Le Centre international de règlement des différends sur l’investissement (CIRDI)

lundi 21 décembre 2009, par Attac France

On connaît plus ou moins bien l’Organe de règlement des différends (ORD), chargé de régler les conflits entre des États ou groupes d’États au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Par contre, peu de gens ont entendu parler du CIRDI, qui ne s’intéresse pas à proprement parler au commerce, mais aux investissements, et qui est censé arbitrer les conflits entre des États et des investisseurs privés… le plus souvent au profit de ces derniers.

Origine

Le CIRDI a été créé le 14 octobre 1966 par la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) afin d’arbitrer les conflits entre un État et un investisseur originaire d’un autre État. Il fait aujourd’hui partie, tout comme la BIRD, du groupe de la Banque mondiale. À l’origine, seuls vingt pays adhérèrent au CIRDI ; plusieurs États d’Amérique Latine s’opposèrent à la création de ce tribunal au nom de la doctrine Calvo [ 151 qui défend la souveraineté nationale, l’égalité entre citoyens nationaux et étrangers et la juridiction territoriale. Il existe divers tribunaux internationaux qui se consacrent au règlement des différends entre États et investisseurs privés tels que : la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce international, la Commission des Nations unies pour le droit commercial international, mais les investisseurs ont, depuis une vingtaine d’années, une préférence pour le CIRDI. Le CIRDI a son siège à Washington au sein de la Banque mondiale, auprès des divers organismes qui font partie du groupe de la BM : l’arbitrage est rendu avec le concours de trois arbitres (l’un étant désigné par l’État, l’autre par l’investisseur et le troisième par la Banque), et la décision est sans appel. Il n’y a pas d’audience publique. Quant à la saisine du Centre, il faut remarquer que les États se trouvent à égalité avec les entreprises privées. Quand on sait la puissance des transnationales [ 152 ], bien supérieure à celle de nombreux États, on ne peut que tout craindre de cette « égalité ».

Le lien entre le CIRDI et les traités bilatéraux de protection de l’investissement : TPPI

On observe un parallélisme entre la multiplication considérable des traités bilatéraux sur l’investissement depuis la fin des années 1980 et le nombre de procédures engagées devant le CIRDI par des investisseurs contre des États. Il apparaît que les modalités de défense du capital introduites dans ces traités ont servi de fondement pour la multiplication de ces procédures. En effet, la plupart des procédures engagées devant le CIRDI par des investisseurs n’auraient pas été recevables devant les instances d’arbitrage de droit international classique respectueuses de la souveraineté des États. Par contre, en se fondant sur l’application de traités bilatéraux, ces procédures étaient recevables par le CIRDI, dès lors que les États ayant signé un traité de promotion et protection des investissements (TPPI) avaient adhéré au CIRDI.

La multiplication des traités bilatéraux sur l’investissement

En 1989 on comptait pour le monde entier 385 traités, en 2006 on en dénombrait plus de 2 500, dont la part la plus importante revient aux États-Unis. En général, ces traités sur l’investissement ne sont pas signés entre pays développés, mais avec des pays en développement supposés récepteurs d’investissement. Cette multiplication des traités bilatéraux à partir des années 1980 s’intègre parfaitement dans le « Consensus de Washington » dont le triptyque, privatisation, libéralisation et libre circulation, a fait les ravages que l’on sait. La multiplication des traités de protection de l’investissement entrait parfaitement dans le cadre de ce « consensus ». C’est ainsi, que l’Argentine, à mesure qu’elle mettait sur le marché ses entreprises nationales, qui étaient acquises massivement par les transnationales, surtout européennes, signait 54 traités de protection de l’investissement.

Les clauses basiques des TPPI

Tous les TPPI concèdent à l’investisseur le privilège d’éviter la juridiction nationale du lieu d’investissement et de choisir un tribunal international directement sans être tenu, comme le sont les investisseurs nationaux, d’épuiser la voie juridictionnelle nationale. Le TPPI reconnaît à l’investisseur étranger :
-  l’immunité face aux normes de l’État récepteur ;
-  le privilège de lancer une procédure contre un État devant un tribunal indépendant des cours de justice conventionnelles, tel que le CIRDI. Ces clauses basiques constituent une régression du droit international appliqué en Amérique latine incarné dans la doctrine Calvo qui, en 1896, établissait que les étrangers ne pouvaient pas jouir de droits supérieurs à ceux des nationaux. Selon cette doctrine, les différends relatifs à des citoyens étrangers devaient être résolus par des tribunaux locaux.

