TotalEnergies : une stratégie climat en trompe-l’œil

mardi 30 mai 2023, par Alice Picard, Olivier Petitjean

Le 26 mai, l’Assemblée générale de Total devait se tenir à Paris pour célébrer les bénéfices record du groupe. L’événement a été fortement perturbé par plusieurs centaines d’activistes qui ont dénoncé les projets dévastateurs du groupe et son greenwashing agressif.

Pour illustrer la stratégie de verdissement des activités de Total, nous reproduisons ici un extrait du nouveau livre d’Attac et de l’Observatoire des multinationales, intitulé Super Profiteurs, le petit livre noir du CAC40. Le livre est disponible à la commande sur le site d’Attac.

Suffit-il d’un changement de nom pour s’acheter un certificat de bonne conduite écologique ? En 2021, Total est devenue « TotalEnergies » pour marquer son souhait de diversification au-delà des hydrocarbures, son cœur de métier historique.

« Prendre en compte le scénario 2°C, c’est intégrer le fait que les hydrocarbures, notamment le pétrole, sont des marchés matures, voire déclinants », a déclaré son PDG Patrick Pouyanné. Il n’en fallait pas plus pour que son entreprise soit vantée comme un modèle de « transition ».

Mais Total a-t-il véritablement changé ? Certes, le groupe a multiplié les annonces – ici l’acquisition d’une entreprise spécialiste des batteries, là un investissement dans des « puits de carbone ». Mais si l’immense majorité de sa communication est consacrée à vanter ses initiatives en matière de transition, son argent continue à aller, en pratique, au développement des énergies fossiles.

C’est ce dont témoigne le projet emblématique d’extraction pétrolière du groupe en Ouganda, aujourd’hui ciblé par une campagne internationale de grande ampleur. Et TotalEnergies ne compte pas s’arrêter là : Mediapart a recensé pas moins de vingt nouveaux projets, découvertes de réserves ou contrats ayant trait à l’extraction d’énergies fossiles au cours de l’année 2022.

Il est également directement impliqué dans certaines des plus grosses « bombes climatiques » identifiées par le Guardian – autrement dit les réserves de pétrole, charbon ou gaz encore non développées –, dont la principale d’entre elles : les immenses champs gaziers offshore au large du Qatar, dont TotalEnergies est le premier partenaire étranger. Or même l’Agence internationale de l’énergie, pourtant pas un foudre de guerre sur ces questions, préconise l’arrêt immédiat de tout nouveau projet pétro-gazier.

L’art de la diversion

Comment TotalEnergies peut-il continuer à se présenter comme un champion de la transition dans ces conditions ? La réponse à cette question se trouve dans la « stratégie climat » que le groupe publie depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015, et qui est censée montrer comme il entend contribuer à l’objectif international de maintenir le réchauffement global des températures en deçà de 2°C, et atteindre son propre objectif de de neutralité carbone « nette » (la précision est importante) en 2050.

Pour compenser les émissions massives que ses nouveaux projets d’hydrocarbures ne manqueront pas d’occasionner, TotalEnergies parie sur le développement de technologies comme la capture-séquestration du carbone (non prouvée, coûteuse et potentiellement dangereuse) , ainsi que le développement des « puits de carbone », autrement dit de programmes de reforestation ou de protection forestière, notamment en Afrique.

Le problème est que les bienfaits climatiques réels de ces programmes tels qu’ils existent actuellement, conçus par et pour les multinationales occidentales, sont sujets à caution. En outre, déployer de tels programmes à l’échelle nécessaire nécessiterait de prendre le contrôle d’immenses superficies, au détriment des communautés traditionnelles qui en tirent leur subsistance – un vaste « accaparement vert » au bénéfice des multinationales pour qu’elles puissent continuer à polluer.

La stratégie climat de TotalEnergies illustre également le confusionnisme délibéré pratiqué par l’entreprise, qui regroupe sous la même étiquette « verte » des activités aussi diverses (et souvent peu écologiques) que les agrocarburants, la capture-séquestration du carbone, la fourniture d’électricité aux particuliers, en plus des énergies renouvelables proprement dites.

On retrouve le même trompe-l’oeil dans les chiffres d’émissions publiés par le groupe. Selon ses propres déclarations, TotalEnergies aurait émis directement et indirectement 436 millions de tonnes équivalent CO2 en 2021 – un chiffre déjà important puisqu’il est comparable aux émissions de pays comme l’Afrique du Sud ou l’Arabie saoudite.

Néanmoins, selon les calculs de Greenpeace qui dénonce plusieurs biais dans la méthodologie du groupe français, celui-ci aurait en réalité émis bien davantage : pas moins 1,6 milliard de tonnes équivalents CO2 ce qui placerait le groupe au rang des premiers pollueurs mondiaux juste derrière la Chine, les États-Unis et l’Inde.

Les dirigeants de TotalEnergies croient-ils eux-mêmes à leur propre stratégie climat ? Il est permis d’en douter, mais c’est un moyen de gagner du temps en rassurant les pouvoirs publics et leurs propres employés qui se posent de plus en plus de questions.

Alice Picard et Olivier Petitjean

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