Bernard Cassen est décédé. Outre son parcours universitaire et son travail de journaliste, notamment en tant que directeur du Monde diplomatique, son nom est attaché à la naissance du mouvement altermondialiste, notamment lors du premier Forum social mondial à Porto Alegre en 2001, et à la création de l’association Attac en France en 1998, à la suite d’un appel d’Ignacio Ramonet dans Le Monde diplomatique.

À l’époque où la mal nommée « mondialisation heureuse » battait son plein et entraînait ravages sociaux et montée des inégalités au nom de la rentabilité financière, il fut à l’origine de cette association originale fondée sur plusieurs piliers. Il eut l’idée en premier lieu de rassembler des représentants de syndicats et d’associations engagés dans les mouvements sociaux pour installer un collège des fondateurs, garant de l’engagement international d’Attac. Il créa un Conseil scientifique pour doter l’association d’un corpus intellectuel capable de battre en brèche ce que l’on appelait autrefois la « pensée unique ».

Cette organisation imaginée par Bernard Cassen, à laquelle il faut ajouter la multitude de comités locaux, qui en quelques mois jaillirent en France mais aussi dans de nombreux pays, permit à l’association Attac, sous sa présidence, d’être en phase avec l’émergence des forums sociaux, tant mondiaux qu’européens et locaux. C’est la structuration en comités locaux qui donna à Attac la capacité d’être un facteur crucial dans la coordination citoyenne contre les réformes néolibérales, notamment dans les batailles contre les réformes des retraites, en particulier en 2003 et 2010.

C’est aussi cette structuration qui nourrit un débat démocratique d’ampleur inégalée contre le projet de constitution européenne en 2005 et qui aboutit à la victoire du non au référendum. Pour la première fois, les enjeux d’une construction européenne hors du carcan de l’ordre capitaliste néolibéral étaient posés, certes non sans l’expression de divergences et de vives discussions dont Bernard Cassen était partie prenante, et qui traversaient tous les mouvements sociaux et les gauches politiques. Ces divergences étaient suffisamment fortes pour ébranler un temps l’association.

Homme de culture, Bernard Cassen ne tenait pas l’éducation populaire pour un vain mot. Le bien parler et le bien écrire étaient pour lui le signe d’un engagement en faveur d’une réelle démocratisation de la société. Ses contributions éditoriales furent ainsi nombreuses pour diffuser les critiques du modèle néolibéral. Aussi parce qu’il était cet homme de culture, le respect de toutes les cultures à travers le monde était consubstantiel à sa vision altermondialiste.

Christophe Aguiton, Geneviève Azam, Daniel Bachet, Claude Calame, Pierre Cours-Salies, Thomas Coutrot, Vincent Drezet, Gérard Gourguechon, Janette Habel, Jean-Marie Harribey, Esther Jeffers, Samy Johsua, Pierre Khalfa, Christiane Marty, Gustave Massiah, Georges Menahem, Dominique Plihon, Catherine Samary, Claude Serfati, Éric Toussaint, Aurélie Trouvé.

Toutes les personnes signataires furent membres du Conseil scientifique d’Attac.