Critères de définition de l’investissement et qualification de l’investisseur

Les critères de définition de l’investissement Selon le TPPI, la notion d’investissement inclut :
-  toute propriété mobilière et immobilière,
-  tout mode de participation financière à une entreprise : action ou autre titre,
-  tout contrat ou activité ayant une valeur financière,
-  toute concession commerciale comprenant des concessions pour pratiquer des cultures ou exploiter des ressources naturelles, incluant des concessions de prospection et exploration de ressources naturelles,
-  tout droit de propriété intellectuelle : brevet, procédé technique, savoir-faire, patente, marque, nom commercial, prestige, clientèle. Cette amplitude prépare l’inclusion dans le concept d’investissement de nouveaux domaines d’échange : marché des droits à polluer résultant du Protocole de Kyoto sur le climat ou encore brevets nouveaux apparaissant à mesure de la progression de la « brevetisation » des espèces végétales par les firmes de biotechnologie.
La qualification de l’investisseur : ses droits et exigences vis-à-vis de l’État Le contrat type énumère les droits de l’investisseur :
-  droit au profit, sachant que la notion de profit s’étend aux bénéfices, dividendes, intérêts, royalties et tout autre revenu ;
-  liberté de transfert à l’étranger, à tout moment des capitaux, bénéfices, royalties, honoraires en devises librement convertibles ;
-  liberté de choix par l’investisseur du secteur d’investissement ;
-  l’investisseur bénéficie, pour la protection de ses intérêts, de la clause du traitement national et de la clause de la nation la plus favorisée  [ 153 ]. En revanche, pour l’État, le contrat énonce seulement des obligations et non des droits. Notamment, l’État récepteur doit garantir la sécurité totale de l’investissement et s’interdit toute expropriation ou « toute autre mesure équivalente ». Ainsi le TPPI entre le Maroc et l’Italie (18 juillet 1990) stipule dans son article 5 : « l es investissements ne peuvent faire l’objet d’aucune mesure permanente ou temporaire qui limite le droit de propriété ». Le TPPI entre l’Argentine et la France (1993) dispose dans son article 5-3 que « tout investisseur a droit à indemnisation si son investissement a subi une perte à cause d’une guerre ou tout autre conflit armé, révolution, état d’urgence ou rébellion se produisant sur son territoire ou dans sa zone maritime ». Le TPPI États-Unis/Équateur (27 juillet 1993) stipule que « l’État récepteur s’engage à éviter de prendre quelque mesure que ce soit susceptible d’affecter l’orientation, l’exploitation, l’utilisation, l’usufruit, l’acquisition, l’expansion ou l’aliénation des investissements ».

La jurisprudence du CIRDI et l’évolution des droits des investisseurs

Les nombreux arrêts rendus par le CIRDI depuis vingt ans constituent une jurisprudence qui transforme radicalement le droit international. Elle donne à l’entreprise un statut nouveau parmi les entités de droit international et elle entame une modification inédite des attributs du droit de propriété.

