Loi fraude fiscale : le Sénat renonce à une véritable suppression du verrou de Bercy

mercredi 4 juillet 2018, par Collectif

Le Sénat a examiné ce mardi 3 juillet le projet de loi contre la fraude fiscale, défendu par Gérald Darmanin.
Suite à des débats nourris sur la question du verrou de Bercy, la majorité sénatoriale, avec le soutien du gouvernement, a voté un aménagement très limité de cette exception française qui donne au ministère des Finances le monopole en matière de poursuites pénales pour fraude fiscale, et institue une justice à deux vitesses et une impunité pour les fraudeurs fiscaux.

Malgré plusieurs amendements qui auraient permis une véritable ouverture, sur la base notamment des propositions du récent rapport de la mission d’information parlementaire, le verrou de Bercy persiste encore largement. Les dispositions votées aujourd’hui par la majorité des sénateurs-trices, ne permettent pas, loin s’en faut, de donner à la justice un rôle dissuasif effectif et de garantir que les cas de fraude les plus graves et les montages douteux de grandes entreprises soient jugés et sanctionnés de manière exemplaire. En effet, très peu de dossiers resteront transmis à la justice, sur la base de critères très restrictifs. De plus, l’examen conjoint par l’administration et la justice, tout comme la possibilité pour la justice de s’autosaisir ne sont pas prévus.

Le Sénat a également étendu la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) à la fraude fiscale : cette disposition très dangereuse permettra aux entreprises poursuivies par la justice pour fraude fiscale de passer une convention transactionnelle validée par le juge, et de simplement payer une amende, sans reconnaissance de culpabilité. C’est un nouveau système de justice à deux vitesses qui est introduit, où les fraudeurs fiscaux sont traités différemment des délinquants de droit commun. Cela permettra à des sociétés responsables de fraudes d’ampleur de conserver tous les bénéfices de l’innocence, contre le versement d’une amende qui ne pourra par définition jamais être dissuasive.

Les derniers scandales d’évasion fiscale, en tête desquels les Panama et Paradise Papers, ont pourtant montré que les dispositifs actuels de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale sont insuffisants.
Pourtant, la majorité sénatoriale a aussi refusé de créer un registre public des propriétaires des sociétés permettant de lutter contre les sociétés écrans, alors que la France devra à terme se conformer à cette obligation dans le cadre de la transposition de la 5e directive anti-blanchiment.
Par ailleurs, la transposition de la liste européenne des paradis fiscaux dans le droit français, proposé par le gouvernement, doit poser question : il est hypocrite que la France considère désormais comme paradis fiscaux des pays qui ne jouent aucun rôle dans les schémas d’évasion fiscale tout en continuant d’exclure d’office des pays européens comme l’Irlande de sa liste noire. Qui a déjà entendu parler de la Namibie dans des montages d’évasion fiscale ?

C’est maintenant à l’Assemblée nationale d’étudier le texte, qui devrait être examiné début septembre dans l’hémicycle : les député-e-s devront saisir cette opportunité pour rectifier le tir et prévoir enfin des mesures qui ne se réduiront pas aux apparences et aux déclarations d’intention.

Notes sur le « verrou de Bercy »

Les sénateurs et sénatrices ont décidé d’inscrire dans la loi des critères d’après lesquels les dossiers de fraude seront automatiquement transmis au juge, la première recommandation du rapport de la mission d’information parlementaire Cariou. Cependant, en choisissant des critères cumulatifs sur la gravité, le Sénat limite très fortement cet aménagement puisque très peu de dossiers vont finalement être proposés à la justice.
Les sénateurs-trices ont également renoncé à deux autres dispositions essentielles pour ouvrir véritablement le verrou de Bercy :

  • garantir un examen conjoint par l’administration fiscale et la justice des dossiers, en laissant le dernier mot au parquet,
  • permettre à la justice de s’autosaisir pour les cas connexes qu’elle rencontre.

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