariat économique (APE) conclus par l’Union européenne et de la constitution future d’une Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECA). L’accès libre au marché européen de ces pays est compensé par l’obligation de réduire de 80% les droits de douane sur les importations venant de l’UE. Pire encore, le soutien politique et financier de la France et de l’UE à la ZLECA enfoncera un peu plus les PMA africains dans la misère, puisqu’ils devront supprimer leurs droits de douane sur 90% des importations venant d’Afrique où les multinationales françaises et de l’UE sont bien placées pour en profiter. Au total les pertes douanières et de compétitivité des pays africains seront supérieures à l’APD programmée.

Au-delà de ce marché de dupes de l’APD, son autre limite importante concerne sa programmation financière, qui constitue réellement une avancée en trompe-l’œil. D’abord du fait que le projet de loi affirme « s’efforcer » d’atteindre les 0,7% de son revenu national d’ici 2025, lorsqu’on sait que cette promesse est brandie depuis des décennies. Ensuite, la programmation proposée porte seulement jusqu’à 2022. Une loi de programmation qui ne programme que sur l’année suivante de son entrée en vigueur n’est pas une loi de programmation. Aussi, le caractère de loi de programme devrait-il lui être contesté.

Par ailleurs, on peut regretter l’incohérence du texte, par rapport aux objectifs affichés, notamment entre l’annexe où il est inscrit que « la France promeut le multilatéralisme » et l’article 1er VI qui affirme le « renforcement de la composante bilatérale de l’aide publique au développement ».

Le projet de loi n’est pas cohérent non plus avec le soutien apporté à des dictateurs, auteurs avec quelques multinationales, du pillage des richesses et d’atteintes à l’État de droit et à la démocratie de nombreux pays africains.
Aujourd’hui l’évidence est, pour tout défenseur des droits du Sud ou du Nord, que la France soutient des multinationales ne visant qu’à la prédation, avec le plein soutien des gouvernements. La jeunesse africaine souhaite une France qui respecte ses idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité et non pas une France qui soutient ceux qui lui volent son avenir.
En résumé, le projet de loi comporte non seulement de nombreuses incohérences mais un véritable déni du droit à l’autodétermination, aboutissant à accroître les inégalités, à l’encontre des objectifs affichés. Nous demandons aux sénateurs, lors de l’examen du projet de loi, d’être à la hauteur des enjeux et des attentes de la jeunesse des pays pour lesquels nous manifestons notre solidarité.

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