Arrêts du CIRDI, source de jurisprudence

Arrêt Metalclad Corporation/Mexique (30 août 2000) L’entreprise états-unienne de traitement de déchets hautement toxiques Metalclad, s’était installée au Mexique en 1996, en vertu du traité de libre-échange ALENA  , liant le Mexique aux États-Unis et au Canada, entré en vigueur en 1994. Elle échappait ainsi aux critiques des écologistes nord-américains. En 1998, les autorités locales de San Luis Potosi lui interdisaient d’installer un dépôt de déchets hautement toxiques. Metalclad entamait alors devant le CIRDI une procédure contre l’État mexicain pour violation du traité de protection de l’investissement. Le CIRDI a statué en 2000 en faveur de Metalclad, condamnant l’État mexicain à lui verser une indemnisation de 16,7 millions de dollars, au motif qu’il y avait eu expropriation. L’arrêt précise que «  le fait de priver Metalclad du bénéfice économique qu’elle pouvait raisonnablement espérer constitue une expropriation . » L’arrêt s’appuie sur l’article 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) : « l’expropriation inclut non seulement la confiscation de la propriété de façon ouverte et délibérée en connaissance de cause ou le transfert formel du titre de propriété en faveur de l’État récepteur, mais également une interférence dissimulée ou incidente sur l’usage de la propriété qui ait pour effet de priver, totalement ou en partie le propriétaire de l’usage ou du bénéfice économique qu’il pouvait espérer de cette propriété. » Cet arrêt du CIRDI a constitué une jurisprudence, reprise et développée par la suite.
Ainsi l’arrêt Tecmed (mai 2003). L’entreprise de traitement de déchets dangereux Tecmed s’était heurtée à une interdiction d’activité résultant d’une décision de l’Institut national d’Écologie du Mexique. Tecmed a poursuivi l’État devant le CIRDI, demandant à être indemnisée. Le CIRDI a condamné le Mexique à lui verser une indemnisation de 5,5 millions de dollars au motif que : « il y a privatisation de propriété du fait de la privatisation de bénéfices ou d’une interférence dans l’utilisation du bien, même si le titre de propriété n’est pas affecté ». L’arrêt ajoute : « pour obtenir une indemnisation il n’est pas nécessaire d’avoir subi une expropriation formelle ou une dépossession. » Ces arrêts ouvrent la voie à une modification profonde du droit de propriété lié la notion d’investissement. L’obligation faite à l’État de garantir le respect du droit de propriété se transforme en obligation de garantir le profit lié à cette propriété. On s’éloigne ainsi du concept de garantie du respect de la propriété privée, correspondant à l’engagement de ne pas nationaliser un bien. On va, au fil de la jurisprudence, vers la création d’obligations nouvelles pour l’État face à l’investisseur étranger, notamment celle de créer un climat favorable à la « profitabilité » de l’investissement, qui conduit en toute logique à s’abstenir de légiférer dans des domaines pouvant affecter le profit : matière fiscale, matière de droit social ou matière écologique. C’est ce qui ressort de la série d’arrêts suivants :
Arrêt Marvin Feldman/Mexique (2002) Marvin Feldman, citoyen des États-Unis, possédait au Mexique une compagnie d’exportation de tabac et dérivés. Selon la réglementation, l’État percevait une taxe sur l’exportation du tabac. Suite à l’entrée en vigueur de l’ALENA, Feldman réclama à l’État la restitution des taxes perçues, s’appuyant sur l’article 11 sur la protection de l’investissement étranger. Le CIRDI a condamné le Mexique au motif que « certaines sortes de réglementations peuvent constituer une expropriation progressive, en pratique plusieurs expropriations progressives pourraient s’effectuer au moyen de réglementations. Par conséquent, faire une exception globale des mesures réglementaires aboutirait à créer un vide énorme dans la protection internationale contre les expropriations. »
Arrêt Ethyl Corp/Canada L’entreprise états-unienne de produits chimique Ethyl Corp opérant au Canada s’est heurtée à l’annonce du gouvernement canadien de l’adoption prochaine d’une loi imposant un contrôle plus strict des produits chimiques d’Ethyl Corp entrant au Canada. En application de l’ALENA, l’entreprise a adressé une requête au CIRDI requête pour dénoncer cette loi. Le CIRDI a fait droit à sa demande d’indemnisation, stipulant que la seule menace d’une loi constitue en soi une atteinte au droit de propriété. Que la loi soit d’ordre écologique n’est pas une justification. C’était déjà le sens de l’arrêt Tecmed qui stipulait «  qu’il n’y a pas lieu de retenir les motivations ou les intentions qui ont mené à l’adoption d’un décret écologique. »
Arrêt Aucoven/Venezuela (2001) L’entreprise Aucoven avait acquis la gestion des autoroutes à la faveur des privatisations réalisées sous le gouvernement Caldera [ 154 ]. Le gouvernement bolivarien avait introduit un recours en annulation du contrat et avait refusé l’augmentation des tarifs de péage exigée par Aucoven faisant suite à des manifestations violentes des usagers. Aucoven avait alors introduit une procédure contre l’État devant le CIRDI pour atteinte aux droits de l’investisseur. Dans son arrêt de condamnation du Venezuela, le CIRDI stipule qu’«  il incombe à l’État de savoir quelle force il doit déployer pour pouvoir remplir ses obligations contractuelles » et «  les fonctionnaires vénézuéliens qui ont négocié le contrat ne pouvaient pas ignorer que l’augmentation des tarifs de transport résultant de l’augmentation des tarifs d’autoroute provoquerait une protestation populaire. » Ainsi , selon le CIRDI, la protection de l’investissement étranger prime sur la satisfaction des revendications sociales. Le CIRDI, à travers sa jurisprudence qui étend la protection de l’investisseur étranger, s’élève peu à peu au-dessus des États et mine leur souveraineté. Les États perdent leur autonomie législative car elle se trouve subordonnée à la garantie de profitabilité de l’investissement étranger.

Les conditions de recevabilité de la plainte par le CIRDI

Le CIRDI a pour fonction d’arbitrer des différends sur l’investissement, se fondant sur des traités de protection de l’investissement. C’est l’interprétation de la notion d’investissement étranger : selon les TPPI, elle permet à un nombre indéfini de sujets de droit d’être qualifiés comme investisseurs étrangers. L’affaire Bechtel contre Bolivie est emblématique de la casuistique à laquelle obéit le CIRDI pour déclarer recevable une plainte contre un État. Cette affaire offre également un éclairage particulier sur les montages juridiques et financiers des transnationales organisant une répartition de rôles entre filiales et succursales à travers divers États. L’entreprise Bechtel, holding nord-américain dont l’objet principal est l’exploitation des ressources en eau est entrée en Bolivie dans les années 1990, pour exploiter les eaux du Tunari ; elle a créé une société bolivienne AdT (Aguas del Tunari) ayant une structure financière complexe dans laquelle on trouve du capital de divers pays, parmi lesquels les Pays-Bas avec l’entreprise Baywater, pour une très modeste participation. AdT s’était engagée en 1999 à fournir les services de distribution d’eau et assainissement à la ville de Cochabamba. En 2000, suite aux carences de AdT, l’augmentation considérable des tarifs de l’eau déclenche un soulèvement de la population (la guerre de l’eau). AdT, considérant que cette guerre de l’eau est une atteinte à son investissement, entame alors contre l’État bolivien une procédure d’indemnisation devant le CIRDI. Faute de disposer d’un TPPI Bolivie/États-Unis, Bechtel, société nord-américaine, fonde sa demande sur le TPPI qui lie la Bolivie aux Pays-Bas. La Bolivie rétorque que Bechtel est une entreprise nord-américaine et non pas hollandaise et que le CIRDI ne peut être saisi sur la base d’un traité qui lie la Bolivie aux Pays-Bas. Cependant le CIRDI se déclare compétent, du seul fait de la participation, même infime de capital hollandais dans le holding Aguas del Tunari créé par Bechtel. On comprend que la plasticité des montages financiers des entreprises transnationales et l’interprétation laxiste de la notion d’investissement font du CIRDI un tribunal d’arbitrage au service des entreprises. À cela s’ajoutent la clause du traitement national et celle de la clause de la nation la plus favorisée, qui au nom de la concurrence libre et non faussée, engendrent une responsabilité de l’État dans un nombre incalculable de décisions. C’est ainsi que, se fondant sur des dispositions antérieures bénéficiant à un investisseur étranger ou national et avant même la signature d’un TPPI, l’investisseur exige l’inclusion des conditions les plus favorables, telles que le rapatriement de bénéfices et l’exonération fiscale.

Règles de fonctionnement du CIRDI

Plusieurs articles marquent bien dans quelle logique s’inscrit le CIRDI :
-  Le tribunal décide seul de sa compétence (art. 41).
-  Le tribunal ne publiera pas l’arrêt sans le consentement des deux parties (art. 48).
-  L’arrêt est obligatoire et ne peut faire l’objet d’appel ni d’aucun recours (art. 5).
-  Le tribunal décide de l’admissibilité de toute preuve (art. 34).
-  Le tribunal pourra recommander d’office l’adoption de mesures provisoires ; il pourra modifier ou annuler ses recommandations à tout moment (art. 39).

La protection de la propriété intellectuelle et la protection de l’investissement étranger

La protection de la propriété intellectuelle est incluse dans les traités de libre-échange, mais elle fait souvent l’objet d’un traité séparé. La propriété intellectuelle liée au commerce (brevets, logos, licences technologiques, etc.) occupe une place considérable du fait des avancées des biotechnologies. En outre, la multiplication des conventions internationales sur la biodiversité et sur la protection de l’environnement ouvre aux transnationales les portes du Sud, où résident la biodiversité la plus vaste et les richesses naturelles les plus importantes. Dans leur majorité, les transnationales détentrices des innovations technologiques sont adossées à de grands pays du Nord (sans omettre la Chine et l’Inde), elles sont très présentes dans la négociation des traités de libre-échange (ou d’association) avec les pays du Sud, comme elles le sont dans l’exploration de la biodiversité et le recensement du génome humain. Puisque selon l’idéologie dominante tout ce qui est bon pour le marché est bon pour l’humanité, la brevetisation du vivant et sa mise sur le marché semblent inéluctables. Grâce au développement des droits de l’investisseur, le CIRDI a un bel avenir en tant que protecteur de la propriété privée assimilée à un investissement étranger. En principe, la vie et ses multiples formes produites par la nature ne peuvent faire l’objet d’appropriation privée. Mais les biotechnologies permettent de modifier les êtres vivants. Il existe déjà une convention pour la protection des nouvelles variétés de plantes, l’UPOV [ 155 ] : cette convention consacre les droits de « l’obtenteur ». Les États-Unis octroient aisément des brevets sur tout matériel biologique animal ou végétal. La plupart des pays signataires d’un traité de libre-échange avec les États-Unis sont tenus de s’y conformer. C’est ainsi que les pays signataires du CAFTA [ 156 (traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Amérique centrale) adaptent leur législation à celle des États-Unis et ouvrent leurs immenses ressources en biodiversité aux compagnies de biotechnologie. Désormais, tout État d’Amérique centrale qui, par une mesure législative, porterait atteinte à la protection de l’investisseur étranger en biotechnologie risquerait de devoir affronter le CIRDI.

Le combat contre le CIRDI va de pair avec le combat contre les traités de libre-échange

L’Amérique latine est à l’avant-garde de la lutte contre les traités de libre-échange depuis 20 ans. C’est aussi d’Amérique latine qu’est partie la dénonciation du CIRDI par l’Association latino-américaine des juristes et par les grandes organisations du mouvement social. De nombreux travaux d’analyse ont mis en lumière le fonctionnement de ce tribunal fonctionnant à l’abri de la Banque mondiale. La Bolivie a eu la première l’audace de rompre avec cette institution et d’en assumer les conséquences. Le gouvernement bolivien a signifié son retrait du CIRDI le 29 avril 2007. Il fonde sa décision sur le respect de sa constitution, considérant que le CIRDI est une institution qui viole plusieurs principes constitutionnels. Cette constitution statue en effet que toute entreprise opérant en Bolivie doit recourir aux tribunaux nationaux exceptionnels : «  toutes les entreprises établies pour exploiter ou tirer partie du pays sont considérées comme nationales et sont soumises aux lois et aux autorités de la République. Les entreprises et les sujets étrangers sont soumis aux lois boliviennes, ne peuvent en aucun cas invoquer des situations exceptionnelles ni effectuer une réclamation diplomatique. » Dans sa décision, le gouvernement bolivien se réfère aux abus du CIRDI lorsqu’il permet aux investisseurs de réclamer des indemnisations pour la non-obtention de profits escomptés. Avec la garantie du CIRDI, les entreprises transnationales se permettent d’arracher des indemnisations gigantesques par rapport à leur investissement (Bechtel demandait une indemnisation de 25 millions de dollars alors qu’elle avait investi moins d’un million). En effet, le montant global des indemnisations demandées par les transnationales atteint des niveaux sans rapport avec le PIB des États en développement (l’Argentine, par exemple, affronte des demandes pour un montant total de 17 milliards de dollars). Enfin, le mécanisme de fonctionnement du CIRDI a un coût énorme pour un pays en développement. La procédure exige l’assistance d’avocats internationaux dont les honoraires sont exorbitants.

Conclusion

De nombreux pays ont adopté de nouvelles lois d’arbitrage international. L’US Trade Act de 2002 fixe les droits des investisseurs étrangers par rapport à ceux des entreprises états-uniennes ; en cas de différends avec des entreprises états-uniennes ou avec le gouvernement des États-Unis, les investisseurs étrangers sont soumis aux lois nationales des États-Unis (incluant le Federal Arbitration Act de 1925). Les entreprises étrangères qui investissent aux États-Unis devront soumettre toute réclamation contre une entreprise nationale à l’arbitrage choisi par l’entreprise états-unienne. La décision du gouvernement bolivien de sortir du système d’arbitrage du CIRDI a inauguré une dynamique de refus parmi les États faisant partie de l’ ALBA  (Alternative bolivarienne pour les Amériques). Ce faisant, ils ont ouvert un chantier de droit international sur l’arbitrage commercial international et remis à l’ordre du jour les principes énoncés par la doctrine Calvo. Enfin et surtout, les États de l’ALBA entendent renégocier les traités de « protection de l’investissement » de façon graduelle et pays par pays. Ce chantier ouvrant sur une réforme du droit international et visant une plus grande équité à l’égard des États dominés aura besoin, pour progresser, d’une transformation des rapports politiques internationaux.

Références des cas d’arbitrage devant le CIRDI évoqués dans le texte METALCLAD : ARB(AF)97/1 TECMED : ARB(AF)/00/2 MARVIN FELDMAN : ARB(AF) 99/1 AUCOVEN : ARB/00/5 BECHTEL ADT/Bolivie : ARB/02/3 PERENCO/Ecuador : ARB/08/6 BURLINGON/Ecuador : ARB/08/5 MURPHY/Ecuador : ARB/08/4 CITY Oriente/Ecuador : ARB/06/21 REPSOL/Ecuador

Jacques Cossart, Denise Mendez, membres du Conseil scientifique d’Attac France novembre 2009

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